La communauté Bitcoin

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« Le bitcoin répond très exactement à la définition institutionnaliste […], à savoir une unité de compte élue par un collectif. Comme le soulignent divers observateurs, “Bitcoin est avant tout, de par sa nature, une expérience communautaire”. Son pouvoir d’acheter repose intégralement sur la confiance que lui porte le collectif. C’est à cause de cette confiance, et seulement à cause d’elle, que les membres du collectif sont prêts à céder leurs marchandises contre ce qui n’est pourtant qu’un pur signe dénué de toute valeur.

Pour cette raison, le bitcoin, à la suite de bien d’autres monnaies, dément des siècles de théorie économique qui ont considéré que toute monnaie véritable doit avoir une valeur intrinsèque et réelle à la manière des monnaies métalliques […].

Cependant, la puissance d’une monnaie se mesure fondamentalement à l’intensité des relations de production et d’échange qu’elle autorise. Or, sur ce point essentiel, le bitcoin n’a pas fait ses preuves […]. La faible utilisation marchande du bitcoin se comprend aisément par le fait qu’à l’heure actuelle, toutes les transactions que vous pourriez faire en bitcoins peuvent être faites, et bien plus aisément, avec votre monnaie nationale. En effet, les avantages qui sont prêtés au bitcoin – monnaie sans autorité centrale, monnaie sans banque, monnaie conçue pour Internet, protection des droits individuels, monnaie libre de toute influence politique, transparence, monnaie plus sûre, monnaie non répudiable, monnaie quasi instantanée, monnaie universelle – n’ont guère de poids dans la situation actuelle. Ils pourraient devenir importants si survenait une sérieuse crise monétaire de type chypriote ou bien si le commerce via Internet connaissait un saut qualitatif rendant possibles et souhaitables des paiements directs entre machines. Néanmoins, dans la situation actuelle, l’incitation économique à utiliser des bitcoins pour acheter sa baguette ou sa voiture est inexistante, ce que montre clairement le très faible usage marchand du bitcoin.

En conséquence, on comprend qu’aujourd’hui, le bitcoin soit presque exclusivement un actif spéculatif. Il fait surtout parler de lui au travers des variations phénoménales que connaît son cours sur les plateformes d’échange. Par exemple, au moment où j’écris, en mai 2019, il vaut 7 800 dollars, soit une hausse de 23 % par rapport à la semaine précédente où il valait 6 300 dollars. De même, il vaut, début janvier 2017, 1 000 dollars pour atteindre 19 500 dollars en décembre, son maximum, puis il redescend à 3 600 dollars en décembre 2018. De telles montagnes russes ne s’observent pas fréquemment sur les marchés financiers. Elles sont le signe d’une incertitude hors norme. Le marché ne réussit pas à faire émerger une représentation stabilisée de sa valeur. »

Article d’André Orléan à lire dans son intégralité sur esprit.presse.fr