Une mort lente pour Bitcoin ?

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Dans un article publié hier sur 01net, Gilbert Kallenborn, journaliste High Tech au sein du groupe 01 Informatique, s’interroge : « Le Bitcoin est-il promis à une mort lente ? ». Les périphrases des premières lignes donnent le ton : la « monnaie préférée du Darkweb », la « célèbre monnaie virtuelle »… Entre approximations et contre-vérités, l’article mériterait une place de choix dans la rubrique nécrologique de 99bitcoins.com.

Pas d’argument neuf dans le papier de Gilbert Kallenborn, mais comme je suis de mauvaise humeur, je vais en parler quand même.

Tout d’abord sur les fameuses périphrases : de même que le dollar est la monnaie des narco-trafiquants, que le billet de banque libellé en euros est la monnaie du travail au noir et que la truite au beurre est le plat favori d’Adolf Hilter, le bitcoin est peut-être, en attendant mieux, la monnaie préférée du darkweb, mais n’allez surtout pas dire que c’est une monnaie virtuelle… ou alors pas trop fort… Jacques Favier [1] et Pierre Noizat [2] pourraient vous entendre !

Ensuite sur l’affirmation du cryptographe Adi Shamir « Le bitcoin existe depuis 2008 et n’a toujours pas décollé », de quoi parle-t-on exactement ? De son emprise sur le monde réel ? de la valeur de l’unité de compte ? Chacun de ces deux aspects mérite d’être examiné :

L’emprise du bitcoin sur le monde réel : Bitcoin reste à l’heure actuelle la seule monnaie décentralisée qui permet d’acquérir des biens et des services dans presque tous les pays du monde. En France, qui n’est pourtant pas en avance sur ce point, plus de 180 commerces ou entreprises acceptent les paiements en bitcoins. Certes Bitcoin ne joue pas dans la même cour de Paypal, ce n’est d’ailleurs pas sa vocation, mais pour un système expérimental et une monnaie si jeune, un tel écosystème ce n’est déjà pas si mal… surtout sans leader ni service marketing !

La valeur de l’unité de compte : Le premier bloc date de janvier 2009. Cette année-là le bitcoin passe de 0 à 0,001 USD. Partant de très bas il progresse de + 40 000 % environ en 2010, de + 475 % environ en 2011, de + 330 % environ en 2012, de + 6 300 % environ en 2013, il baisse de 70 % en 2014 et augmente à nouveau de + 77% en 2015, soit une seule année de baisse en sept ans d’existence.

Quel que soit l’aspect envisagé, l’affirmation d’Ami Shamir est donc largement discutable.

Quant à l’échec de Bitcoin XT, également évoqué dans l’article, je ne pense pas qu’il soit imputable « aux attaques DDoS agrémentés de menaces de mort » [3], mais bien plutôt au manque de soutien de la communauté.

Vient ensuite une affirmation un peu approximative : « le mystérieux inventeur du bitcoin, a défini une limite maximale du nombre de transactions. » Satoshi Nakamoto a plus exactement défini une taille maximale pour les blocs de transactions (1 Mo), et pas un nombre de transactions. La taille des transactions est variable.

Le journaliste finit par quelques questions. Je vais tenter d’y répondre :

« Le Bitcoin va-t-il mourir, peut-être même imploser ? »
> Probablement pas, voilà pourquoi.

« La communauté arrivera-t-elle à trouver une solution aux multiples problèmes rencontrés ? »
> C’est en bonne voie, voir ici.

« L’année 2016 sera certainement une année charnière de ce point de vue. »
> Nous sommes d’accord.

Source : 01net.com


[1] « Par définition une monnaie virtuelle, c’est une monnaie qui ne correspond pas à une base physique réelle, donc la première monnaie virtuelle, c’est le billet de banque. C’est ce que l’on appelle rater son introduction car le bitcoin se définit plus pertinemment comme une monnaie cryptographique. Le terme de monnaie virtuelle est en usage chez les journalistes extérieurs au sujet, et malheureusement chez les Autorités de régulation diverses. Son usage indique donc des sources de seconde main, voire médiocrement bienveillantes. » – Jacques Favier – Source : lavoiedubitcoin.info.

[2] Peut-on opposer « monnaies centrales » et « monnaies virtuelles » alors que « plus de 90% de la monnaie que nous utilisons aujourd’hui est virtuelle et créée par les banques privées dans leurs livres de compte, sous forme de monnaie scripturale. » – Pierre Noizat – Source : e-ducat.fr.

[3] Je ne nie cependant pas la réalité de ses attaques et de ces menaces.