Primavera De Filippi au Parlement Européen

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Primavera De Filippi, chercheuse au CERSA et au Berkman Center for Internet & Society de l’Université de Harvard, a été entendue en tant que spécialiste lors de l’audition publique de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement Européen, le 25 janvier dernier. Le travail de recherche de Primavera De Filippi porte notamment sur les enjeux juridiques soulevés par les « technologies blockchain » (Bitcoin, Ethereum, etc.) et les nouveaux modes de gouvernance distribuée que ces systèmes permettent.

 

Transcription de l’intervention du 25 janvier

« Pour commencer j’aimerais évoquer les défis lancés par Bitcoin mais aussi ses opportunités, et j’aimerais élargir le sujet à la ‘technologie blockchain’, ses avantages pour la concurrence, l’innovation, la protection des consommateurs et de respect des réglementations.

Bitcoin est un système de paiement qui s’appuie sur un réseau décentralisé et qui se passe donc d’intermédiaires financiers. Quels sont d’abord ses inconvénients ? En premier lieu le réseau Bitcoin ne relève pas d’une réglementation donnée et donc d’une juridiction donnée. Deuxièmement, à partir du moment ou vous n’avez pas d’autorité centrale, cela veut dire que le réseau peut fonctionner dans l’anonymat, ce qui ouvre des possibilités aux activités criminelles telles que l’évasion fiscale ou le blanchiment d’argent.

Côté avantages, le système Bitcoin peut apporter un bénéfice au consommateur : le passage des frontières ne nécessite pas de frais et les envois de fonds sont gratuits et rapides. Mais la principale innovation derrière Bitcoin ce n’est pas tant la monnaie elle-même que la technologie sur laquelle elle repose : la blockchain, un système de registre public décentralisé transparent qui […] permet aux gens d’effectuer d’échanger ensemble sans passer par une autorité ou une chambre de compensation centralisée. Il importe de comprendre toute la gamme de possibilités que couvre ce système.

Si les monnaies virtuelles posent des difficultés en termes de fiscalité, de blanchiment d’argent et de protection des consommateurs, le vrai défi c’est de voir comment on peut réglementer, fixer un cadre réglementaire qui n’empêchera pas les retombées pour les consommateurs des « technologies blockchain » pour ce qui est de l’innovation, de la création d’emploi et de la concurrence.

La blockchain est d’abord une grande innovation en matière de comptabilité qui peut apporter davantage d’efficacité de transparence. Le coût du respect des réglementations peut être abaissé grâce à des dispositifs tel que celui du multi-signatures ou la preuve de solvabilité qui peuvent aboutir à plus de transparence et de responsabilité que dans les institutions financières traditionnelles. Dans ce sens ces protocoles de chaînage de blocs peuvent être considérés comme des technologies capacitances en termes de réglementation. Plus besoin de surveillant et le problème de savoir qui surveille le surveillant disparaît.

Vous avez certainement entendu parler des débats qui ont eu lieu à Davos et de la publication récente par le gouvernement britannique d’un rapport sur les utilisations qui peuvent être faites de ces technologies, tant au niveau public que privé, pour améliorer la gouvernance et la réglementer.

Aujourd’hui les objectifs de la réglementation [sont fixés] mais les mécanismes pour atteindre ces objectifs doivent être considérés de façon différente. La difficulté c’est que ces [technologies] sont exploitées à des fins illégales. Vous avez certainement entendu parler de l’affaire Silk Road où le bitcoin était utilisé en paiement de produits stupéfiants illégaux. Le problème c’est que la plupart des réglementations concernent un produit donné et s’inscrivent donc dans une dimension verticale alors que la blockchain implique une approche horizontale et exige un cadre différent.

J’aimerais comparer la blockchain à ornithorynque. Elle ressemble à beaucoup de chose que nous connaissons déjà mais c’est une technologie nouvelle [et différente]. On peut y voir une monnaie, une valeur mobilière, ou une matière première et pourtant on n’arrive pas à résumer ainsi le caractère généraliste et universel de la blockchain. Je crois que c’est très important de ne pas perdre de vue cet aspect. »

 

Source : Captation vidéo de l’audition publique du 25 janvier dernier


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