Futur des banques : la course effrénée vers la blockchain

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Il y a moins d’un an la majorité des banques se désintéressaient du bitcoin et de sa technologie, la blockchain. Aujourd’hui, elles sont subitement confrontées à une nouvelle réalité : la blockchain devient le futur du secteur financier.

Tout le monde n’est cependant pas unanime sur ce point. Au début du mois de novembre 2015, le CEO de JP Morgan déclarait en substance que bitcoin était une perte de temps. A la même période, le Directeur Général du Fonds Monétaire International, Madame Christine Lagarde, tentait de rassurer les banques en leur disant que tant que ces nouvelles technologies useront et abuseront des avantages de l’anonymat, le secteur bancaire a encore de beaux jours devant lui.

Or, les faits sont bien différents.

Afin de ne pas être laissées sur le bord de la route dans la course mondiale qui vient de s’ouvrir, les institutions financières multiplient leurs tentatives pour se regrouper afin de maîtriser cette nouvelle technologie et l’intégrer à leur système économique.

Ces dernières semaines, la course à la blockchain s’est accélérée :

Le 29 octobre 2015, bitcoin.fr relayait une annonce de Reuters selon laquelle la startup R3 CEV, dont l’ambition est de mettre en place les bases et normes d’une blockchain partagée entre établissements bancaires, comptait à présent 25 établissements financiers répartis dans le monde entier : Bank of America, Bank of New York Mellon, Mitsubishi UFJ Financial Group, Citi, Commerzbank, Deutsche Bank, HSBC, Morgan Stanley, National Australia Bank, Royal Bank of Canada, SEB, Société Générale, Toronto-Dominion Bank, Goldman Sachs, Barclays, BBVA, Commonwealth Bank of Australia, Credit Suisse, JPMorgan, State Street, Royal Bank of Scotland, UBS, Mizuho Bank, Nordea et UniCredit.

Le 11 novembre 2015, l’Association des banques allemandes déclarait dans un rapport que la technologie de la blockchain a le potentiel pour révolutionner le système de règlement actuel dans le domaine des valeurs mobilières.

Le 13 novembre, une représentante de la Banque du Canada constatait que bitcoin faisait partie des technologies financières alternatives qui pousseront de plus en plus l’activité financière en dehors du secteur traditionnel.

A la même date, un rapport de Capgemini indiquait aux sociétés financières qu’elles ne pouvaient plus ignorer la technologie de la blockchain.

Le même jour, à l’occasion de la célébration du 80e anniversaire de l’United Overseas Bank Limited (UOB), premier établissement bancaire de l’Asie pacifique, le Premier Ministre de Singapour, M. Lee Hsien Loong, incitait vivement les banques nationales à recourir à la technologie de la blockchain.

Il demandait aux banques du pays et à la banque centrale singapourienne (Monetary Authority of Singapore ou MAS) de s’impliquer et de suivre ces évolutions.

Le Premier Ministre soulignait que les moyens de paiement sont en plein changement avec l’utilisation des smartphones. Il cite ainsi la plateforme Alibaba, géant du commerce électronique chinois, qui a enregistré en un seul jour de fête plus de 14 milliards de dollars de ventes, dont 70% étaient faites via un téléphone portable ou une tablette.

Il a déclaré que la blockchain peut également être utilisée pour de nombreuses autres applications telles que les systèmes de paiement automatiques en temps réel  ou la vérification des transactions financières.

Cette allocution revêt une importance particulière, si l’on se rappelle que M. Lee Hsien Loong :

– s’adresse à l’UOB qui est classée par Bloomberg parmi les 10 banques les plus solides du monde, détenant à plus de 300 milliards de dollars singapouriens en actifs,

– est le Premier Ministre d’un pays leader en matière bancaire en Asie pacifique, qui se veut être la nouvelle Silicon Valley.

Cette déclaration est révélatrice de l’intérêt hautement stratégique et compétitif que peut représenter, dans l’avenir, la blockchain pour le secteur financier.

Cette nécessité de s’ouvrir à la blockchain pour être concurrentiel n’a pas échappé à l’industrie financière internationale. Le 18 novembre dernier, des acteurs majeurs du secteur financier comprenant la bourse de Londres (London Stock Exchange), UBS, le groupe boursier américain (CME Group), la Société Générale, LCH.Clearnet et Euroclear se sont regroupés pour étudier les possibilités d’appliquer la technologie de la blockchain au marché des valeurs mobilières.

En réponse, le 19 novembre 2015, cinq nouvelles banques (BNP Paribas, la Banque Canadienne Impérial de Commerce, ING, MacQuarie et Wells Fargo) ont rejoint la société R3 CEV.

Il est intéressant de noter que les banques s’intéressent à la technologie de la blockchain afin de réduire massivement leurs coûts et accélérer les délais de traitement des transactions, alors que cette technologie est née d’une monnaie dont l’objet était justement de supprimer les tiers intermédiaires.

A l’heure actuelle, les banques étudient cette technologie mais il semblerait qu’aucune ne l’ait encore intégrée. Les questions restent nombreuses. Les banques pourront-elles s’adapter à temps ? Peuvent-elles réellement utiliser la blockchain en ignorant bitcoin ? A quoi ressembleront ces nouveaux services financiers ? Le législateur facilitera-t-il cette évolution ou au contraire risque-t-il de bloquer cette nouvelle technologie ? Les banques et bitcoins pourront-ils cohabiter ?


A propos de l’auteur : Après avoir été collaboratrice de la Délégation des Barreaux de France à Bruxelles, Michelle Abraham a exercé près de quatorze ans dans des cabinets d’affaires parisiens. Elle travaille actuellement sur les bitcoins et le défi réglementaire que leur développement implique. Son regard en droit comparé apporte ainsi une réflexion sur les évolutions nécessaires des législations en vigueur.


Sources : cryptocoinsnews.com/jp-morgan – cryptocoinsnews.com/imf-director – coindesk.com/german-bank-association – pmo.gov.sg – coindesk.com/singapore-pm – bitcoinjournal.de/london-stock-exchange – coindesk.com/r3