Séminaire : crypto-monnaies et monnaies parallèles

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Maël Rolland, doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales, et Jacques Sapir, professeur d’économie et directeur du CEMI-EHESS [1], animeront d’octobre à avril un séminaire intitulé « Espace(s) monétaire(s), monnaies parallèles, crypto-monnaies et crises institutionnelles. »

Quand ? – Les 2ème et 4ème vendredis du mois de 17 h à 19 h du 27 octobre 2017 au 13 avril 2018.

Où ? – EHESS – salle 11, 105 Boulevard Raspail à Paris. La séance du 27 octobre se déroulera en salle 9.

En savoir plus : ehess.fr 


« En 2009, une innovation monétaire d’ampleur a vu le jour sous les traits du Bitcoin, qui, des dires même de « son créateur », répondait à la crise financière de 2007. Cette contestation monétaire prétendait offrir, via un réseau pair-à-pair et des protocoles cryptographiques, un système monétaire et de paiement décentralisé s’abstrayant le plus possible des sceaux et signatures de tiers crédibles.

Dans son sillage et suivant ses caractéristiques open source, une grande diversité de cryptomonnaies (altcoins), reposant sur des architectures à registre distribué (DLT ou « Blockchain ») plus ou moins spécifiques, ont émergé. De fait, l’histoire monétaire ne fut jamais avare d’innovations dans les formes monétaires comme dans leurs usages. Depuis une trentaine d’années et dans un mouvement analogue, les monnaies locales, sociales et complémentaires connaissent un dynamisme important et ce, qu’elles soient pérennes au sein d’économies stabilisées ou la réponse à des situations de crise bien identifiées. Elles prennent place à côté des systèmes traditionnels de paiement et de règlement hiérarchisés, qu’elles veulent concurrencer ou compléter. De tels systèmes monétaires et les communautés qui les portent, en revendiquant plus ou moins radicalement des velléités de réappropriation monétaire, en questionnent la gouvernance.

Aussi, l’existence de ces différents types de monnaies parallèles interroge la nature de la monnaie et ne peut en laisser indemne les représentations dominantes. Ces monnaies soulignent que la structuration de l’espace monétaire est le fait d’une diversité d’instruments, de dispositifs institutionnels et techniques, d’agents et de représentations. Dans leurs usages – instituant des cloisonnements, ou décloisonnements, entre les personnes, les biens, les services et les territoires – l’argent et son pendant pratique qu’est la monnaie sont des institutions : des structures matérielles et des parties prenantes définies, régies, et gouvernées par un ensemble de règles.

L’hétérogénéité que les monnaies parallèles impliquent et qu’elles revendiquent, contraste avec les caractéristiques d’unicité et d’exclusivité monétaire aujourd’hui axiomatisées tant en théorie qu’en pratique. L’émergence et le développement de monnaies parallèles lors de turbulences ou de crises économiques, sociales et politiques, en réaction à celles-ci et y prenant part, révèlent ainsi crûment les enjeux et conflits qui traversent toujours un espace monétaire et sa communauté de paiement. Ces monnaies sont l’expression pratique d’une tension en valeur, en confiance et en souveraineté qu’implique la coexistence de systèmes de paiement et de règlement différents, mettant aux prises des agents, des groupes et des sphères axiologiques disparates.

Ce séminaire cherchera à comprendre comment les économies monétaires contemporaines articulent la multiplicité et la diversité des instruments monétaires, des systèmes de paiement et des groupes monétaires à un espace de règlement unifié formant une communauté de paiement homogène. »

 


[1] Centre de recherches de l’École des hautes études en sciences sociales. Le CEMI s’intéresse aux économies en transition, « mais aussi la dimension spatiale et territoriale des processus de développement et les apports de ces deux axes d’études à un renouvellement du paradigme institutionnaliste et systémique dans la théorie économique. »