Portrait de Mark Karpelès

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2008

Mark Karpelès (né le 1er juin 1985 à Chenôve) était le directeur général (CEO) de la plateforme d’échange de Bitcoin MtGox. La police japonaise le soupçonne d’avoir détourné 2,3 millions d’euros de dépôts en bitcoin. Arrêté le 1er août 2015, il est mis en examen le 11 septembre pour « détournement de fonds ».

Mise à jour du 15 mars 2019 :

Mark Karpelès, ex-CEO de la plateforme Mtgox, a été condamné aujourd’hui par le tribunal de Tokyo à deux ans et demi de prison avec sursis pour falsification de documents, une peine est très en-deçà des dix ans de prison ferme requis par le procureur. Faute de preuve et d’aveux le tribunal n’a pas retenu l’accusation de détournement de fonds.

Déclaration de Mark Karpelès quelques jours avant le verdict : « Les procureurs m’ont, au final, accusé de manipulation de données informatiques et de détournements de fonds. Au début, ils m’ont accusé d’avoir détourné des fonds des clients. Puis comme ils ne trouvaient pas d’éléments, ils m’ont finalement accusé d’avoir floué l’entreprise dont j’étais le seul directeur et que je contrôlais à 88 %. Le parquet me reproche d’avoir payé l’achat d’un lit pour mon appartement avec un virement de MtGox, d’avoir fait acheter, par le biais d’un prêt interne de 315 millions de yens à l’entreprise, une société spécialisée dans l’imagerie 3D en septembre 2013, et d’avoir également viré 20 millions de yens (160.000 euros) du compte de MtGox à mon compte personnel. » [Source : lesechos.fr]


Mise à jour du 7 juillet 2016 :

Le procès de Mark Karpelès s’est ouvert mardi 11 juillet 2017 à Tokyo. L’ex-CEO de MtGox comparaît pour détournement de fonds et manipulation de données. Les autorités nippones le soupçonnent d’avoir détourné au moins 340 millions de yen – soit environ 2,6 millions d’euros – afin de financer le rachat d’une entreprise d’impression 3D. Lors de cette première audience l’accusé a plaidé non coupable sur tous les chefs d’accusation, soutenant que l’argent provenait des fonds propres de la société. Il a néanmoins avoué que c’était bien lui qui avait lancé le fameux trading-bot Willy qui avait manipulé le cours du bitcoin de mars à novembre 2013, « pour le bien de la société ».


Reportage de 13ème Rue diffusé le 1er août 2017 :

https://www.youtube.com/watch?v=yt6GJn49j_Q


Ajout du 04 octobre 2015 : vidéo de canal plus.

Portrait publié le 26 février 2014

La Tribune a publié hier un portrait du CEO de MtGox ainsi que l’adresse d’un ancien blog qui en dit long sur le parcours de cette personnalité controversée.

« Si un jour un japonais vous prête de l’argent, ne lui dites jamais « merci ». Je ne suis pas encore trop sûr mais visiblement ça entrerait dans le sens de « merci, et ne t’attends pas à revoir tes sous ». […] À mon avis c’est pour cela que, parfois, pour dire merci, les japonais utilisent le même mot que pour dire « pardon ». L’état d’esprit n’est pas le même, mais d’un certain point de vue c’est une logique tout à fait défendable ». MK – Février 2006.

Originaire de Chenôve en Côte-d’Or, Mark Karpelès est présenté comme un codeur virtuose, précoce et autodidacte (il s’est arrêté au bac). Son pseudonyme, Magical Tux, devient vite célèbre sur les forums spécialisés. En tant que développeur il aurait travaillé successivement pour le concepteur de jeux vidéos Linux Cyberjoueurs, pour le distributeur de produits informatiques Fotovista (devenu Pixmania) et pour le spécialiste du téléchargement de jeux vidéos Nexway. Après avoir vécu un certain temps entre Israël et la France, il serait parti en 2009 s’installer au Japon, pays des jeux vidéos et de l’électronique, où il aurait travaillé sur divers projets avant de créer sa propre société, Tibanne, spécialisée dans l’hébergement web et le développement d’applications. Vous pourrez découvrir la totalité de ce parcours sur latribune.fr.

En 2007, il apparaît dans un documentaire de Canal + consacré aux geeks.


