Cybermonnaies : Vladimir Poutine affiche sa détermination

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Dans une vidéo (non contextualisée) diffusée hier sur Youtube par la chaine Russia Insight, Vladimir Poutine répond à une question de Herman Gref, président de la Sberbank [1], à propos de blockchain et de minage de « monnaie virtuelle ». Dans sa réponse le président russe affirme sa volonté de s’emparer pleinement et rapidement du sujet qui présente des enjeux de souveraineté forts : « L’âge de Pierre ne s’est pas achevé en raison du manque de pierres, mais parce que de nouvelles technologies sont apparues ». [2]

Avertissement : La traduction qui suit, non professionnelle, a été obtenue depuis le texte anglais proposé par Russia Insight. Si un lecteur russophone veut proposer un meilleur texte, il est le bienvenu.

Herman Gref : « La seconde technologie est blockchain. Nous n’avons pas besoin d’aide sur ce sujet, mais nous proposons d’inscrire cette discipline dans la formation des professionnels. Nous allons mettre en œuvre ces technologies mais nous avons besoin d’experts dans ce domaine et d’une règlementation prudente nous assurant qu’il n’y aura pas d’interdictions. La monnaie virtuelle a provoqué l’installation massive à l’étranger de data centers dédiés aux startups minières. Il faut faire preuve de prudence, mais il est clair que nous avons besoin d’une législation en la matière, car cette technologie a un impact énorme. »

Vladimir Poutine : « Ce n’est pas la première fois que nous évoquons ce sujet. [Si nous sommes tous convaincus ici], certains de nos concitoyens pourraient se demander pourquoi nous aurions besoin de tout cela ? Nous avons tout ce qu’il nous faut : du pétrole, du gaz, du charbon, des métaux de toutes sortes – ferreux et non ferreux – de l’or, du platine, des diamants… tout ! Notre industrie se porte bien et la production augmente. Nous disposons également de bonnes ressources intellectuelles… Mais nous devons avancer plus loin. Voilà ce dont nous avons besoin. Et nous devons travailler pour ça. L’un de nos collègues, ex-ministre du pétrole d’un pays arabe, a déclaré que l’âge de Pierre ne s’était pas achevé en raison du manque de pierres, mais parce que de nouvelles technologies étaient apparues [2]. Aujourd’hui de nouvelles technologies apparaissent dans le monde et ceux qui sont en retard dans cette course le paieront […] très rapidement, car ils seront sous la dépendance totale de ceux qui dirigent ces processus. La Russie ne peut pas permettre cela. Le plus important c’est que nous avons l’opportunité et les moyens d’être à jour si nous nous appuyons sur les atouts dont nous disposons. Il est donc important d’en tirer pleinement parti. »

 

Bitcoin en Russie :

– 18 janvier 2014 : rumeur d’une proposition de loi visant à rendre illégal ou, du moins, à freiner l’usage de Bitcoin. L’information n’est cependant pas officielle.

– 27 janvier 2014 : la Banque Centrale de la fédération émet un avis qui stipule que l’échange de bitcoins contre des roubles, des devises, des biens ou des services, sera désormais considéré comme « une implication potentielle dans la mise en œuvre d’opérations suspectes conformément à la législation sur la neutralisation du blanchiment des produits de la criminalité et le financement du terrorisme ».

– 6 février 2014 : le procureur général de la Fédération de Russie publie un communiqué qui annonce la mise en place d’un certain nombre de « solutions spécifiques » pour lutter contre Bitcoin, désormais considéré comme illégal.

– Juillet 2014 : Gueorgui Lountovskiy, vice-président de la Banque centrale de Russie, souhaite un contrôle législatif et une approche prudente à l’égard de Bitcoin qu’il considère comme « un instrument d’avenir ».

– Août 2014 : Le ministère des Finances de la fédération de Russie prépare un projet de loi visant à interdire l’usage des « monnaies virtuelles indépendantes » accusées de faciliter « l’économie de l’ombre » et de permettre « l’achat de marchandises illégales ».

– Octobre 2014 : Le ministère des Finances de la fédération de Russie présente son projet de loi et rend illégal l’utilisation des « substituts de monnaie […] y compris sous forme électronique ».

– Janvier 2015 : les autorités de la fédération de Russie placent les principaux sites parlant de Bitcoin (notamment bitcoin.org) dans la liste de sites que les fournisseurs d’accès ont l’obligation de bloquer.

– Juin 2015 : Banque Centrale de Russie (CBR) organise une rencontre avec les représentants des marchés financiers pour traiter de l’avenir du Bitcoin en Russie. Certains journaux y voient le signe d’un assouplissement de la politique à l’égard de Bitcoin.

– Lors d’un forum éducatif diffusé sur la chaine Rossiya 24, Vladimir Poutine adopte une position très ambiguë, affirmant à la fois que les « monnaies électroniques ne reposent sur rien », qu’elles ne sont « pas garanties », que leur utilisation « pose de réels problèmes » mais qu’elles ne sont pas pour autant illicites en Russie.

– 26 octobre 2015 : la presse russe rapporte que le ministère des Finances propose de punir de quatre ans d’emprisonnement « la production et l’utilisation de crypto-monnaies ».

– 2 février 2016 : Le ministère de l’intérieur de la Fédération du Russie propose de condamner les utilisateurs de Bitcoin à un an de « rééducation par le travail » et  d’une amende d’un demi-million de roubles.

– 10 mars 2016 : Le ministère de l’intérieur de la Fédération du Russie durcit sa proposition de sanction : jusqu’à quatre ans d’emprisonnement pour les simples utilisateurs et six ans pour les membres de groupes organisés.

– Fin mai 2016, les autorités russes annoncent vouloir élaborer leur propre monnaie numérique.

– Août 2016 : les autorités russes suspendent le projet de loi visant à pénaliser l’usage de Bitcoin.

– Août 2017 : Le média russe RBC rapporte que le gouvernement russe envisagerait de développer sur le sol russe des infrastructures de calcul dédiées aux crypto-monnaies.

– Octobre 2017 : Vladimir Poutine appelle à la mise en place d’un environnement réglementaire équilibré pour les crypto-monnaies.

– Janvier 2018 : Le ministère des Finances envisage de restreindre la négociation des cybermonnaies aux investisseurs « qualifiés ».

 


[1] Plus grande banque d’Europe orientale, la Sberbank est le troisième établissement bancaire européen en termes de capitalisation.

[2] La phrase originale est de Sheikh Ahmed Zaki Yamani, ministre du Pétrole en Arabie Saoudite de 1962 à 1986 : « L’âge de pierre ne s’est pas terminé par manque de pierres. L’âge du pétrole ne s’achèvera pas avec le manque de pétrole. »