Communiqué de presse de l’Association Bitcoin France

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Par Philippe Rodriguez

« Il y aurait une incohérence indépassable à utiliser une invention pour faire l’opposé de ce qu’elle permet. Favoriser le développement de la Blockchain pour construire des réseaux privés, ce serait manquer un deuxième rendez-vous historique avec la technologie, après avoir parié sur le minitel (privé) plutôt que sur le web (public). »


Sans Blockchain publique,
pas de remise en cause du statu quo du système financier.

Communiqué de presse de l’Association Bitcoin France du 29 mars 2016

A l’occasion des Assises de la finance participative qui se tiendront le 29 mars 2016 à Bercy, il est attendu que le Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique fasse connaître la position de son administration sur les utilisations de la technologie Blockchain dans les services financiers.

BITCOIN FRANCE profite de cet événement et de cet agenda pour communiquer son point de vue sur l’avenir de la Blockchain en France, en insistant sur la nécessité pour l’exécutif de protéger les réseaux ouverts.

La Blockchain publique pourrait bouleverser l’ensemble des services financiers existants

La Blockchain est une technologie émergente et particulièrement prometteuse : si émergente et si prometteuse qu’aucune définition ne fait consensus à ce jour. Définir la Blockchain a minima reste néanmoins possible : la Blockchain est la technologie sous-jacente à la formation de grands réseaux décentralisés (tous les nœuds d’un réseau ont une fonction comparable : stocker et faire transiter l’information) et ouverts (chacun peut y participer dès lors qu’il est équipé de façon appropriée). Ce faisant, la Blockchain est susceptible de transformer toutes les industries aujourd’hui organisées – a contrario – en réseaux centralisés et fermés, parmi lesquelles : les services financiers.

En effet, en supprimant la nécessité de recourir à une autorité centrale ou à un tiers de confiance, la Blockchain pourrait bouleverser tous les systèmes de transactions existants. Cette technologie vient donc défier dès à présent les banques, les intermédiaires financiers et les sociétés émettrices de cartes de crédit. D’ailleurs, ce n’est sûrement pas accidentel si la première et la plus connue des applications de la Blockchain est le Bitcoin, un système de paiement où les coûts de transaction sont quasi nuls.

Face à ce risque de disruption, les principaux prestataires de services financiers se sont intéressés à la Blockchain. Cependant, la stratégie adoptée à ce jour nous semble assez peu pertinente : pour éviter de perdre leur rôle de tiers de confiance, ces derniers travaillent à la constitution de réseaux privés. Une « blockchain privée » : c’est, selon nous, un oxymore sans perspective.

Pour ces acteurs, l’enjeu est de contrôler cette technologie émergente en imposant leur propre réseau. Or, placer des barrières à l’entrée et introduire une autorité centrale à l’intérieur de réseaux suivant un protocole inspiré des règles de la Blockchain, ce n’est pas contrôler la technologie mais c’est abolir sa spécificité et c’est s’exposer au risque de se faire déborder par un réseau qui sera, lui, ouvert et décentralisé.

Le potentiel disruptif de la Blockchain a amené le législateur et l’exécutif à se pencher sur cette technologie, même s’ils s’intéressent à sa partie la moins disruptive : les blockchains privées

A ce jour, le législateur et le pouvoir réglementaire ne reconnaissent pas une spécificité des services basés sur la Blockchain. Ces derniers sont donc placés sous des régimes de droit préexistants et souvent peu adaptés aux caractéristiques de cette technologie. A titre d’exemple, en supprimant le besoin d’un tiers de confiance, les « smart contracts » (contrats basés sur la technologie Blockchain dans lesquels les obligations des contractants sont automatiquement réalisées) rendent inapplicable une grande partie du droit des contrats privés. La fiscalité appliquée au Bitcoin est un autre exemple du retard du droit sur la technique.

Néanmoins, le législateur et le pouvoir réglementaire n’ont cessé de montrer un intérêt croissant sur le sujet et, cela, dès 2014. Cette année-là, BITCOIN FRANCE était invitée par la Commission des Finances du Sénat à donner sa vision sur les services de paiement décentralisés. Ce 29 mars 2016, la place faite à la Blockchain lors des Assises de la finance collaborative révèle la volonté du Gouvernement de libérer les potentialités de cette technologie.

Le législateur et l’exécutif ont une très bonne intuition : cette technologie peut rebattre les cartes dans de nombreux secteurs. L’assouplissement de la loi pour permettre l’expérimentation des applications de la Blockchain – par exemple, en autorisant l’émission de bons de caisses par les PME – est la meilleure façon de procéder. Cependant, la question du format des réseaux est cruciale : procéder par réseaux privés, ce serait condamner l’expérimentation avant même qu’elle ait commencé.

Il y aurait une incohérence indépassable à utiliser une invention pour faire l’opposé de ce qu’elle permet. Favoriser le développement de la Blockchain pour construire des réseaux privés, ce serait manquer un deuxième rendez-vous historique avec la technologie, après avoir parié sur le minitel (privé) plutôt que sur le web (public). La Blockchain permet de revoir en profondeur l’organisation de nos réseaux : utilisons-la pour en améliorer le fonctionnement, pas pour en protéger la forme actuelle.

Si la position adoptée par le Gouvernement nous semble prometteuse, il conviendra néanmoins d’agir vite et de favoriser les réseaux ouverts

BITCOIN FRANCE se félicite des initiatives lancées par le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique sur le terrain de la finance participative. La Blockchain a un important potentiel disruptif. Comme dans toute technologie de réseaux, le premier à jouer sera probablement celui qui remportera la mise, en tirant profit de son avance. Il est donc crucial que le législateur et le pouvoir réglementaire aménagent rapidement un environnement favorable au développement de champions français de cette technologie.

Aussi, pour déployer toutes ses potentialités, la Blockchain aura besoin de réseaux publics qui sont les seuls à rester fidèles à l’essence de cette technologie : l’histoire informatique nous enseigne d’ailleurs que les systèmes privés finissent toujours par perdre contre les systèmes ouverts. Face à la tendance des acteurs déjà installés à développer des réseaux privés, l’Etat a tout intérêt à protéger la formation de réseaux publics, concurrents des réseaux privés, et d’éviter l’altération de la technologie Blockchain.

Les enjeux sont triples : le niveau de l’emploi, la modernisation de l’économie et la souveraineté technologique française dépendront à terme du bon développement d’applications françaises de la Blockchain. Pour y parvenir, il conviendra d’agir dans deux directions : en allégeant le droit s’appliquant aux entreprises développant ces technologies, et aux épargnants souhaitant bénéficier de ces services, et en soutenant l’investissement dans les acteurs français de la Blockchain.

La France compte déjà à ce jour quelques belles promesses dans ce domaine, parmi lesquelles : Ledger, spécialiste de la sécurité des réseaux publics, et Paymium, spécialiste des conversions et paiements en bitcoins. Il serait regrettable que des obstacles juridiques et financiers les empêchent de grandir.  

BITCOIN FRANCE défend la Blockchain publique, la seule qui peut permettre de générer de nouvelles applications soucieuses des libertés.

PHILIPPE RODRIGUEZ


Source : bitcoin-france.org