Le service des déclarations en ligne d’impôt sur les revenus 2019 a ouvert ce lundi 20 avril 2020, et on voit qu’en dépit de long mois de discussion et de préparation sur le sujet « crypto » au sein de l’administration fiscale, les problématiques sont toujours peu comprises.
On peut déjà souligner l’absence, sur l’espace de déclaration en ligne, du formulaire n°3916-bis, qui permet la déclaration des comptes d’actifs numériques à l’étranger. Seul le formulaire 3916, qui permet de satisfaire l’obligation de déclaration des comptes financiers à l’étranger, est présent.
Malgré les incertitudes sur une possible rectification de cette erreur ou sur le traitement réservé par l’administration en cas d’utilisation du 3916 au lieu du 3916-bis, cela permet de mettre en lumière le peu de considération pour les détenteurs d’actifs numériques : non seulement le formulaire théoriquement utilisable, le 3916-bis, était inadapté aux caractéristiques des comptes d’actifs numériques (par exemple, demande d’un numéro de compte, inexistant sur les comptes « crypto »), mais les agents des impôts n’ont même pas eu la présence d’esprit de mettre à jour correctement la déclaration en ligne pour inclure ce formulaire.
Second écueil c’est le formulaire n°2086, qui permet aux particuliers de déclarer l’ensemble des cessions présentant un fait générateur d’imposition (conversion fiat et utilisation pour l’achat d’un bien ou service). L’espace en ligne ne permet de déclarer que 20 transactions directes par personne composant le foyer fiscal, ainsi que 9 transactions réalisées par personne interposée (cessions via une société non soumise à l’IS par exemple).
On se demande la raison d’être d’un seuil si bas : peut-être est-ce dû à un obstacle d’ordre technique, ou bien il pourrait s’agir d’un premier « indice de professionnalisation » posé par l’administration afin de distinguer les opérateurs occasionnels et habituels.
Ce seuil est néanmoins absurde, d’une part en raison du faible nombre d’opérations admises, d’autre part en raison du fait que l’administration a parfaitement connaissance, grâce aux discussions menées depuis près de 2 ans, que ce seuil peut s’atteindre sans problème par toute personne détenant un minimum d’actifs numériques. L’incohérence atteint son paroxysme pour les nombreux contribuables ayant tendance à fractionner leurs désinvestissements importants (volonté de lisser un cours de vente, défiance vis-à-vis des exchanges, etc.), même si ces désinvestissements sont consacrés à une opération unique (achat immobilier par exemple).
Il n’est évidemment pas possible d’uploader un fichier de trades directement sur l’espace en ligne. Les contribuables ont donc actuellement le choix entre une globalisation de leurs opérations, en contradiction avec la loi qui prévoit d’en donner le détail, ou l’envoi d’une déclaration papier en plus de leur déclaration en ligne, sans savoir comment cette déclaration dédoublée sera traitée.
En résumé, si des modalités de déclaration spécifiques aux actifs numériques ont le mérite d’exister, et auraient pu être théoriquement satisfaisantes, leur mise en oeuvre devrait, en l’état, laisser un goût amère aux détenteurs d’actifs numériques : celui de vivre dans une « crypto-nation » auto-proclamée qui ne daigne même pas fournir les efforts minimums pour permettre le respect de la loi fiscale par ses citoyens.
A propos de l’auteur
Axel Sabban est avocat au cabinet Zrari Avocats dans lequel il intervient principalement en droit des affaires et fiscalité et assiste les particuliers comme des entreprises sur des problématiques fiscales générales (conseil et contentieux) et autour des cryptoactifs (déclarations, régularisations, consultations et gestion du risque fiscal).