La saga MtGox

Jed McCaleb, créateur d’eDonkey, a contacté Mark Karpeles à propos de la vente de Mt. Gox en janvier 2011 comme en témoigne ce message datant du 18 janvier :

Salut Mark,

Je te prie de garder tout ceci confidentiel, je ne veux pas semer la panique et je ne suis pas encore certain que je passerai à l’acte, mais je pense que je vais essayer de vendre mtgox. C’est juste qu’il y a d’autres projets auxquels j’aimerais consacrer plus de temps. Serais-tu intéressé ? Il y aura à priori peu de frais à dépenser upfront, et juste un versement basé sur les bénéfices ou un truc du genre. Il y a également un fonds d’investissement qui veut mettre de l’argent dans mtgox. Probablement aux alentours de 158 000 dollars. Donc tu pourrais sûrement être majoritaire avec un peu d’apport en liquidités.

Dis-moi ce que tu en penses.

Merci,

Jed.

En 2011 Mark Karpelès rachète donc 88% de MtGox. Peu de temps après la passation de pouvoir, Karpelès prend conscience que MtGox avait déjà été piratée au moins une fois par le passé et qu’il manque 80 000 bitcoins dans la caisse. Dans l’email suivant, daté du 28 avril 2011, Jed McCaleb donne des conseils à Mark Karpelès pour sortir de cette mauvaise situation :

De : Jed McCaleb <jed@mtgox.com>

Envoyé : 28/04/2011 22:33

À : Mark Karpelès <admin@mtgox.com>

On va avoir un très gros problème avec un trou de 80k BTC si le prix unitaire monte à 100 dollars ou un truc du genre. Ça fait pas mal de dettes à ce niveau-là, mais Mt. Gox devrait avoir engrangé une tonne de BTC à l’heure qu’il est. Et puis il y a aussi le fait que le différentiel en BTC ne chutera peut-être pas au-dessous de 80 000. Donc peut-être que tu n’as pas réellement à te faire de souci à ce sujet.

J’ai pensé à trois solutions :

– Racheter petit à petit plus de BTC avec l’argent qu’il y a en réserve dans le logiciel de Gox. Si tout va bien, tu auras compensé la perte avant que les prix ne s’envolent.

– Achète un gros montant de BTC (pour basculer la dette du bitcoin vers le dollar, en somme). En cas de hausse du cours du BTC, ça représentera un gain énorme. Problème étant qu’il n’y a pas assez de bitcoins à vendre sur MtGox. Peut-être que tu pourrais trouver quelqu’un sur le forum pour s’en charger ?

– Inciter les gens de crystal island à investir -ils ont plus de 200k à disposition, ce qui pourrait suffire à combler le trou.

Peut-être pourrais-tu t’inspirer de l’une de ces idées ?

Source : ulyces.co

Karpelès avait alors signé un accord de non-divulgation qui lui interdisait de discuter de cette perte. En avril 2011, 80 000 bitcoins valaient approximativement 62 400 dollars. Peut-être que Karpelès a jugé à l’époque qu’il pourrait compenser au fur et à mesure, mais hélas le cours va monter.

L’entreprise marche cependant de mieux en mieux : en 2013 Mark Karpelès affirme contrôler alors près de 80% des échanges mondiaux de bitcoins (soit 5 à 20 millions de dollars de transactions quotidiennes). Mais elle doit ensuite faire face à plusieurs défaillance techniques ; la plateforme ferme le 25 février 2014 et l’entreprise se déclare en faillite le 10 mars. Des clients aux États-Unis et au Canada portent plainte contre MtGox et contre Mark Karpelès lui-même.

Dès le printemps 2013, l’entreprise ouvre des compte aux États-Unis pour faciliter les transactions dans le pays, mais Karpelès ne la déclare pas comme organisme de transfert de fond, ce qui lui vaut une saisie de 5 millions de dollars par le gouvernement américain en mai et juin. En 2012 Karpelès doit aussi faire face à un client de Tibane, qui réclame le remboursement de 20 700 dollars versés pour un site web jamais réalisé. La société Tibane est condamnée par un tribunal Japonais au remboursement des sommes versées. En août 2014, une procédure est lancée en France par le tribunal de grande instance de Pontoise dans le cadre de cette affaire.


