Bitcoin n’est pas un festin de steaks

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Extraits d’un article de Nic Carter publié en réponse aux réactions hostiles suscitées par son investissement dans une société spécialisée dans l’authentification décentralisée et étiquetée « web3 ».

Dès mes débuts, j’ai été pluraliste en matière de blockchain. Aujourd’hui, le seul « base layer » que j’apprécie en tant qu’investissement c’est Bitcoin, car je pense que ses qualités monétaires et sa gouvernance sont supérieures à tout ce qui existe, mais cela ne signifie pas pour autant que je ne me m’intéresse pas à d’autres choses.

Ma première réalisation publique dans l’espace crypto a été ma thèse de master, et – horreur – c’était une enquête sur les 50 meilleurs protocoles « blockchain » du point de vue de leur gouvernance. Ce fut une expérience très instructive qui m’a permis de comprendre à quel point la plupart de ces projets étaient faibles. Cela a renforcé mon penchant pro-Bitcoin et anti presque tout le reste.

Mon premier développement dans l’espace crypto était un projet étudiant appelé Coin Metrics. L’objectif de Coin Metrics était de comparer différentes blockchains. Nous avons commencé par exécuter quelques nœuds et analyser les données pour essayer d’évaluer la valorisation relative. Aujourd’hui, je suis fier de dire que CM est l’une des plus grandes sociétés de données du secteur « crypto », employant plus de 90 personnes, produisant des recherches incroyables et mettant gratuitement à disposition de tous d’énormes quantités de données. CM aide de nombreux clients d’institutions financières à comprendre et à créer des produits dans le secteur. CM couvre Bitcoin, d’autres protocoles PoW, Ethereum et d’innombrables autres blockchains. Nous faisons tourner des dizaines de nœuds d’archivage sur de nombreuses chaînes […]. Ainsi, depuis le début, je me suis intéressé au secteur dans son ensemble.

Les articles que j’ai rédigés démontrent également l’éventail de mes intérêts. Au fil des ans, j’ai travaillé sur l’évaluation des crypto-actifs, les cryptodollars / stablecoins, le Proof-of-stake, les risques liés à la DeFi et l’utilisation de l’énergie de Bitcoin. Intellectuellement ou en tant qu’investisseur, je ne suis donc pas focalisé uniquement sur Bitcoin. C’est un vaste monde et je m’intéresse à beaucoup de choses, y compris à des choses qui sortent du champ de la crypto ! Donc, si vous êtes choqué que mon fonds investisse en dehors de Bitcoin, c’est que vous n’y avez pas prêté la moindre attention […].

Je n’ai jamais respecté l’idéologie dominante autour de Bitcoin. Je n’ai jamais été intimidé par l’orthodoxie. Par exemple, à l’époque où le battage médiatique autour du « stock sur flow » était à son maximum, j’ai critiqué ce modèle dans un article détaillé. Aveuglés par l’idéologie, presque tous les maximalistes hardcore l’adoraient. Je savais ce qui arriverait : beaucoup de débutants seraient dupés par les promesses fantastiques du modèle, y adhéreraient et seraient déçus quand il échouerait. Réaliste, j’essayais d’éviter qu’on en arrive là. Maintenant que ce modèle a manifestement échoué, ces gens sont contrariés et se déchaînent. Peut-être devraient-ils tourner leur colère vers les charlatans qui leur ont vendu un mauvais modèle, plutôt que vers personnes qui tentaient de les avertir à l’époque.

J’étais également l’une des premières voix à soutenir l’idée que les stablecoins et le Bitcoin étaient synergiques et que les stablecoins ne constituaient pas vraiment une menace pour le Bitcoin. C’est maintenant un point de vue assez répandu parmi les Bitcoiners. C’est la preuve que l’idéologie Bitcoin n’est pas vraiment figée.

Je ne soutiens pas non plus l’idée omniprésente dans la communauté Bitcoin, inspirée par Rothbard, que toutes les banques devraient avoir une réserve complète et que le système de réserve fractionnaire est une fraude. Il suffit de lire Selgin pour se persuader du contraire.

Je ne pense pas non plus que tous les « altcoins » vont disparaître. Cela semble absurde. Je ne pense pas que les autres blockchains soient inutiles. Regardez simplement les données. Il y a plus de 100 milliards de dollars de stablecoins sur d’autres blockchains. Ils sont objectivement utiles. Ils sont plus utilisés dans les transactions du monde réel que Bitcoin. Nier cela, c’est nier la réalité. Le fait que les gens paient des frais pour utiliser ces autres blockchains dépassant largement (d’un ordre de grandeur, dans le cas d’Ethereum) les frais payés pour utiliser Bitcoin, indique qu’il existe une demande importante pour ces chaines alternatives. Les maximalistes de Bitcoin qui nient cela nient l’approche fondée sur des preuves qu’ils prétendent vénérer.

En bref, je m’écarte de la sagesse conventionnelle qui imprègne la communauté Bitcoin. Je ne suis pas tout à fait sûr de la définition actuelle du maximalisme, mais si cela signifie penser qu’il est immoral d’investir dans un actif qui ne soit pas Bitcoin, immoral d’investir dans des startups s’appuyant sur d’autres blockchains, et de croire que tout s’effondrera inévitablement pour ne laisser que Bitcoin, je ne suis pas client […].

