La Cour de Justice de l’Union Européenne vient de statuer pour la première fois sur bitcoin !
Dans un arrêt de principe du 22 octobre 2015, la Cour déclare que I) les prestations d’échanges de bitcoins contre une devise traditionnelle sont une activité de prestation de services et II) ces opérations sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Cet arrêt a été donné en réponse à deux questions préjudicielles de la Cour Administrative Suprême suédoise. Cette Cour était saisie en droit interne d’un litige opposant M. Hedqvist à l’administration fiscale, qui considérait que les opérations de change de devises traditionnelles contre la devise virtuelle « bitcoin », ne pouvaient pas bénéficier d’exonération et étaient donc soumises à la TVA.
La Cour de Justice répond que « la devise virtuelle à flux bidirectionnel ‘bitcoin’ (…) ne peut être qualifiée de ‘bien corporel’ au sens de l’article 14 de la directive TVA étant donné que (…) cette devise virtuelle n’a pas d’autres finalités que celle de moyen de paiement. Il en est de même des devises traditionnelles, dès lors qu’il s’agit de monnaies qui sont des moyens de paiement légaux ».
La Haute juridiction en conclut que dans « ces conditions, ces opérations constituent des prestations de services » et que dans la mesure où elles sont « effectuées contre remise d’une contrepartie qui présente un lien direct avec le service rendu », il y a lieu de les considérer comme « des prestations de services à titre onéreux » au sens de la directive [Selon un principe général, la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti].
Après avoir rappelé que les cas d’exonérations de TVA [par exemple, les échanges de devises] sont d’interprétation stricte, la Cour constate que « La devise virtuelle ‘bitcoin’ étant un moyen de paiement contractuel elle ne saurait, d’une part, être regardée ni comme un compte courant ni comme un dépôt de fonds, un paiement ou un virement. D’autre part, à la différence des créances, des chèques et des autres effets de commerce (…), elle constitue un moyen de règlement direct entre les opérateurs qui l’acceptent. »
La Cour précise que « les opérations portant sur des devises non traditionnelles, c’est-à-dire autres que les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux dans un ou plusieurs pays, pour autant que ces devises ont été acceptées par les parties à une transaction en tant que moyen de paiement alternatif aux moyens de paiement légaux et n’ont pas une finalité autre que celle de moyen de paiement, constituent des opérations financières. »
Constatant que dans l’affaire présente, « la devise virtuelle ‘bitcoin’ n’a pas d’autres finalités que celle de moyen de paiement et qu’elle est acceptée à cet effet par certains opérateurs », la Cour en conclut que l’échange de bitcoins contre une monnaie légale peut bénéficier des exonérations prévues par la directive en tant qu’opération financière.
Comme bitcoin.fr l’avait relevé le 17 octobre dernier, cette décision de la Cour de Justice favorable au bitcoin était attendue car les conclusions de l’avocat général étaient également en faveur d’une exonération des bitcoins.
Toutefois, que signifie cette décision pour la communauté bitcoin ? Cet arrêt tranche-t-il simplement un cas particulier ou a-t-il une incidence plus large ? Peut-on l’invoquer devant une juridiction nationale ?
Cet arrêt est extrêmement important car, d’une part, il donne une réponse à un cas particulier (ici l’application du droit de l’Union au regard du droit suédois) et, d’autre part, il fixe la jurisprudence sur cette question au niveau des 28 Etats membres de l’Union européenne.
La Cour suédoise est liée par l’interprétation que vient de donner la Cour de Justice, ainsi que toutes les juridictions nationales des 28 Etats membres de l’Union européenne saisies d’un même litige. Toute personne pourra, dès lors, invoquer cet arrêt devant une juridiction nationale.
Cette décision est un véritable soulagement pour toutes les sociétés qui travaillent dans le domaine du bitcoin en Europe. En effet, la soumission du bitcoin à la TVA aurait augmenté considérablement les coûts des transferts, faisant perdre ainsi au bitcoin l’un de ses principaux avantages (ses faibles coûts de change) et aurait même pu conduire à la fermeture d’entreprises du secteur.
Dans une Union européenne où les 28 Etats membres divergent concernant l’appréhension réglementaire du bitcoin, cette décision est un premier pas conséquent vers une harmonisation en faveur du bitcoin !
Sources : ec.europa.eu – curia.europa.eu – Lecture de la décision (vidéo)