Laure de La Raudière : il faut reconnaitre le bitcoin comme un actif traditionnel

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Extrait d’une interview de Laure de La Raudière, co-rapporteur de la mission d’information blockchain à l’Assemblée nationale, publiée hier dans le Journal du Net :

JDN : Quels sont les objectifs de cette mission d’information sur la blockchain ?

LDLR : Le premier objectif est de comprendre […]. Le deuxième objectif consiste à faire de la pédagogie auprès de nos collègues députés pour éviter des réflexes de peur, de conservatisme… En bref, des attitudes qui pourraient handicaper la France dans le développement de nouveaux modèles économiques. Le troisième objectif est d’identifier dans nos textes de lois ce qui pourrait être un frein au développement de la blockchain, voir si la technologie peut être utile dans tel ou tel cadre et proposer ensuite des modifications de textes.

JDN : Avez-vous déjà identifié des secteurs sur lesquels il faudra se pencher ?

LDLR : La finance évidemment mais aussi l’e-santé, la logistique, l’agroalimentaire, l’énergie, les professions juridiques et l’éducation. Par exemple, la blockchain pourrait permettre de certifier un diplôme ou d’assurer une plus grande transparence et traçabilité dans des filières agro-alimentaires. Il faut aussi regarder les domaines dans lesquels les usages de la blockchain sont liés à des échanges financiers avec des crypto-actifs. Nous devons réussir à bâtir un cadre de reconnaissance des crypto-actifs dans notre législation, en particulier dans notre comptabilité, mais aussi auprès des banques. Et faire en sorte que les crypto-actifs soient considérés comme des actifs traditionnels au vu de la fiscalité. C’est essentiel pour le développement de futurs services adossés à la blockchain et s’appuyant sur des échanges de crypto-actifs.

JDN : Pourquoi réfléchissez-vous à un cadre législatif sur les crypto-actifs alors qu’il y a une mission d’information dédiée à ce sujet ?

LDLR : Tous les acteurs que nous auditionnons nous parlent des crypto-actifs, y compris les institutionnels, car le sujet est intimement lié aux usages de la blockchain. Nous ferons donc aussi des propositions en la matière. Le rapporteur de la mission d’information sur les crypto-actifs, Pierre Person, va faire un état des lieux exhaustif de la situation en France sur les ICO et les crypto-actifs. Il est aussi membre de notre mission, on échange étroitement. Je pense que sur ces points précis, nos propositions convergeront.

JDN : Vous considérez donc que la blockchain et les crypto-actifs sont indissociables ?

LDLR : Oui, en tout cas pour les usages sur les blockchains publiques. C’est ce qu’on appelle la tokenisation de l’économie. Quand vous lancez une ICO, vous générez des crypto-actifs et des échanges de crypto-actifs. Le développement de votre crypto-monnaie est lié au service que vous offrez. C’est assez compliqué à comprendre, que ce soit pour un élu ou pour un citoyen. En revanche, c’est profondément révolutionnaire puisque le service que vous rendez intègre sa propre monnaie dans les échanges. Cela facilite les flux. Vous n’avez pas à passer par l’API d’une banque, vous évitez aussi les coûts de transaction.

JDN : Quelles sont les problématiques auxquelles doivent faire face les start-up du secteur ?

LDLR : Aujourd’hui, une start-up qui propose des services de crypto-actifs au grand public n’arrive pas à trouver de banque. La Maison du Bitcoin, qui a une plateforme d’achat-vente de crypto-monnaies et un lieu totem à Paris, est cliente d’une banque allemande car aucune banque française n’acceptait de la financer. D’ailleurs, elle n’est même pas sûre que la banque allemande accepterait de la financer si elle démarrait son activité aujourd’hui… C’est aussi pour cette raison que de nombreuses start-up passent par des ICO. Les start-up ont aussi besoin de reconnaissance juridique. Cela passe par la reconnaissance du bitcoin comme un actif traditionnel, qu’il soit enregistré dans la comptabilité des entreprises. Il serait aussi souhaitable que l’Autorité des marchés financiers (AMF) délivre un label qui prouve qu’elles font correctement leur travail, afin d’informer le consommateur et d’éviter les escroqueries. Cela permettrait également d’obliger les start-up à vérifier le KYC (know your customer, processus de vérification d’identité d’un client, ndlr) des détenteurs de bitcoin pour éviter l’amalgame « bitcoin égal blanchiment d’argent ». Par ailleurs, ces start-up ne veulent pas de réglementations contraignantes, elles ont peur d’être étouffées et de ne plus pouvoir exister.

 

> Lire l’interview dans son intégralité : journaldunet.com