Déclaration de soupçons

39
568

Les principales plateformes d’échange ou de vente de bitcoins en France ont été conviées par Tracfin [1] à une cession de formation au système Ermes, dispositif de déclaration dématérialisé permettant aux professionnels « assujettis aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme » de saisir, « via une interface conviviale, performante et ergonomique », des formulaires de déclaration de soupçons à destination de l’administration.

Cette initiative fait suite à l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, dont le rayon d’action est assez large puisqu’elle concerne, entre autres, les établissements de paiement et de crédit, les opérateurs de jeux, les intermédiaires financiers de toutes sortes, mais également les personnes « se livrant habituellement au commerce d’antiquités et d’œuvres d’art » ou « acceptant des paiements en espèces ou au moyen de monnaie électronique d’un montant supérieur à un seuil fixé par décret et se livrant au commerce de […] pierres précieuses, métaux précieux, bijoux, objets d’ameublement et de décoration d’intérieur, produits cosmétiques, produits textiles, maroquinerie, produits gastronomiques, horlogerie, arts de la table… »

A noter ce paragraphe, vraisemblablement rédigé pour Bitcoin (ou plus largement pour les monnaies numériques de pair à pair), qui assujettit également aux obligations prévues :

« Toute personne qui, à titre de profession habituelle, soit se porte elle-même contrepartie, soit agit en tant qu’intermédiaire, en vue de l’acquisition ou de la vente de tout instrument contenant sous forme numérique des unités de valeur non monétaire pouvant être conservées ou être transférées dans le but d’acquérir un bien ou un service, mais ne représentant pas de créance sur l’émetteur.« 

Ainsi donc, comme tous les professionnels assujettis à ces obligations, les plateformes de change ou de vente de bitcoins devront désormais :

– mettre en place « des dispositifs d’identification et d’évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme auxquels elles sont exposées ainsi qu’une politique adaptée à ces risques » ;

– appliquer ces « mesures de vigilance […] en fonction de l’évaluation des risques présentés par leurs activités en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme » ;

– définir et mettre en place « des dispositifs d’identification et d’évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme auxquels elles sont exposées ainsi qu’une politique adaptée à ces risques » ;

– élaborer « une classification des risques en question en fonction […] des conditions de transaction proposées, des canaux de distribution utilisés, des caractéristiques des clients, ainsi que du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds » ;

– déclarer « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme. »

Notons que d’autres pays appliquent des mesures de surveillance strictes sur la vente et l’achat de bitcoins et certaines plateformes, comme Kraken, doivent à la fois répondre aux exigences du Bafin en Allemagne et de l’IRS aux Etats-Unis.

 

Sources : Article 2 de l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme – Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme


[1] TRACFIN (acronyme de « Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins ») est un organisme du ministère de l’Économie et des Finances, chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent.