Bitcoin étudié par les Gouverneurs des banques centrales du Commonwealth

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Le 6 octobre dernier, les Gouverneurs d’une trentaine de banques centrales des pays du Commonwealth, réunis à Lima (Pérou), ont exprimé de vives inquiétudes face à l’effet négatif des réglementations anti­blanchiment et anti­-terrorisme sur les transferts de fonds et se sont penchés sur l’utilisation des nouvelles technologies monétaires, comme le bitcoin, comme voie de recours.

Selon le communiqué de presse du Commonwealth, les Gouverneurs s’alarment des effets contreproductifs de ces réglementations qui poussent les banques à fermer les comptes des sociétés qui ne répondent pas à ces nouvelles normes (« débancarisation »). « De bonnes intentions peuvent avoir un effet négatif » a déclaré M. Aitur Rahman, Gouverneur de la banque centrale du Bengladesh, qui présidait cette réunion.

Les transferts de fonds des migrants vers leur pays d’origine sont une source importante de revenu pour beaucoup de pays du Commonwealth et représentent une bouée de sauvetage pour des millions de familles. Ainsi, selon la Banque Mondiale, les transferts de fonds vers l’Inde représentent 64 milliards de dollars, dépassant de loin les aides financières et les investissements venant de l’étranger. Pour un Etat comme le Lesotho, ces fonds représentent 41% de son produit intérieur brut.

Lors de cette journée, le Dr. Garrick Hileman du London School of Economics a présenté aux Gouverneurs les derniers développements dans le secteur des nouvelles technologies monétaires, telles que le bitcoin. Il a notamment expliqué qu’alors que les transactions liées au bitcoin augmentaient, cette technologie était toujours considérée comme non conventionnelle. Il a suggéré l’idée que les gouvernements créent leur propre monnaie virtuelle ce qui permettrait une plus grande transparence.

Plusieurs banques centrales ont exprimé leur crainte concernant les implications que cela engendrerait pour les politiques monétaires et la stabilité financière. Elles ont considéré qu’il s’agissait une proposition « futuriste », qui ne serait possible qu’à long terme.

Pour M. Jwala Rambarran, Gouverneur de la banque centrale de Trinidad et Tobago, le secrétariat du Commonwealth aura un rôle central pour partager la connaissance et le développement de la recherche sur le potentiel et l’implication de cette nouvelle technologie. « Si nous décidons de réglementer les monnaies virtuelles, nous ne connaissons pas les risques d’instabilité financière posés par elles. Il s’agit d’un domaine qui doit être défini avec soin. » a­-t­-il déclaré.

Les questions évoquées lors de cette réunion sont importantes car en pratique les transferts transfrontaliers de petites sommes sont fortement taxés : sur 40 dollars transférés, une personne peut parfois payer 10 à 15 dollars de frais. Aussi, on voit de plus en plus se développer des transferts de fonds en bitcoins. Des particuliers peuvent s’envoyer des bitcoins par le biais d’un simple ordinateur sans passer par un intermédiaire : ce qui augmente la rapidité et réduit les coûts du transfert. Mais lorsqu’ils souhaitent changer ces bitcoins en argent local cette opération est plus compliquée et les coûts sont plus importants.

Par ailleurs, les sociétés travaillant dans le secteur du bitcoin peuvent voir leur compte bancaire fermé car elles ne répondent pas aux exigences de la réglementation anti­blanchiment et anti-terrorisme. C’est ce qui s’est passé récemment en Australie pour 17 sociétés.

Aussi, même si aucune décision n’a été prise le 6 octobre, car la technologie du bitcoin est trop récente et les conséquences trop incertaines, il semble que nous sommes aux prémices d’une évolution tant en matière de réglementation bancaire, où les Etats du Commonwealth demandent des mesures urgentes pour sauvegarder les transferts de fonds face à la rigueur des dispositions anti­blanchiment et anti­terrorisme, qu’en matière d’utilisation du bitcoin.

Il convient de rappeler que le Commonwealth est la plus ancienne organisation d’Etats du monde.

Originellement constitué par les Etats issus de l’ancien empire britannique, le Commonwealth s’est peu à peu ouvert à d’autres pays. Il regroupe aujourd’hui 53 Etats indépendants, Parmi ses membres, nous trouvons notamment l’Australie, Malte, l’Ile Maurice, l’Inde, le Pakistan, le Mozambique, le Canada, le Royaume­-Uni, le Lesotho, les Seychelles, L’Afrique du Sud, Chypre, etc. Sa population globale représente près de 2,2 milliards d’habitants, soit près d’un tiers de la population mondiale.

Le Dr. Garrick Hileman, est un économiste connu pour ses recherches sur l’innovation monétaire et enseigne dans la prestigieuse London School of Economics, qui forme l’élite des économistes britanniques. Il intervient régulièrement sur le site anglo­saxon de Coindesk, consacré au bitcoin et aux autres devises numériques.

Dans un système décentralisé comme le bitcoin où les « mineurs » (les producteurs de bitcoin) se trouvent aux quatre coins du monde, la question de la réglementation de cette technologie, qui doit selon les différents acteurs être faite avec prudence, ne pourra être qu’internationale.

Sources : thecommonwealth.org – Photographie de la réunion des Gouverneurs du 6 octobre 2015 appartenant au Commonwealth et publiée avec son autorisation.


A propos de l’auteur : Après avoir été collaboratrice de la Délégation des Barreaux de France à Bruxelles, Michelle Abraham a exercé près de quatorze ans dans des cabinets d’affaires parisiens. Elle travaille actuellement sur les bitcoins et le défi réglementaire que leur développement implique. Son regard en droit comparé apporte ainsi une réflexion sur les évolutions nécessaires des législations en vigueur.