« Certains banquiers avec lesquels j’ai pu parler veulent ignorer cette innovation au motif que la valeur des bitcoins ne reposerait sur aucun actif tangible dans l’économie réelle. Mais grâce aux nombreux commerçants qui acceptent désormais les bitcoins, ainsi qu’aux transactions en ligne qui s’effectuent en bitcoins comme avec n’importe quelle autre devise, nous assistons à l’émergence d’une véritable économie bitcoin.
Si le marché de l’euro ou du dollar venait à s’effondrer, le principe de recapitalisation par les banques centrales est fondé sur l’hypothèse que les gouvernements nationaux disposent d’un pouvoir de taxation illimité sur les économies de chaque pays. La crise qui secoue actuellement la Grèce, la zone euro et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis, montre à quel point l’utilisation de ce pouvoir théorique est fictive. La réalité c’est que 90% de la monnaie est créée à ce jour dans les registres des banques et que la stabilité des prix reste le seul facteur déterminant pour que la position des banques centrales reste défendable démocratiquement.
Aujourd’hui, il existe plus de 140 devises d’Etat dans le monde. Difficile de croire qu’une nouvelle devise complémentaire va soudain compromettre les perspectives de l’économie mondiale sur la seule base que cette monnaie est décentralisée. L’aspect innovant de bitcoin, et qui le classe à part dans tout ce qui a été auparavant, repose sur une base très simple: il s’agit d’argent liquide en ligne, qui ne nécessite ni autorité centrale, ni intermédiaires. En tant tel, bitcoin se pose en challenger convaincant des autres méthodes de transaction en numéraire. Cependant, s’affranchir de la nécessité ne signifie pas faire disparaître l’utilité des intermédiaires dits tiers de confiance. La gestion des transactions entre marchands et clients comportera toujours la demande pour un système de gestion des litiges, indépendamment de la devise utilisée lors des paiements. Mais il existe de nombreux cas où les deux parties d’un paiement peuvent se faire confiance et n’ont pas besoin d’un tiers commissionné.
E-gold, une tentative de devise universelle appuyée sur l’or, fut créée en 1996 mais n’a pas réussi à s’imposer, en partie parce que le système reposait sur une organisation centrale de gestion de l’inventaire de l’or. La quantité d’or requise devait augmenter avec l’économie E-gold, ce qui s’est révélé inadapté, dangereux et fondamentalement inutile à l’ère du numérique (un autre défaut majeur d’E-gold était l’absence de protocole spécifique : se reposer uniquement sur un navigateur web pour des transactions irréversibles pose de sérieux problèmes de sécurité).
Le mécanisme de création monétaire des bitcoins simule mathématiquement l’extraction d’un métal précieux. De plus, son protocole est composé d’un système de signature électronique allié à des algorithmes de chiffrement ayant fait leurs preuves dans les systèmes bancaires, reconnus et publiés par le ministère de la Défense américain. »
Auteur : Pierre Noizat
Source : paristechreview.com