Autoportrait

Voilà quelques extraits du blog qu’il a entretenu de janvier 2006 à mai 2012 :

16 janvier 2006 :  

« Histoire d’une garde à vue pas comme les autres…

J’ai souvent entendu parler des pirates se retrouvant en garde à vue, avec leurs machines saisies et des policiers spécialement entraînés pour les enquêtes informatiques, allant de procès en procès… En lisant ce genre de choses dans le journal, on se dit tous « ça n’arrive qu’aux autres ».

Et bien quelle ne fut pas ma surprise, un soir, de trouver dans ma boite aux lettres un petit papier sur lequel il était écrit « Vous êtes convoqué à la BEFTI (Brigade d’Enquête des Fraudes aux Technologies de l’Information, un nom bien barbare) tel jour à 10h ». Ayant tout de même une légère idée de la raison pour laquelle j’étais convoqué, je m’y suis rendu, en ayant dans l’idée de ressortir avant 13h…

Mais à 13h, j’étais en garde à vue, en train de manger un plat, ma foi pas trop mauvais, mais surtout extrêmement gras. Lire la suite ici


27 novembre 2006 : Autoportrait (extraits)

– Ton surnom : MagicalTux
– Langues parlées : Français, Anglais, Japonais, et des restes de grec, italien, latin, russe et hébreu.
– Quelle est ton plus gros défaut : Trop confiance aux gens, probablement (mais vous enflammez pas, j’ai bien résolu le problème déjà)
– Comment te vois-tu dans l’avenir ? Maître du monde :3
– Votre devise ? Un jour tout ira mieux, en attendant on fait avec.


6 décembre 2006 :

« C’est rigolo~

[…] hier, un roumain (d’après ses dire, ceci dit il avait une ip de Corée) m’a proposé de travailler dans le piratage d’accès internet aux comptes bancaires en France. Le boulot est simple : créer des virus ou des mails qui vont soit espionner la saisie des utilisateurs pour avoir leur code, soit leur faire croire qu’il doivent s’identifier sur leur compte et leur présenter un faux site de leur banque (phishing).

La paye est pas mal (dans les 3500€ par semaine) et les conditions agréables (tant qu’on continue a faire son « boulot »). En plus la délocalisation en Roumanie ou au Koweït est offerte, et à priori même le fait d’être surveillé en France ne semble pas les gêner sur ce point.

Autant le dire tout de suite, cela est complètement contre à mes principes éthiques. Ces gens gagnent certainement plus d’argent que moi en blanchissant à tour de bras, toutefois l’argent n’est pas pour moi une nécessité en soi. Il permet simplement de payer les serveurs, et de subvenir à mes dépenses quotidiennes. « Avoir de l’argent » n’a pour moi aucun intérêt direct.

Maintenant à nos chers amis de Roumanie ou d’ailleurs, n’espérez pas qu’un jour je vous aide. Si un jour je viens à envoyer du spam ou du phishing, il ne me restera plus que seppuku [hara-kiri] pour récupérer mon honneur ».


Le Monde – 15 mai 2014

Le 15 mai 2014, le journal Le Monde a également publié un portrait du personnage. En voilà quelques extraits :

En 2007, Marc Karpeles fit une apparition remarquée à la télévision française. Dans le cadre d’une soirée spéciale intitulée Suck My Geek, Canal Plus décide de produire un documentaire sur la scène geek française. Pour trouver des jeunes Parisiens désireux d’être interviewés, le réalisateur Xavier Sayanoff passe des annonces sur des forums spécialisés, et tombe sur Marc, alors âgé de 22 ans : « on a tout de suite vu que c’était le personnage idéal, le geek extrême. Un garçon adorable, gentil avec tout le monde. Mais au niveau des relations sociales et du contact humain, il n’était pas très au point. »

Dans le documentaire, Marc Karpeles raconte, sur un ton doux et calme, des souvenirs d’enfance peu ordinaires : « Je rejetais un peu les autres. Au début j’avais vaguement essayé de discuter, mais quand j’étais en sixième, je discutais de physique quantique, et je n’ai pas trouvé beaucoup de monde avec qui en parler. » A 22 ans, sa situation ne s’est pas beaucoup améliorée, mais il est le premier à en rire : « J’ai beaucoup de copines, elles sont en .jpeg ou en .png (formats de photos sur Internet), et même en .avi (format vidéo)». En revanche, sa mère fait partie du même monde que lui : « c’est assez spécial avec maman, vu qu’elle est sur Internet, elle crée des serveurs de jeux, elle a une activité assez geek. A la base, c’est quand même elle qui m’a lancé là-dedans, qui m’a laissé programmer, à trois ans. »

