Quel avenir pour Bitcoin ?

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RTBF.be a récemment organisé un chat avec Lionel Dricot (alias Ploum), ingénieur en informatique, blogueur et « early adopter » de bitcoin. En voici un résumé.

Les internautes : Le Bitcoin, dont la valeur est actuellement à plus de 200 €, n’est-il pas en train de devenir une bulle spéculative dans laquelle on n’échange au final aucun bien réel mais seulement des flots d’argent ?

Lionel Dricot : Il y a évidemment une part de spéculation mais si le bitcoin doit un jour atteindre 10,000 $, la valeur actuelle n’est pas du tout exagérée. Quand j’ai commencé à m’intéresser au bitcoin, il valait 0,07€. Et quand j’ai vécu le passage 1 bitcoin = 1 dollar, tout le monde parlait de bulle. Mais il n’est jamais redescendu en dessous du dollar.

Les internautes : Devons-nous inquiéter d’une explosion prochaine de la « bulle » bitcoin ?

Lionel Dricot : Qui peut le dire ? Si je pouvais le savoir, je serais riche !

Avez-vous des projets d’entreprise qui propose de payer ses services en bitcoin?

Lionel Dricot : J’en ai eu mais je me suis rendu compte que je n’avais pas les nerfs et la capacité de gérer une entreprise dans un milieu aussi dur, qui attire les pirates informatiques, les arnaqueurs, les profiteurs. Je n’ai pas réussi à trouver le bon associé pour cela.

Au-delà de l’idée Bitcoin, peut-on maintenant imaginer qu’en matière d’économie tout soit possible grâce à l’informatique et internet, et que nous puissions créer un « revenu d’existence » puisque tout n’est que chiffre informatisé ? Bitcoin reste un système capitaliste où des riches et des pauvres (économiquement) coexisteront sur la même planète, mais avec un revenu d’existence, cela nous permettrait de redonner le pouvoir à l’humain, et non à la puissance de l’argent.

Lionel Dricot : Je suis très attiré par l’idée de revenu de base. Mais je ne suis pas sûr que ce soit lié au bitcoin.

Le Bitcoin permet-il ou pas de faire de la spéculation ? Permettrait-il de s’échapper d’un système ou c’est la dette qui rapporte de l’argent et non plus le travail ?

Lionel Dricot : comme toute valeur échangeable, bitcoin permet la spéculation. Et permet de s’endetter. Mais, contrairement aux monnaies contrôlées par les états, il n’est pas possible de « créer » de l’argent avec des dettes.

Le BTC est-il légal? Dois-je reporter ces revenus sur ma feuille d’impôts, si je fais par exemple de la spéculation dessus ?

Lionel Dricot : C’est pour le moment une zone grise. Si vous avez des revenus en euros, il faut les déclarer. Mais quand ils sont en bitcoins ? Et qui peut d’ailleurs le contrôler ? J’ai écrit une mini-nouvelle intitulée « Le blogueur de demain » sur mon blog pour explorer cette idée.

Quand est-ce que l’on va établir un étalon or avec le bitcoin? Ceci devrait augmenter la confiance et limiter la spéculation.

Lionel Dricot : Qu’est-ce qui donne la valeur à l’or si ce n’est la confiance des gens en cette valeur ? Le Bitcoin est une forme d’or virtuel, cela n’a pas de sens de vouloir le lier artificiellement avec une autre forme de valeur. Ce serait comme lier l’or et l’argent.

Est-ce que le système de réserve fractionnaire est applicable ici ?

Lionel Dricot : Non, ce n’est pas possible

A-t-on des données sur la nature des transactions effectuées aujourd’hui en bitcoin ? Achats de biens et services, ou majoritairement spéculation ?

Lionel Dricot : Bitpay, qui est le leader dans les services de paiements par Bitcoin (notamment utilisé par WordPress) a rapporté 5 millions de $ de transactions « commerciales » le mois passé. C’est encore modeste mais ce n’est pas rien.

Les créateurs et utilisateurs du bitcoin n’ont-ils rien retenu de la crise des tulipes de 1637 ? J’adore le concept d’une monnaie indépendante des banques mais tout cela risque de finir en pleurs si personne ne réagit…

Lionel Dricot : Le parallèle avec la crise de la Tulipe dans le sens qu’un bulbe n’a pas d’utilité intrinsèque ou très peu. Bitcoin, en temps que moyen de transférer et de stocker de la valeur a un fondamental très fort, un peu comme l’or. Ce fondamental dépend bien entendu de la confiance des gens.

Que peut-on faire concrètement en Belgique avec les BTC qui aide l’économie locale?

Lionel Dricot : Accepter les bitcoins dans son activité professionnelle, même dans un magasin « brique et mortier » !

Y a-t-il des mesures prévues pour que le BTC ne serve pas à blanchir des capitaux ? Ou bien est-ce une monnaie de plus ?

