La Commission des finances de l’Assemblée nationale adopte une série d’amendements sur la fiscalité des actifs numériques

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La Commission des finances de l’Assemblée nationale a adopté mardi et mercredi plusieurs amendements sur la fiscalité des bénéfices issus de la vente d’actifs numériques. Ces amendements seront débattus dans l’hémicycle dans le cadre de la Loi de finances 2022.

En résumé :

1. Les amendements I-CF272, I-CF883 et I-CF920 (adoptés) proposent que les bénéfices issus des opérations sur actifs numériques soient considérés comme provenant d’une profession non commerciale ou assimilés aux bénéfices non commerciaux.

2. L’amendement I-CF274 (adopté) propose de permettre aux contribuables à faible revenus d’opter pour une imposition au barème progressif dans le cadre de gains réalisés sur actifs numériques, si c’est leur intérêt.

3. L’amendement I-CF879 (adopté) définit les « non-fungible tokens » [1] et propose que les plus-values de cession de NFT ne soient pas imposées selon le régime général des plus-values de cession d’actifs numériques mais « en fonction de leur actif sous-jacent ».

4. La commission a rejeté l’amendement I-CF882 qui proposait de permettre le report des moins-values jusqu’à la dixième année suivant la cession, comme c’est déjà le cas pour les moins-values de cession de valeurs mobilières, de droits sociaux et titres assimilés.

5. L’amendement I-CF878, qui proposait un abattement de 3 000 € sur les plus-values dans le cas d’un paiement en échange d’un bien ou d’un service, a été retiré.


Extrait de l’amendement N°I-CF272 (adopté)

« Les termes de l’article 150 VH bis du CGI conduisent à distinguer les revenus tirés d’une activité professionnelle de ceux d’une activité non-professionnelle, tirés de la vente par un particulier.

Le texte ne prévoit aucun critère permettant de qualifier une activité (comme professionnelle ou non-professionnelle). Le BOFIP met en avant le critère « habituel » et « occasionnel », ce qui n’est pas conforme au texte de l’article 150 VH bis, ni à la jurisprudence du Conseil d’État. Il est de plus sujet à une appréciation très subjective propice à l’incertitude et aux contentieux.

Cet état de la législation n’est pas satisfaisant et conduit de nombreuses personnes à s’expatrier pour échapper à l’incertitude.

L’article 92 du Code général des impôts dispose que les produits des opérations de bourse effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux.

Or, l’exercice d’opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques étant une activité similaire à celle des opérations de bourse, il semble opportun de la soumettre au même régime d’imposition.

Le présent amendement propose donc, dans un souci de cohérence, que les bénéfices issus des opérations sur actifs numériques soient considérés comme provenant d’une profession non commerciale ou assimilés aux bénéfices non commerciaux. »


Extrait de l’amendement N°I-CF274 (adopté)

« Un impôt forfaitaire de 12,8% a été introduit au sein de la loi de finances pour 2019 afin d’assujettir les plus-values issues de la cession d’actifs numériques. Toutefois, un retour d’expérience permet de constater que les plus modestes sont pénalisés par ce taux d’imposition. Dans de nombreux cas en effet, le barème progressif de l’impôt sur le revenu semble mieux adapté aux contribuables.

Il est à noter que les plus-values réalisées de la cession de valeurs mobilières – dont le taux d’imposition a inspiré la fiscalité des gains en actifs numériques – sont imposables sur option au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Le présent amendement suggère donc d’appliquer la même règle pour les actifs numériques et d’ouvrir la possibilité pour les contribuables qui y ont un intérêt, d’opter pour une imposition au barème progressif dans le cadre de gains réalisés sur actifs numériques. »


Extrait de l’amendement N°I-CF879 (adopté)

« Le présent amendement vise à éclaircir le régime fiscal d’un type particulier de crypto-actifs : les jetons non-fongibles (ou « non-fungible tokens », abrégé NFT). 

Les jetons non-fongibles représentent aujourd’hui la nouvelle mutation de la propriété dans un paysage de plus en plus numérique. Contrairement aux actifs numériques plus classiques, ces derniers ont la particularité de ne pas être fongibles entre eux et sont, à ce titre, la parfaite représentation numérique d’un titre de propriété privée.

Les jetons non-fongibles ont d’abord fait leur apparition dans le milieu de l’art numérique, permettant de monnayer les droits de l’auteur sur son œuvre, bien plus facilement que par des moyens traditionnels, et de les faire transiter entre différents acquéreurs. C’est un nouvel outil qui s’offre aux artistes de toutes catégories (musique, arts plastiques, etc …).

Plus encore, les jetons non-fongibles représentant un titre de propriété privée numérique fiable et inviolable, de nombreux travaux sont aujourd’hui engagés pour les faire porter sur des droits divers tels que des titres de propriété immobilière ou encore des droits de prestations sociales.

Par ailleurs, les jetons non-fongibles sont à la base de la société Sorare, société française qui a réalisé la plus importante levée de fonds de l’histoire de la Tech française.

Or, le traitement fiscal des jetons non-fongibles est aujourd’hui incertain. Dans le cas où un jeton non-fongible est fiscalisé de la même manière qu’un actif numérique fongible, cela pose la difficulté de la valorisation dudit jeton et de son impact disproportionné dans les calculs des plus-values de cession des autres actifs numériques fongibles.

Cette incertitude fiscale rend très difficile leur détention et, par la même, l’adoption de cette nouvelle forme de crypto-actifs. La France prendrait alors un retard considérable dans cette course à la numérisation de l’économie, avec les conséquences que cela entraîne.

Aussi, le présent amendement vise à imaginer ce que serait la définition légale des jetons non-fongibles et à exclure expressément ces derniers du régime général des plus-values de cession d’actifs numériques en créant un régime ad hoc aux jetons non-fongibles.

Ce régime pourrait ainsi prévoir une imposition des jetons non-fongibles en fonction de leur actif sous-jacent. »

Sources : AMENDEMENT N°I-CF883 (adopté) – AMENDEMENT N°I-CF879 (adopté) – AMENDEMENT N°I-CF274 (adopté) – AMENDEMENT N°I-CF272 (adopté) – AMENDEMENT N°I-CF920 (adopté) – AMENDEMENT N°I-CF882 (rejeté) – AMENDEMENT N°I-CF878 (retiré)


[1] « Un jeton non-fongible est considéré, au titre du présent article et à l’exclusion des jetons considérés comme des actifs numériques au sens de l’article L. 54‑10‑1 du code monétaire et financier, comme tout bien incorporel et non fongible représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. »