Grâce à Internet et à ses talents en informatique, Marc a longtemps travaillé chez lui : « Il m’est arrivé de passer plusieurs jours d’affilée devant l’ordinateur sans bouger, juste en mangeant des trucs qui étaient à portée de main, et de passer cinq ou six mois sans mettre le pied dehors. » Puis Marc trouve un emploi dans une société de e-commerce parisienne. Il sort de sa chambre, mais sa vie change peu : « au boulot, je suis sur un ordinateur toute la journée. Et le soir pareil, je code, je vérifie des trucs, je regarde de l’anime pour me reposer. »

Aujourd’hui, le réalisateur Xavier Sayanoff sait que la faillite de MtGox a nui à beaucoup de monde, mais son jugement reste clément : « Marc est un OVNI, il est « autre ». Je me dis qu’il doit beaucoup souffrir, la gestion d’une tempête de cette ampleur dépasse ses capacités. Je reste persuadé que c’est un type bien, qu’il n’a jamais eu de mauvaises intentions, qu’il a juste été dépassé par la situation. Pour lui, au début c’était sans doute un jeu, il ne se rendait pas compte que derrière tout ça, il y avait des vrais gens, qui risquaient leur argent. »

En revanche, sur le site de discussion Reddit, des internautes français, se présentant comme des anciens collègues, sont moins tendres avec lui : « ce n’est pas un génie, affirme un homme qui signe al_dadou. C’est juste un geek compétent en langage php, le genre de type qui croit tout savoir. Mais il est un peu glauque, et moins intelligent qu’il ne croit l’être (…) Je le considérais plutôt comme atteint du syndrome d’Asperger, avec un comportement un peu autiste. Sauf qu’il était complètement amoureux de lui-même, égocentrique et arrogant. »

Voilà un extrait d’un second portrait publié dans le journal Le Monde le 1er août 2014

« En 2010, le tribunal de grande instance de Paris l’a condamné pour piratage à un an de prison et 45 000 euros de dommages-intérêts à son ancien employeur.

Les faits remontent à 2005. Mark Karpelès – qui se fait appeler par son deuxième prénom, Robert – travaille alors chez Linux Cyberjoueur, un petit éditeur de jeux en ligne installé à Paris. Il a été embauché en octobre 2003, « en qualité de technicien informatique, chargé de réaliser des programmes, d’effectuer l’administration technique d’équipements et de réseaux », indique le jugement.

Mi-2005, alors que Mark Karpelès revient d’un séjour au Japon, les relations avec son employeur se dégradent brutalement. Il ne se présente plus sur son lieu de travail à partir du 30 juin. Cinq jours plus tard, Stéphane Portha, gérant de Linux Cyberjoueur, constate que des données clients sont transférées vers d’autres serveurs, extérieurs à l’entreprise, situés en France et aux États-Unis. De même, un nom de domaine de l’entreprise est redirigé vers une autre adresse, propriété de Mark Karpelès. Le 6 juillet, celui-ci démissionne.

Quelques mois plus tard, Stéphane Portha reçoit un appel, mentionné dans le jugement : M. Karpelès propose de lui racheter son nom de domaine, au prix de 2 000 euros. Le 19 octobre, l’ex-employeur s’en remet à la justice, il dépose plainte pour « accès frauduleux sur un serveur informatique, modifications de données sur ce serveur et contrefaçon de marque ». Devant les policiers, Mark Karpelès reconnait le piratage, mais sur son blog, il raconte une version bien différente, évoque son état dépressif d’alors et ses différences de vue avec son employeur sur la gestion de ces sites.

Cinq ans plus tard, il est absent à l’audience, lorsque le tribunal le condamne. »

