Ce que l’AMF dit du bitcoin

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Nous avons évoqué hier deux entretiens accordés à la presse par Robert Ophèle, président de l’Autorité des marchés financiers, à propos de Bitcoin et des cybermonnaies : le premier diffusé sur France Inter le 6 janvier et le second, réalisé par l’AFP, repris le 12 dans les journaux Libération et France SoirNous étions cependant passé à côté de l’entretien beaucoup plus fourni réalisé par Laurence Boisseau et publié vendredi par le quotidien Les Échos. En voici quelques extraits :

« Autant je suis favorable à la technologie sous-jacente (blockchain), autant l’engouement pour cette monnaie virtuelle [le bitcoin] m’inquiète énormément. Le plus risqué, c’est sa volatilité. Au cours des douze derniers mois, il est passé de moins de 1 000 euros à un peu plus de 13 000 euros. Le bitcoin est une illusion dangereuse. D’abord, il n’y a aucune réalité économique derrière la création de bitcoins. La quantité en circulation n’a, contrairement aux monnaies légales, aucune relation avec la croissance économique. Dans le cas de la monnaie légale, c’est le financement de l’économie qui crée la monnaie. Ensuite, il n’y a pas de rationalité économique et financière pour justifier un niveau de valorisation qui se révèle finalement largement dépendant de facteurs exogènes et ressemble à une économie de casino. Enfin, dernier point, il n’y a aucune régulation. Aucune banque centrale n’assure la stabilité de la valeur. Aucune autorité de marché ne vérifie l’intégrité de son marché ni la bonne qualité de la formation du prix. Et c’est un support qui privilégie les transactions illicites.

Toutes les autorités ont déjà émis des alertes, notamment en direction des particuliers. Ces derniers sont avertis que placer son argent de cette manière est extrêmement risqué. Mais il s’agit de la liberté individuelle de chacun. Même si on peut perdre, tout le monde a le droit d’aller jouer au casino. La France ne semble pas particulièrement exposée. Les plateformes actives ne sont pas en Europe. Les marchés les plus exposés sont l’Asie et certains pays d’Europe de l’Est. Aux Etats-Unis, la CFTC a autorisé des produits dérivés sur bitcoin. Il est désormais possible d’en acheter ou d’en vendre à terme contre des dollars. Cela donne malheureusement à cette monnaie virtuelle un soutien officiel en apparence […].

En France, les monnaies virtuelles ne sont pas éligibles aux placements collectifs régulés. En revanche, certains fonds qui appartiennent à la catégorie des “autres fonds d’investissement alternatifs” peuvent proposer d’investir en bitcoins. Ce sont des fonds fermés, non régulés, dont la seule contrainte est de publier un prospectus visé par l’AMF en cas d’offre au public. C’est la voie qui a été retenue par la société de gestion Tobam. Par ailleurs, en France, nous disposons de certaines armes. La publicité de certaines opérations financières comme les options binaires ou les CFD [1] sur bitcoin est interdite. Bientôt, la commercialisation de ces produits ne sera plus permise. C’est une possibilité qui est dans MiFID II [2] et le régulateur européen, l’Esma, a un projet dans ce sens.

Il est nécessaire d’apporter une réponse européenne voire mondiale, compte tenu du caractère par essence transnational du phénomène. Mais aucune enceinte internationale, ni le FSB [3] ni l’OICV [4], ne s’en est saisie pour l’instant car il est jugé d’importance non systémique. Les monnaies virtuelles sont évaluées à 500 milliards de dollars. Ce sont des montants importants mais pas colossaux à l’échelle mondiale […] » – Robert Ophèle, président de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

 

Source : lesechos.fr 

 


[1] Un CFD (en anglais: contract for difference), contrat sur la différence en français, est un contrat entre un client et son courtier où l’une des parties est « acheteuse » et l’autre « vendeuse », stipulant que l’acheteur encaissera ou décaissera la différence entre le prix de l’actif au moment de sa vente et son prix au moment de l’exécution du contrat. Si la différence est négative, c’est alors le vendeur qui encaisse cette différence. [Wikipédia]

[2] MIFID : Directive européenne concernant les marchés d’instruments financiers (MIF, en anglais Markets in Financial Instruments Directive, MIFID). La MiFID II renforce en 2014 les règles européennes actuelles applicables aux marchés.  [Wikipédia]

[3] Le Conseil de stabilité financière (en anglais Financial Stability Board ou FSB), regroupe 26 autorités financières nationales (banques centrales, ministères des finances, …) et plusieurs organisations internationales. Ses objectifs relèvent de la coopération dans le domaine de la supervision et de la surveillance des institutions financières. [Wikipédia]

[4] L’Organisation internationale des commissions de valeurs dont les membres sont à la fois des autorités de surveillance et des organismes boursiers.