La blockchain face au droit

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Après le monde des Fin Tech, c’est au tour des Legal Tech de s’intéresser à la blockchain et aux smart contracts.

Le 23 mars dernier, l’association OPEN LAW, Le droit ouvert, a organisé en collaboration avec l’association France FinTech un meetup sur le thème hautement évocateur de « Smart contracts et blockchain : une révolution juridique ? ».

Jusqu’à présent la nouveauté et la complexité de la technologie Bitcoin, ainsi que l’absence de législation applicable en la matière, n’avait pas éveillé d’intérêt particulier chez la majorité des avocats et des juristes.

L’importance accrue donnée dans les médias à la blockchain et à la technologie des smart contrats ces derniers mois change la donne.

Les deux principaux intervenants de ce meetup étaient Monsieur Henri d’AGRAIN, Directeur  Général du Centre des Hautes Etudes du Cyberespace  et Monsieur Thibault Verbiest, Avocat associé (De Gaulle Fleurance & Associés).

Leur opinion était particulièrement attendue dans la mesure où ils intervenaient également dès le lendemain dans le cadre du colloque « Blockchain : Disruption et Opportunités » organisé par la Commission Supérieure du Service Public des Postes et des Communications Électroniques le 24 mars 2016 à l’Assemblée Nationale.

Après avoir rappelé que l’explosion des publications consacrées à la blockchain remonte à juillet 2015, Henri d’AGRAIN a déclaré que l’année 2016 est l’année de la prise de conscience de l’importance de la blockchain qu’il associe selon lui de manière étroite à la théorie des jeux.

Le public a particulièrement été attentif à sa description de la blockchain à travers ses quatre acteurs principaux : les nœuds, les mineurs, les personnes qui échangent des bitcoins entre elles et les sociétés qui utilisent la blockchain pour proposer des services variés.

Très rapidement les questions du public se sont portées sur la problématique juridique liée à la définition des « smart contracts » opposée à la conception juridique d’un contrat en droit français.

Thibault Verbiest a alors expliqué que, contrairement à ce que leur nom anglais indique, les smart contrats ne sont pas nécessairement des contrats au sens juridique français. Ce sont en effet des codes informatiques, des logiciels, qui permettent d’exécuter une transaction en répondant à une fonctionnalité « Si ….alors…. », « Si [quelque chose se passe] alors [voilà ce que cela déclenche (ex. : un paiement est effectué)] ».

Par ailleurs, les parties peuvent demander que seulement certaines clauses du contrat soient informatisées sous forme de smart contracts mis sur la blockchain. Les smart contrats sont alors plus des outils garantissant l’exécution d’un contrat, tout en réduisant les coûts de transaction en évitant les intermédiaires de confiance.

En conclusion de cette soirée, Henri d’AGRAIN a déclaré qu’il était favorable à l’institution d’un « guichet régulatoire à réponse rapide » et à l’institution d’une autorité administrative indépendante pour réguler l’industrie de la blockchain et ce afin de répondre à un besoin de sécurité juridique des sociétés œuvrant dans le secteur et de rendre attractif le territoire français.

Or, le mieux est souvent l’ennemi du bien. En voulant trop réglementer, le risque est grand de décourager les entreprises bitcoins et blockchain à s’installer en France. En effet, si on regarde le modèle américain de la BitLicence à New York que constate-t-on : alors qu’elle existe depuis juin 2015, plusieurs entreprises ont quitté New York pour s’installer en Suisse et sur la vingtaine d’entreprises qui ont accepté de se soumettre à cette licence, seule la société Circle a pour l’instant a obtenu la BitLicence. Les autres font face à une incertitude juridique et à des coûts financiers importants liés aux frais d’avocats.

Par ailleurs, les utilisations de la blockchain (tant celle de Bitcoin que celle d’Ethereum) sont tellement rapides et variées que le temps qu’une loi soit votée, ses dispositions risquent d’être rapidement obsolètes, la technologie ayant fortement évoluée.

Donc que proposer ?

Si techniquement la sécurité de la blockchain est reconnue unanimement dans le monde, les inscriptions sur la blockchain (titres de propriété ou les titres de société par exemple) ne sont pas opposables aux tiers et n’ont actuellement pas de valeur légale.

La reconnaissance de la valeur légale de ces inscriptions est donc attendue avec impatience par la communauté. Toutefois les conséquences sociétales d’une telle reconnaissance n’échappent pas au législateur qui pour l’instant garde une attitude réservée. Rappelons que lors du colloque à l’Assemblée Nationale, les députés étaient partagés sur la nécessité de légiférer sur cette question.

L’annonce le 29 mars dernier selon laquelle Monsieur Emmanuel Macron, Ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, a ouvert la voie à l’utilisation de la « technologie blockchain » pour le financement participatif est donc un premier pas positif vers une reconnaissance officielle de la blockchain.

Dans un futur très proche, les entreprises de l’industrie blockchain auront une action autorégulatrice en établissant les normes techniques du secteur et les professions juridiques travailleront avec les développeurs pour créer les nouveaux outils juridiques mis sur la blockchain.

 

Sources : Coindesk : Bitcoin Startups Stuck in Limbo as BitLicense Process Drags On – Blockchain : Disruption et Opportunités – Macron adopte la blockchain – Idées : Normalisation française de preuves sur la Blockchain


A propos de l’auteur : Avocat au Barreau de Paris, Michelle Abraham a été collaboratrice de la Délégation des Barreaux de France à Bruxelles et a exercé près de quatorze ans dans des cabinets d’affaires parisiens. Elle travaille actuellement sur les bitcoins et le défi réglementaire que leur développement implique.