Willy et Markus

« Le Willy Report , et les travaux du spécialiste en sécurité WizSec, avaient mis en lumière l’activité étrange de deux traders très actifs sur MtGox, deux personnages baptisés par les opérateurs Willy et Markus. Une récente étude suggère qu’ils ont été au centre d’une affaire de manipulation de cours sans précédent dans la sphère des nouvelles monnaies. Ces deux traders ont acquis 600.000 bitcoins, entre février et novembre 2013, proche des 650.000 bitcoins que la plateforme estime s’être fait dérober. Ils ont contribué à l’envolée du cours du bitcoin qui est passé de 150 à plus de 1.000 dollars fin 2013. Selon les travaux, Markus est intervenu entre le 14 février 2013 et le 27 septembre. Il a acheté près de 336.000 bitcoins pour 76 millions de dollars en 33 séances. Eléments suspicieux, ce trader “ne payait aucune commission de transactions, et certaines de ses opérations semblent avoir été dédoublées. Il n’a jamais déboursé le moindre dollar pour acheter ses bitcoins et ceux qui lui ont vendu leurs bitcoins n’ont jamais reçu l’argent”, soulignent les chercheurs. Le deuxième opérateur fantôme, baptisé Willy, était un automate de trading automatique. A la différence de Markus, il a utilisé plusieurs comptes, 49 au total, qui ont acheté chacun pour 2,5 millions de dollars de bitcoins, qui n’ont jamais été cédés. Curieusement, ces achats ont débuté le jour même où Markus a stoppé ses opérations, le 27 septembre 2013. Willy a acquis 268.000 bitcoins pour 112 millions de dollars, sans se soucier du prix ! Il achetait chaque fois au cours du marché (pas d’ordres limites), de telle sorte que le cours du bitcoin progressait de près de 20 dollars les jours où il était présent. Quand ils sont intervenus sur le marché, ces deux entité ont représenté chacun près de 20 % du volume quotidien de MtGox, et 6 à 12 % des volumes de toutes les Bourses du bitcoin. Une force de frappe qui leur permettait de manipuler le cours de bitcoin. Lors de leurs interventions, le bitcoin progressait dans 80 % des cas, contre 55 % des cas lors des séances ordinaire, sans manipulations. C’est surtout l’activité de Willy qui a contribué à la nouvelle bulle du bitcoin. Est-ce que Markus et Willy sont une seule et même personne, à savoir Mark Karpelès ? MtGox a en tout cas reconnu qu’elle est intervenue parfois sur le marché pour son propre compte et par le biais d’un “obligation exchange”, à savoir l’automate Willy, mais sans donner de montants pour ses interventions. Celles-ci étaient destinées à acheter des bitcoins sur le marché afin de combler le “trou”, les bitcoins dérobés en théorie par des hackers, et éviter la fermeture de MtGox. Celle-ci aurait voulu transformer son déficit structurel de bitcoins en un déficit de cash. En achetant des bitcoins à ses clients, par le biais de Willy, et à un cours toujours plus haut, la Bourse a permis aux particuliers de faire des bénéfices élevés “sur le papier”, et de conserver leur confiance dans la Bourse. Tant qu’ils conservaient leurs liquidités chez MtGox, celle-ci pouvait jouer le rôle d’une banque du bitcoin, les dépôts des clients servant à alimenter les opérations d’autres clients, voire celles de MtGox. Seulement, quand le bitcoin a commencé à plonger fin 2013 et début 2014, du fait notamment du retrait de Willy du marché, les particuliers ont voulu retirer leur argent. Trop tard. » [Source : lesechos.fr]


La fin de MtGox :

Un rez-de-chaussée de l’immeuble à façade de verre et de métal qui abritait le quartier général de MtGox, au cœur du quartier branché de Shibuya à Tokyo, une vitrine aveugle surmontée d’une enseigne entourée par une bâche signale ce qui aurait dû devenir le « Bitcoin café ».

Selon le Wall Street Journal, Mark Karpelès travaillait encore sur ce projet début février, juste avant le dépôt de bilan de l’entreprise. Ce café, dont l’ouverture était prévue fin 2013 avant d’être repoussée à début mars, devait servir « des quiches, des tartes aux pommes et des cafés », payables en bitcoins. Mark Karpelès consacrait une grande partie de son temps à ce café, pour lequel il avait développé un logiciel de paiement. Il aurait aussi engagé un consultant en pâtisserie à plein-temps et réaffecté un des employés de Tibanne, la société mère de MtGox à ce projet, qui n’est évidemment plus à l’ordre du jour.


The Daily Beast

Voici quelques extraits d’une interview publiée le 17 septembre 2014 sur le Daily Beast :

Tout le monde dans la communauté Bitcoin de Tokyo parle de vous. Qui êtes-vous et d’où venez-vous ?

