Les illusions du FMI sur la taxation du minage

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Dans un article publié le 15 août dernier sur le blog du Fonds Monétaire International, Shafik Hebous et Nate Vernon-Lin appellent candidement à la création d’une taxe mondiale sur le minage de bitcoin. À travers cette taxe, le FMI espère inciter les mineurs à adopter des pratiques plus durables tout en générant des recettes fiscales supplémentaires pour les États.

« Le système fiscal est un moyen d’inciter les entreprises à réduire leurs émissions. Selon les estimations du FMI, une taxe directe de 0,047 $ par kilowattheure inciterait l’industrie du minage de cryptomonnaies à réduire ses émissions conformément aux objectifs mondiaux. Si l’on tient également compte de l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé locale, ce taux passerait à 0,089 $, ce qui se traduirait par une augmentation de 85 % du prix moyen de l’électricité pour les mineurs. Une telle taxe augmenterait les recettes publiques annuelles de 5,2 milliards de dollars à l’échelle mondiale et réduirait les émissions annuelles de 100 millions de tonnes (environ les émissions actuelles de la Belgique) […]. »

Le FMI a-t-il tant de pouvoir qu’il serait capable d’imposer une taxe sur une activité qui peut s’exercer partout et à n’importe quelle échelle ? Qui peut croire à la mise en œuvre effective d’une taxe universelle ? Les mineurs peuvent facilement se déplacer vers des juridictions plus favorables. Parce qu’évidemment, si la taxe touche uniquement à ceux qui suivent les préconisations du FMI, la seule conséquence sera le développement du minage dans des zones plus propices.

« Aujourd’hui, la situation est inversée : de nombreux centres de données et mineurs de cryptomonnaies bénéficient d’exonérations fiscales généreuses et d’incitations sur les revenus, la consommation et la propriété. Compte tenu des dommages environnementaux, du manque d’emplois significatifs et des pressions exercées sur le réseau électrique (qui pourraient entraîner une augmentation des prix pour les ménages et une réduction de la demande d’autres biens à faibles émissions, comme les véhicules électriques), les avantages nets de ces régimes fiscaux spéciaux sont pour le moins incertains […]. »

Et parfois ces avantages profitent à l’ensemble des utilisateurs. Quand le minage donne un débouché aux énergies fatales, cela baisse les coûts pour tout le monde. Ce type de synergie entre le minage de BTC et les énergies renouvelables peut être un atout pour la transition énergétique, en aidant à stabiliser les réseaux électriques tout en absorbant les surplus.

Pour les décideurs politiques, une tarification du carbone coordonnée entre les pays serait le meilleur moyen de réduire les émissions, car elle encouragerait une consommation réduite de combustibles fossiles, des sources d’énergie plus propres et une meilleure efficacité énergétique. Pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés, les pays devraient introduire des mesures supplémentaires équivalant à une tarification du carbone augmentant à 85 dollars la tonne d’ici 2030.« 

Si le FMI a réellement un tel pouvoir incitatif, pourquoi en effet ne pas s’attaquer directement au cœur du problème et créer une taxe mondiale sur les énergies carbonées ? Une telle approche serait plus cohérente et sans aucun doute plus efficace, car elle ciblerait directement les sources d’émissions les plus polluantes, plutôt que de se concentrer uniquement sur un secteur spécifique, potentiellement vertueux, comme le minage de bitcoins. Et puis, tant qu’à faire, ce FMI omnipotent pourrait aussi interdire les guerres, les famines et les épidémies.

« En l’absence d’un prix mondial du carbone, des mesures ciblées pourraient encourager les mineurs de cryptomonnaies et les centres de données à utiliser des équipements plus économes en énergie et pourraient même motiver l’adoption d’un minage de cryptomonnaies moins énergivore. Compléter les taxes sur l’électricité par des crédits pour les émissions nulles, des accords bilatéraux d’achat d’électricité et éventuellement des certificats d’énergie renouvelable serait également utile. »

Bien sûr, une taxe universelle diminuerait la consommation électrique du réseau Bitcoin, mais :
1. Cette taxe universelle est totalement inapplicable dans le monde dans lequel nous vivons. Les divergences entre les politiques énergétiques nationales rendent hautement improbable l’adoption d’une telle mesure à l’échelle mondiale.
2. Le meilleur moyen pour les États d’agir efficacement sur cette activité ne serait-il pas, au contraire, d’inciter les compagnies d’électricité à utiliser le minage sur énergie fatale pour diminuer la rentabilité du minage exploitant des énergies carbonées ? En effet, cette approche permettrait de valoriser des ressources énergétiques perdues tout en réduisant les incitations économiques à recourir au charbon, au pétrole ou au gaz*.

« La coordination transfrontalière reste également importante, car des mesures plus strictes dans un endroit donné pourraient encourager la délocalisation vers des juridictions ayant des normes moins strictes. »

Une taxe universelle sur le minage n’a donc aucun intérêt. CQFD.

Source : imf.org


* A l’exception du gaz de torchère, qui est moins dommageable lorsqu’il est exploité.