Allergie à la blockchain : quels traitements ?

4
769

Rougeurs, palpitations, irritabilité, mauvaise humeur, sentiment de spoliation… tels sont les symptômes d’une allergie à la blockchain. L’épidémie, qui a débuté en 2015, s’est rapidement propagée dans la population des utilisateurs de Bitcoin et a fait des ravages chez les « early adopters ». Pourtant, convenablement prise en charge, on peut, à défaut d’en guérir complètement, s’en accoutumer au point de pouvoir visionner une conférence de Blockchain France ou de France Blocktech sans risquer l’œdème de Quincke.

Dopée par les premières initiatives bancaires, la pandémie s’est déclarée en 2015. Auparavant utilisé exclusivement pour désigner le registre des transactions Bitcoin, le virus « Blockchain » a subi d’importantes mutations au point d’être utilisé aujourd’hui par certains acteurs pour désigner à peu près n’importe quel registre distribué.

Il convient donc tout d’abord, rappelons-le encore, de nommer les choses par leur nom (Bitcoin, Ethereum, Hyperledger, etc.) et, pour le diagnostic, de distinguer clairement d’une part les désagréments ponctuels liés à la montée en puissance d’Ethereum et d’autre part les violentes poussées d’eczéma concomitantes aux initiatives bancaires ou étatiques plus ou moins « consortiales » ou « fédérales » autour de « la technologie blockchain ».

 

Allergie à l’ether

Bitcoin partage une partie de sa communauté avec Ethereum. Beaucoup d’utilisateurs de Bitcoin suivent cette nouvelle expérience avec intérêt, voire enthousiasme. Néanmoins certains supportent mal les fortes doses d’ether injectées pas les médias ces derniers mois et s’irritent de la confiance jugée excessive placée dans ce tout jeune réseau en perpétuelle mutation.

Je suis bien incapable d’émettre un avis technique sur Ethereum, mais force est de constater qu’il s’agit avant tout d’un formidable laboratoire pour des expériences encore inédites, parfois aléatoires, mais difficilement envisageables avec Bitcoin. Comme beaucoup d’autres j’ai donc du mal à considérer Ethereum comme un concurrent à Bitcoin et je suis convaincu que s’il se développe et fédère aussi largement c’est parce qu’il est fondamentalement différent de Bitcoin et qu’il répond à d’autres besoins.

Là où Bitcoin est frugal, parcimonieux, laconique, limité, « trustless », résistant à la censure, résilient et immuable, Ethereum est complexe, prolixe, non borné, encore indécis sur ses algorithmes, en mutation permanente et met sa communauté au-dessus de son protocole.

Bitcoin, fort d’un succès de sept ans, n’est bientôt plus adapté aux micro-transactions. Avec le temps, soutenu par la stabilité d’un protocole sans Dieu ni maître, ses ambitions monétaires se sont précisées d’elles-mêmes : devenir « l’internet de la monnaie », l’ultime recourt de transactions qui s’effectueront ailleurs, sur des « sidechains » ou sur les canaux de paiement du « Lightning Network ».

Ethereum, tout jeune encore, mise sur des « smart contracts » inédits et une série de mutations programmées par un leader incontesté.

Les différences sont grandes, les ambitions (affichées) clairement distinctes, aucune raison, donc, de s’irriter outre mesure de l’essor de l’expérience Ethereum qui pourrait bien, par ailleurs, servir de laboratoire à des projets de « smart contracts » sur des tokens adossés à la blockchain Bitcoin, comme celui mené par Rootstock.

 

Allergies aux registres distribués privés et autres initiatives bancaires ou étatiques plus ou moins « consortiales » ou « fédérales ».

Aussi spectaculaires soient-elles, les réactions épidermiques à ce type de blockchain ne sont pas provoquées par leur toxicité réelle mais constituent une simple réponse psychosomatique aux excès des médias. Les experts sont catégoriques : ces produits sont d’une parfaite innocuité pour le système financier et ne contiennent aucun principe actif susceptible de mettre en péril l’ordre établi.

Le traitement est donc léger et se limite à quelques recommandations :

1. Accepter qu’il y aura des usages pour des registres distribués qui contribueront peut-être à la modernisation des banques et les institutions financières vieillissantes. Ils permettront de fluidifier les échanges et de réaliser ainsi des économies substantielles. Ces « blockchains » privées (ou consortiales/fédérales) constituent une évolution intéressante… mais en aucun cas une révolution.

2. Etre conscient que le projet Bitcoin est d’une tout autre nature. Bitcoin se moque des frontières, des banques aussi bien que des institutions. Ce n’est pas un outil à leur service, c’est une alternative expérimentale au système financier actuel qu’il se propose de court-circuiter à chaque fois que ce sera possible.

3. Mesurer la grandeur de Bitcoin à l’aune des efforts déployés par les banques et les institutions pour le contrer en lui opposant ses vaccins de blockchains stérilisées. Considérer, par conséquent, chaque nouvelle initiative « blockchain » menée par une institution comme un hommage rendu à Bitcoin.

4. S’abonner à la chaine Youtube d’Andreas Antonopoulos et à Blockchain Bullshit sur Twitter.


Avertissement : ces élucubrations n’engagent que moi qui ne suis ni un expert technique, ni un économiste.