Karpeles : je suis un français de 29 ans, un entrepreneur, et la plupart du temps, je suis curieux. En d’autres termes, quand je vois quelque chose, je veux savoir comment cela fonctionne. Mes principales activités sont le codage et l’envoi de courriels. Je pense que le codage est un peu une forme d’art. Vous codez de la même façon qu’un écrivain écrit son livre et qu’un peintre peint son tableau. Lorsque vous êtes inspiré, vous ne pouvez pas vous arrêtez. Et parfois, même si vous vous forcez autant que vous le pouvez, l’inspiration ne vient pas.

Je suis né à Dijon, en France. Quand j’avais 3 ans, j’ai commencé à faire de la programmation de base. Je n’ai pas terminé mes études aux lycée. En fait, je n’étais pas très bon à l’école. J’ai été mis dans une classe littéraire ce qui n’était pas nécessairement le meilleur environnement pour moi. J’avais l’habitude de démonter des calculatrices pour comprendre comment cela fonctionnait. Je suis quelqu’un de scientifique. J’ai une mémoire très largement basée sur les chiffres.

J’ai quitté la France pour Israël, où j’ai vécu neuf mois. En Israël, la guerre de Gaza a commencé. Quelqu’un a fait sauter la centrale dans un attentat terroriste, et nous avons eu une demi-journée sans courant. Pour une société d’informatique, c’est la pire chose qui puisse arriver. Ce jour-là, tous mes plans se sont envolés. Ce que j’étais en train de créer n’a pas abouti, alors je suis retourné en France. J’ai travaillé pour plusieurs sociétés à l’étranger, dont certaines au Japon, et j’ai tout fait pour être transféré là-bas. Je suis arrivé au Japon en 2009 et j’ai fondé une société appelée Tibanne le 29 Octobre.

Qu’est-ce qui vous a attiré en particulier au Japon ?

Eh bien, j’aime le niveau de vie que nous avons au Japon. J’ai oublié mon ordinateur portable sur un banc dans un parc à plusieurs reprises, et chaque fois que quelqu’un l’a ramené à moi. Dans le métro au Japon, même si les gens ne sont pas nécessairement de bonne humeur, ils sont néanmoins courtois. Cela vous incite à faire de même. Une fois, j’étais à Shibuya dans un parking avec certains de mes employés, et nous avons trouvé un portefeuille bien garni sur le sol, donc nous sommes allés le rapporter au poste de police le plus proche. Au Japon, la réciprocité est importante. C’est bien.

Comment vous êtes-vous mis au Bitcoin ? Est-ce parce que vous avez une grande compréhension de la finance et des systèmes bancaires ?

Fondamentalement, je suis plus d’un geek. Tout a commencé en 2010, quand un client français m’a demandé: « Pourrais-je payer en bitcoin ? » J’ai dit : « Bien sûr. » Et j’ai commencé m’y intéresser. Ce qui m’a intéressé dans Bitcoin était les aspects technologiques. En d’autres termes, le fait de maintenir une base de données globale d’une manière sécurisée. Le fait que chaque client dispose d’un portefeuille privé sécurisé. Avoir un système entièrement décentralisé. Aussi, bitcoin vous permet d’avoir une base de données publique. Bitcoin nécessite une communication très rapide entre toutes les parties concernées. Et la base de données commune ou le livre de comptes de Bitcoin est faite de façon à être consultable par tout le monde à tout moment. Il y a beaucoup de problèmes techniques qui sont des défis très intéressants en tant qu’ingénieur réseau ou en tant que programmeur.

Quelles sont les cinq choses que vous aimez et détestez le plus ?

J’aime les ordinateurs, la courtoisie, le Japon, les tartes aux pommes, et la cuisine, et conduire une voiture, ou partir en voyage. Je ne peux pas vraiment prendre l’avion pour le moment. Je suis plus en sécurité au Japon, et si je veux voyager à l’étranger je dois obtenir un permis de la cour japonaise qui a mis MtGox en faillite. Et, à moins d’une bonne raison pour moi de voyager, il est très peu probable qu’ils disent oui. Sinon, j’aime démonter de vieux ordinateurs ou appareils électroniques et essayer de les faire remarcher.

Je déteste les champignons, les poissons, sauf le thon et le saumon en sushi. Sinon, je déteste les conférences de presse et je voudrais éviter d’en refaire.

Qui est votre héros ?

Mettre toutes les bonnes choses en une seule personne est quelque chose de difficile. J’admire Neil deGrasse Tyson, l’astrophysicien et auteur de « Space Chronicles » et « Inexplicable Univers« . Mon héros est Iron Man (rires). J’aime l’action d’inventer et d’innover.

