L’année qui s’achève a d’ores et déjà donné lieu à de nombreux bilans pour Bitcoin, presque tous focalisés sur le « bear market ». Avec une baisse de 73 % entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, difficile d’éluder ce sujet, mais n’ayant rien à ajouter à ce qui a déjà été dit, j’inviterai donc nos lecteurs à relire sur ce point l’interview de Beetcoin publiée début décembre. Ce premier article de l’année s’intéressera donc à tous les autres événements qui ont rendu cette année 2018 si passionnante… à défaut d’être enrichissante.
Première surprise : « l’engorgement du réseau » et la sélection des transactions par enchères aux frais a pris fin dès février. Le coût moyen d’une transaction Bitcoin tourne aujourd’hui autour de 0.000035 BTC, soit 12 centimes environ au cours du jour… et cela, bien évidemment, quel que soit le montant envoyé. Certes la situation n’est sans doute que temporaire – jusqu’à la prochaine phase d’adoption massive – mais les solutions de scalabilité qui nous paraissaient, il y a un an seulement, si urgentes, peuvent se désormais se développer sans pression ni précipitation.
Et c’est là la seconde bonne nouvelle : l’année 2018 fut celle de la concrétisation du Lightning Network. Le réseau, encore balbutiant en début d’année, compte désormais près de 5 000 nœuds et plus de 16 000 canaux et un nombre croissant de commerces l’expérimentent. D’autres solutions de scalabilité sont également en développement, on citera par exemple la sidechain Liquid, désormais fonctionnelle.
Parmi les feuilletons de l’année 2018 on s’amusera évidemment des tergiversations franco-françaises :
– Janvier : déclarations hostiles du ministre de l’économie (qui avait déjà déclaré précédemment qu’il « n’aimait pas le bitcoin » ) suivies d’un anathème présidentiel proféré lors du forum économique mondial annuel de Davos ;
– Mars : une lueur filtre à travers les volets fermés de Bercy et le ministre déclare qu’il n’est « pas opposé au développement du bitcoin » ;
– Avril : Le Conseil d’État, saisi par des contribuables, révise la fiscalité du bitcoin. Les produits tirés par des particuliers de la cession de bitcoins relèveront (provisoirement) de la catégorie des plus-values de biens meubles. Les plus-values inférieures à 5000€ sont défiscalisées.
– Mai : illumination ministérielle. Il s’agit désormais de faire de la France « la première place d’innovation blockchain & crypto-actifs en Europe ». On réalise alors qu’on a nommé un canard à la tête de la commission foie gras [1] ;
– Septembre : L’Assemblée Nationale adopte un article qui met en place un régime et un visa pour les entreprises qui émettent, achètent ou vendent des cryptomonnaies ;
– Novembre : Re-fiscalisation des plus-values inférieures à 5000€ avec l’adoption d’un amendement qui soumet toutes les gains issus de la vente « d’actifs numériques » à titre occasionnel au taux global de 30 % sitôt qu’ils dépassent les 305€ ;
– Décembre : rejet d’une série d’amendements visant à améliorer le dispositif fiscal prévu pour les crypto-actifs.
On saluera tout de même le combat vaillant des « crypto-députés » qui obtiendront notamment la défiscalisation des échanges entre cryptomonnaies mais qui, confrontés au travail de sape de « certaines institutions et autorités de régulation » , ne parviendront pas l’emporter sur des dispositions aussi innocentes et nécessaires que la clarification des éléments qui distinguent l’activité habituelle de l’activité occasionnelle.
Le dernier événement qui mérite d’être souligné pour cette année 2018 : la capacité de calcul du réseau a rattrapé son retard sur le cours et pour la première fois la difficulté de minage a connu quatre baisses successives. Le hashrate, en légère progression depuis la série de baisses d’octobre à décembre, tourne aujourd’hui autour de 40 millions de TH/s. A moins d’une nouvelle hausse très substantielle du cours, il semblerait bien que les prédictions les plus pessimistes sur l’empreinte écologique du bitcoin ne soient plus d’actualité [2].
Autre événement notoire concernant le minage : la folle progression du hashrate entre décembre 2017 et octobre 2018 repose essentiellement sur de nouvelles installations situées un peu partout dans le monde et la Chine a perdu au cours de cette année une grande partie de son influence. Avec la « mondialisation » du minage, l’hypothèse d’une attaque Goldfinger [3] est de moins en moins probable.
Enfin l’année 2018 aura été marquée par deux publications qui méritent d’être citées : The Bitcoin Standard de Saifedean Ammous pour les autrichiens, et, pour tous les autres, Bitcoin – Métamorphoses – De l’or des fous à l’or numérique ? de Jacques Favier, Benoît Huguet et Adli Takkal Bataille.
Mes prévisions pour l’année 2019 :
– le cours du bitcoin va probablement baisser ou alors il va monter… à moins qu’il ne se stabilise ;
– La France du « en même temps » continuera à appuyer simultanément sur le frein et l’accélérateur ;
– Bitcoin, loin de cette écume de surface, poursuivra son développement implacable…
Bonne et heureuse année à tous !
[1] En janvier Bruno Le Maire a placé Jean-Pierre Landau, ex-gouverneur de la Banque de France, à la tête de la « mission sur les cryptomonnaies ».
[2] Avec le halving en 2020, il faudrait une hausse très importante du cours simplement pour maintenir les moyens financiers que les mineurs consacrent au minage à leur niveau actuel.
[3] Une attaque Goldfinger permettrait théoriquement à un attaquant de réaliser des doubles dépenses, de détruire la confiance et d’anéantir la valeur de la monnaie. Pour réaliser une telle attaque il faudrait cependant parvenir à contrôler, en toute discrétion, de plus de 50% de la puissance de calcul du réseau.