Lionel Dricot : Quelle est votre définition de « blanchir » ? Si, le btc facilite le blanchiment d’argent, c’est exactement comme du cash.

Si j’ai bien compris, le bitcoin se base sur un site de confiance qui permet l’échange. Quid de mon argent si un site tombe et comment « mesurer » la confiance en un site ?

Lionel Dricot : Il ne s’agit pas d’un site mais d’un algorithme. Je te recommande l’article de mon blog « bitcoin pour les nuls ». Bitcoin est comparable à bittorrent : c’est un protocole décentralisé.

Si on parle de ‘bulle’ bitcoin, quelles conséquences sauf pour les investisseurs ? Est-ce qu’il y en aurait pour l’économie, le commerce, etc ?

Lionel Dricot : Si la valeur du bitcoin devait chuter soudainement, cela n’aurait de conséquence que pour ceux qui ont des bitcoins et ne peuvent pas attendre une remontée.

La seule valeur qui ne repose pas sur la confiance, c’est l’or. Sa valeur repose sur sa masse et sur sa rareté. Toutes les autres monnaies reposent sur la confiance, c’est à dire sur du vent, même l’euro.

Lionel Dricot : La valeur de l’or repose aussi sur la confiance. La preuve, l’or n’a aucune valeur dans certaines civilisations car il n’est pas utile.

Mais le Bitcoin non plus n’a pas de valeur pour ces civilisations alors.

Lionel Dricot : Tout à fait. Le Bitcoin n’a de valeur qu’auprès de certains internautes.

Les gens peuvent-ils faire confiance en une monnaie qui décuple de valeur en deux mois et qui pourrait prendre le chemin inverse à tout moment ?

Lionel Dricot : La valeur est un indicateur de confiance. Mais c’est vrai qu’il ne faut pas avoir trop confiance. Le bitcoin peut tomber à 0 à tout moment et il faut en être conscient.

Le bitcoin séduit deux extrêmes de l’échelle sociale : les catégories paupérisées par la crise (en Espagne notamment) qui y voient une possibilité de cycle court et d’échanges affranchis des banques, et une classe très aisée qui y voient un outil de spéculation de plus et surtout une possibilité d’exil fiscal, d’après toi quelle tendance va l’emporter dans l’avenir ?

Lionel Dricot : Je pense que les deux classes ont besoin l’un de l’autre. Bitcoin ne va pas « équilibrer » la société. Il va rendre très riches certaines personnes, il va appauvrir certains très riches (les banquiers) mais pour le reste, je ne suis pas sûr qu’il changera le monde, sinon nous apporter une simplification bienvenue.

Cela donne un peu l’impression d’un grand monopoly, est-ce que les « économistes » ayant pignon sur rue ont donné un avis sur BTC ?

Lionel Dricot : Oui. Beaucoup se sont d’ailleurs trompés car Bitcoin ne semble pas suivre les règles traditionnelles. C’est ce qui rend l’expérience excitante.

Quels biens et services utiles peut on actuellement payer en bitcoin ?

Lionel Dricot : Du matériel électronique, des noms de domaines, de l’hébergement web, des sextoys et des accès à des sites pornographiques. Il y a également un vendeur de chaussettes en laine de Lama qui a été un des premiers commerçants à accepter les bitcoins, ce qui a donné lieu à pas mal de blagues.

Le BTC n’était que peu connu. Va-t-il résister à la médiatisation?

Lionel Dricot : La médiatisation est à double tranchant…

La confiance reste aussi selon le système judiciaire ou de médiation pour régler les conflits? comment envisagez-vous cette partie ?

Lionel Dricot : Excellente question. Pour le moment, le commerce par Internet est bloqué par le fait que certains arnaqueurs sont souvent dans des juridictions qui leur sont favorables ou rendant très complexes les poursuites. Allez-vous lancer une attaque judiciaire contre un fournisseur chinois pour une commande de 50 € ? Bitcoin verra, selon moi, l’émergence d’intermédiaires privés qui offriront une garantie. Ce que Paypal ou Visa font pour le moment.

La communauté ne sera-t-elle pas tentée de faire tourner la planche à billets, en changeant d’algorithme pour casser cette limite de 21 millions ?

Lionel Dricot : C’est mathématiquement impossible. C’est la force de bitcoin.

Actuellement, avec la montée du cours, j’imagine que tout le monde garde ses bitcoins et ne les dépense pas ?

Lionel Dricot : Pas spécialement. Beaucoup décident de les dépenser car, justement, ils ne tiennent pas à tout perdre si bitcoin retombe à 0 demain. Un utilisateur de bitcoin a ainsi découvert que ses bitcoins permettait de rembourser ses dettes (maison, études, voitures). Il a tout vendu pour vivre sans dette, même si du coup, il n’a plus de bitcoins.

Source : rtbf.be

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