Que pensez-vous de ce que la vie vous a donné? Et qu’est-ce que les gens vous apportent ?

Jusqu’à présent, je pense avoir été vraiment chanceux. Et en même temps, je pense être malheureux quand je regarde la façon dont tout cela s’est terminé. C’est en fait assez horrible. Et j’espère vraiment que nous allons découvrir ce qui s’est réellement passé. Peut-être dans un avenir proche, nous serons en mesure de dire que nous faisions partie d’une révolution économique. Les Bitcoiners font l’histoire. Mais parmi les bitcoiners, il y a certains qui sont assez extrémistes je dirais, mais c’est une chose importante dans un sens. Il faut toujours viser la lune. Parce que si vous ne pouvez pas atteindre la lune, vous ne serez jamais dans les étoiles. N’hésitez jamais à réaliser votre rêve.

Qui sont les gens que vous avez vus le plus de ces dernières années ?

Les cinq dernières années, et surtout quand j’avais MtGox, c’était maison / travail, travail / maison. MtGox a utilisé toute mon énergie. Je n’ai pas vraiment eu le choix. À partir de 2012, nous avons commencé à rencontrer des problèmes avec les gouvernements, et je n’ai pas pu prendre de temps pour moi. Je me sens en quelque sorte mieux maintenant, parce que je passe moins de temps au travail et parce que je ne sais vraiment pas comment je pourrais améliorer la situation de toute façon. Cela dit, j’ai encore beaucoup de choses à régler.

Certains croient que Bitcoin est l’avenir de la finance. Certains disent que les gouvernements trouveront toujours des moyens de faire appliquer de nouvelles lois pour criminaliser bitcoin, car Bitcoin n’est pas un concept qui va de pair avec les banques centrales et l’existence même des gouvernements. Parlez-nous de votre point de vue.

À l’heure actuelle, les pires ennemis de Bitcoin sont les gens qui aiment Bitcoin. Particulièrement les pirates et tous ces gens, qui passent tout leur temps à essayer d’attaquer les services qui y sont liés, comme MtGox, par exemple. Je ne pense pas qu’il soit possible d’avoir un service d’échange de bitcoins sauf si vous avez une équipe qui travaille 24/7 pour détecter les attaques et maintenir la sécurité. Cela nécessite aussi un certain budget. Je pense que nous allons voir un autre MtGox l’année prochaine. En 2012, vous aviez l’effondrement de Bitcoinica [après un piratage]. Le prochain effondrement pourrait être encore pire. Ceux qui sont enthousiastes à propos de Bitcoin devraient faire plus attention.

Vous avez dit vous sentir libéré maintenant que tout est fini avec Mt. Gox. Pensez-vous encore à cela ?

C’est peut-être un peu fort comme mot, mais avoir quelqu’un qui entre dans votre serveur sans que vous le sachiez, est proche du viol, comme un viol virtuel. Ce n’est pas le mot approprié, pardonnez-moi, mais c’est ce que je ressens. Je crois que j’ai passé trop de mon temps à traiter avec les gouvernements et les banques. Tout le temps précieux que j’aurais du passer à coder et à maintenir le système, je l’ai dépensé dans des réunions avec des avocats, des banquiers, et des lobbyistes. C’est beaucoup de temps perdu pour faire face à la réglementation et d’autres choses qui s’opposent à ce que nous faisions, alors que mon temps aurait pu être plus efficacement dépensé.

Les banques sont généralement les premières à être inquiètes par rapport à Bitcoin, parce que leur système bancaire international est menacé par ce dernier. Malgré quelques problèmes, comme les prêts à haut risque, et toutes les histoires que nous entendons sur la mafia qui blanchit son argent, vous voyez les banques payer des montants impressionnants pour cela. Mais globalement, leur système fonctionne. Elles ne souhaitent donc pas accueillir quelqu’un comme Satoshi Nakamoto, qui les oblige à réapprendre ce qu’elles font. Avec Bitcoin, elles ont tout à coup un système bancaire qui n’est pas à jour. Cela représente un énorme changement et beaucoup de frais supplémentaires si toutes les banques du monde doivent tout reprendre à zéro.

Après la faillite de MtGox, la police japonaise a ouvert une enquête sur cette affaire. Beaucoup croient que la police japonaise n’a jamais eu les compétences nécessaires pour résoudre ce problème. Certains créanciers de Mt.Gox ont lancé une enquête indépendante. Que pensez-vous de cette initiative ?

