Pierre Person : « Il faut à tout prix créer une fiscalité attractive pour les crypto-actifs »

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Extrait d’une interview de Pierre Person, rapporteur de la mission d’information sur les cryptomonnaies, réalisée par blocs.news le 30 avril dernier :

BN : Les membres de la mission d’information sur les cryptomonnaies ont-ils l’autorisation de posséder des cryptomonnaies ?

PP : Il n’y a aucune contre-indication à cela à condition que ce soit déclaré […]. Je ne vois pas le problème à détenir des crypto-actifs pour une personnalité politique, bien au contraire. C’est surtout une preuve d’intérêt et de volonté de mieux maîtriser le sujet. La représentation nationale a beaucoup changé et est d’ailleurs beaucoup plus ouverte aux enjeux de cet ordre.

BN : Avez-vous déjà investi dans une ICO ?

PP: Investissement, c’est un bien grand mot ! J’ai investi dans une ICO pour tester au mois de décembre 2017. Il s’agissait d’une solution de registre décentralisé sur la supervision des cartes grises. Je me suis servi de mes ethers pour les convertir dans le cadre de cette ICO et mieux en comprendre le fonctionnement.

BN : A titre personnel, considérez-vous la blockchain et les cryptoactifs comme des innovations technologiques majeures, au même titre qu’Internet ?

PP : La blockchain est une innovation comparable à celle d’Internet et permettra aussi de le réinventer entièrement. Elle constitue la promesse d’un Internet décentralisé, à contre-courant de sa verticalité actuelle. La décentralisation redonne du pouvoir aux individus et constitue donc un nouveau moyen de gouvernance, qui aura de profondes implications politiques, notamment sur les démocraties.

BN : Quelles sont donc aujourd’hui les questions prioritaires de la mission d’information sur les cryptomonnaies ?

PP : Il s’agit dans un premier temps de sortir des caricatures et de faire de la pédagogie pour démystifier le sujet auprès de l’opinion publique. Pour cela, nous avons fait le pari de recevoir à la fois des acteurs économiques, des acteurs institutionnels, tels que l’AMF, mais aussi des chercheurs et des évangélistes. Avant de démarrer les auditions, il nous a semblé pertinent de débroussailler un large spectre de thèmes liés aux cryptoactifs sans avoir en tête certains angles prioritaires. Les thèmes que l’on retrouve le plus sont néanmoins la qualification juridique des ICO, la fiscalité et le fait de créer un ensemble de normes qui favorisent la confiance. Il faudra trouver un compromis entre le “tout régulation”, qui a empêché la France d’appréhender tous les enjeux d’Internet et le “laisser-faire”, parfois synonyme de Far-West […].

BN : Réfléchissez-vous aussi à la sensibilisation des investisseurs aux risques des cryptomonnaies ? Des risques liés aux scams des ICO, mais aussi à la volatilité des cryptomonnaies ?

PP : Ici, le parallèle est flagrant avec les jeux d’argent en ligne. L’Etat se doit de protéger et de sensibiliser ses citoyens pour prévenir les comportements excessifs. Par exemple, il est absolument nécessaire de décourager le petit épargnant qui voudrait investir l’intégralité de son portefeuille dans les crypto-actifs parce qu’il considérerait que la rentabilité de son plan épargne est trop faible. Toutefois, on ne doit pas le décourager. Il s’agit plutôt de l’inciter à trouver le bon équilibre. C’est le travail de l’AMF.

BN : La mission formulera-t-elle des recommandations pour encourager la recherche dans le secteur ?

PP : Notre législation fiscale doit permettre d’investir massivement dans la recherche, qui est encore effectuée à l’heure actuelle par bon nombre de start-up qui lèvent des fonds par ICO. Quand vous avez été un précurseur en 2012–2013, que vous voulez vous servir de ces crypto actifs pour vous lancer dans votre activité économique, la fiscalité est extrêmement lourde. La plus-value est prélevée avant d’avoir pu faire le transfert vers la personne morale. On a ainsi de futurs entrepreneurs qui se retrouvent bloqués et sont forcés de s’expatrier pour lancer leur business, qui pourrait se révéler être une licorne de demain. Il faut à tout prix créer une fiscalité attractive sur le sujet. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons décorrelé la mission blockchain de la mission sur les crypto-actifs. Si la première sert des objectifs sur le long terme, la seconde est vouée à apporter des réponses à des questions urgentes […].

BN : Si le lecteur devait retenir une chose de la mission d’information, ce serait quoi ?

PP : Que nous devons innover en la matière et que le législateur est ouvert sur le sujet. Le souhait du législateur n’est en aucun cas de freiner le développement des crypto-actifs mais de mettre en place des règles — fussent-elles au minimum — pour protéger les consommateurs et les investisseurs. La France doit devenir un environnement attractif et un leader en la matière.

 

> Lire l’interview dans son intégralité : medium.com/blocsnews