La plupart des personnes qui m’attaquent sont troublées par mes investissements en dehors de Bitcoin parce qu’elles pensaient à tort que j’étais un « maximaliste toxique » et ne savaient rien de mon travail, de mes opinions ou de mon fonds. Peut-être qu’elles pensaient que j’étais un mangeur de steak qui croit que tout actif financier autre que Bitcoin est une arnaque. Je n’ai jamais été maximaliste, je déteste le terme, je ne me suis jamais décrit ainsi et j’ai toujours été ouvert d’esprit. C’est cette ouverture d’esprit qui m’a amené à Bitcoin il y a dix ans. Elle m’a bien servi, et je ne l’abandonnerai pas de sitôt.

Il est clair qu’une terrible maladie envahit l’espace Bitcoin. La plupart des Bitcoiners sont des gens normaux et bons. La grande majorité d’entre eux n’associe pas un mode de vie à la possession de bitcoins. Mais il existe un sous-ensemble de personnes – un petit groupe agité et en diminution, pour la plupart des novices – qui ont fait de Bitcoin toute leur personnalité et se sont complètement investies émotionnellement. Ces gens sont nourris à la cuillère par une demi-douzaine de penseurs et souffrent de monoculture idéologique. Ils ne peuvent pas s’extirper de leur style de vie/investissement, et donc quand quelqu’un dans la tribu ou à proximité dit quoi que ce soit qui contredit leur dogme établi (qui est incohérent, moralement confus et indéfendable de toute façon), ils passent à l’attaque. Maintenant qu’ils ont tous perdu de l’argent, que certaines de leurs convictions sont invalidées par les faits (comme le modèle stock-to-flow ou l’idée que nous ne descendons jamais en dessous du sommet du cycle précédent), ils ressentent au plus profond d’eux la pauvreté intellectuelle de leur thèse et se déchaînent.

Tout le monde dans l’univers du Bitcoin et de la crypto sait de quoi je parle. La base morale de ces personnes est caricaturale. C’est d’un binaire épouvantable : tout actif financier autre que Bitcoin est une arnaque ; toute blockchain autre que Bitcoin est une arnaque et est vouée à l’échec (même si elle est objectivement florissante et facture plus de frais pour l’espace de ses blocs que Bitcoin) ; si quelque chose d’intéressant est construit ailleurs que sur Bitcoin, il reviendra inévitablement sur Bitcoin (même si c’est faux depuis 10 ans). Investir votre temps ou vos efforts ailleurs que dans Bitcoin est une mauvaise affectation, un mauvais investissement ou une escroquerie. Je suis vraiment gêné d’être associé à ces gens.

Bitcoin n’est pas un mode de vie. Bitcoin n’est pas un festin de steaks. Bitcoin ce n’est pas des mèmes et ce n’est pas des yeux laser. Bitcoin est un outil profondément utile. Il est imprégné d’une certaine idéologie, mais ce n’est pas l’idéologie que ces gens professent. Les valeurs fondamentales de Bitcoin concernent les droits de propriété, la dignité humaine individuelle, l’autodétermination, la vie privée, l’autonomie et la prévisibilité monétaire. Bitcoin m’attire pour cette raison, et je continuerai à le soutenir avec toutes les ressources à ma disposition, quelle que soit la façon dont on me décrit. Je ne me sacrifie pas, je ne fais pas de « ragequit ». Je suis ici depuis bien plus longtemps que pratiquement tous mes détracteurs et je suis certain que je leur survivrai. Je peux aussi vous garantir que je continuerai à avoir beaucoup plus d’impact qu’eux.

Leur idéologie est extrêmement fragile et devient de plus en plus tendue de jour en jour. Le modèle S2F lié au halving est discrédité. La thèse des sidechains ne s’est pas concrétisée. Liquid n’a pas réussi. Lightning est intéressant, mais pas tout. Le bitcoin n’est la monnaie de réserve de rien ni personne, pas même du secteur de la crypto.

Ailleurs : les smart contracts sont dignes d’intérêt. Les rollups et autres modèles L2 intéressants prennent de l’ampleur. DeFi vaut la peine et devient de plus en plus sophistiquée. Les NFT ne disparaissent pas et deviennent plus créatifs et utiles. Les applications non monétaires, comme les graphes sociaux décentralisés ou les systèmes de domaine décentralisés, gagnent du terrain et comptent vraiment. Rien de tout cela ne se construit actuellement sur Bitcoin. La masse critique de développeurs, de liquidité et d’outils de développement est ailleurs. Ethereum ne va pas disparaître, malgré les prières que les maxis adressent à Gensler. La liquidité de la DeFi ne va pas se tarir. Ce qui est susceptible de se produire c’est qu’on découplera le réseau Bitcoin de son actif [le bitcoin] pour l’installer sur d’autres espaces transactionnels. C’est ainsi que Bitcoin et la DeFi seront harmonisés. Les maximalistes qui viennent vers moi manquent de perspective et de profondeur pour envisager une telle chose. Ils sont intellectuellement atrophiés.

Je ne suis pas pessimiste à propos de Bitcoin. Je m’intéresse juste au monde tel qu’il est réellement, plutôt qu’au monde des utopies et des illusions enivrantes. Mon plaidoyer pour Bitcoin a toujours été plus robuste et résistant aux chocs que celui de ces maxis, car il ne repose pas sur des fantasmes comme le stock to flow, l’effondrement inévitable de tous les altcoins ou l’hyperbitcoinisation. Je serais moi aussi contrarié si je croyais en toutes ces choses.

J’ai toujours rejeté les étiquettes imposées de l’extérieur et ce n’est pas différent aujourd’hui. Appelez-moi comme vous voulez. Je vous laisse vos yeux laser et vos festins de biftecks. Je poursuivrai ma route.

Nic Carter, cofondateur de Coin Metrics et de Castle Island Venture. Animateur du podcast On The Brink.

Source : https://medium.com/@nic__carter/setting-the-record-straight-b4e1b415e7d9