Je pense que les gens qui ont lancé cette initiative sous-estiment légèrement la police japonaise s’ils pensent qu’elle ne progresse pas. Je n’ai pas tous les détails, mais j’en ai plus que la plupart des gens. Et sur cette base, je pense que la police japonaise est très efficace.

Mais je soutiens totalement l’idée que plusieurs personnes commencent leurs propres enquêtes indépendantes. C’est généralement une bonne idée d’avoir plusieurs regards sur le même problème. La police ne signale pas ce qu’elle fait. C’est pourquoi on peut penser qu’elle ne fait rien.

Personnellement, je soutiens leurs efforts pour trouver le ou les coupables. La méthode utilisée est moins importante que le résultat pour moi.

Avez-vous lu les œuvres complètes de Satoshi Nakamoto, le fondateur de Bitcoin ?

Non, je n’ai pas lu « le » livre. Ces jours-ci, j’ai lu plus de livres comme, What If ?: Serious Scientific Answers to Absurd Hypothetical Questions, par Randall Munroe. Et j’essaie d’imaginer toutes les possibilités pour encadrer un problème.

Quelle est la question que vous auriez voulu qu’un journaliste vous pose et que personne ne vous a jamais posé ?

C’est une bonne question. Eh bien, j’aurais voulu que quelqu’un me demande comment je fais. Je pense que tout le monde me voit comme « Monsieur Mt. Gox, « et pas assez comme un être humain, ou tout simplement comme une personne. Bien que je ne partage pas toujours ce que les êtres humains pensent, ou la façon dont ils réagissent. Tout le monde a besoin de l’interaction humaine.

Le Monde – 28.08.2015

« Souvent dépeint dans la presse comme un génie autodidacte, le jeune homme corpulent, adepte des tee-shirts moulants et sweats à capuche, aujourd’hui père de famille, cultive l’ambiguïté. Se décrivant comme timide et fragile, il semble pourtant manier avec brio l’art de la provocation. Il y a quelques semaines, c’est l’air impassible, portant sur son vêtement l’inscription « Effortless French » (« Français sans effort ») et une casquette sur la tête, qu’il est escorté au poste par les forces de l’ordre nippones.
Dans la foulée, la presse à scandale révèle qu’il vit dans un appartement luxueux au sommet d’une tour de Tokyo, loué pour environ 10 400 euros par mois. L’ancien fanatique de jeux de rôles et de mangas, qui confiait en 2007 dans une émission de Canal+ « avoir pu passer plusieurs jours d’affilée devant l’ordinateur sans bouger, en mangeant des choses qui étaient à portée de main », aurait aussi dépensé 48 000 dollars (42 000 euros) pour un lit.

En réalité, Mark Karpelès n’en est pas à ses premiers démêlés avec la justice. En 2005, alors qu’il est âgé d’à peine 20 ans, il est accusé par son employeur Linux Cyberjoueurs, un éditeur français de jeux en ligne, d’avoir transféré illégalement vers d’autres serveurs des données clients. Cinq ans plus tard, il sera condamné par le tribunal de grande instance de Paris à un an de prison et 45 000 euros de dommages et intérêts. « Pour être honnête, je n’étais même pas au courant de ce jugement », a-t-il déclaré dans une interview donnée en 2014 au site Ars Technica.

Aujourd’hui, les plaintes fusent de tous côtés. Aux Etats-Unis et au Canada, des clients ruinés ont organisé des sit-in devant les palais de justice. Impossible désormais pour Mark Karpelès de s’évaporer comme des millions de bitcoins ».

Ajout du 28 octobre 2015

Le quotidien à grand tirage Yomiuri Shimbun, avide de scandales, affirme que Mark Karpelès avait utilisé une partie de l’argent obtenu frauduleusement pour s’offrir les services de prostituées.


11 juillet 2017

Ouverture du procès de Mark Karpelès à Tokyo. L’ex-CEO de MtGox comparaît pour détournement de fonds et manipulation de données. Les autorités nippones le soupçonnent d’avoir détourné au moins 340 millions de yen – soit environ 2,6 millions d’euros – afin de financer le rachat d’une entreprise d’impression 3D. Lors de cette première audience l’accusé a plaidé non coupable sur tous les chefs d’accusation, soutenant que l’argent provenait des fonds propres de la société.