La Blockchain pour ne pas parler d’une révolution monétaire

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Les banques centrales chinoise, américaine et européenne annoncent vouloir de la Blockchain [1], « technologie sous-jacente » à Bitcoin. Mais le terme « Blockchain » est souvent utilisé comme écran de fumée par les banques pour ne pas parler du mécanisme de création monétaire. Celui-ci est un élément essentiel de la stratégie anti-fragile du protocole Bitcoin. Aussi, le terme « Blockchain » est souvent repris par les entreprises, frileuses de parler ouvertement des avantages de la plus célèbre des monnaies décentralisées, afin de ne pas s’attirer les foudres politiques ou tout simplement ne pas être mal vues par leur banquier. Ayant été moi-même entrepreneur, je comprends tout à fait ce mécanisme d’auto-préservation qu’est l’instinct de survie d’une entreprise.

Bitcoin est un protocole informatique sécurisé de pair à pair, résiliant et résistant à la censure. C’est aussi une monnaie. Pourquoi une si forte aversion d’un grand nombre de banques envers Bitcoin ? Ce protocole et système d’émissions et de gestion monétaire repose sur un modèle économique en concurrence directe avec le modèle actuellement en vigueur dans toutes les banques centrales. Mais cette nouvelle façon de concevoir la gestion de l’outil monétaire, expurgé du pouvoir de censure et de manipulation des volumes de création, ne serait-elle pas plus adaptée à une économie nécessaire à notre époque, une économie de transition écologique et apolitique ? Les arguments avancés par les institutions bancaires me semblent bien minces voire fallacieux, à la limite de la calomnie. J’en arrive à me demander si elles ne sont tout simplement pas effrayées par ce qui se passe, au point de discréditer ce système monétaire décentralisé.

Ces vraies questions mériteraient des réponses approfondies. Mais M. Christian PFISTER (Direction générale de la Stabilité financière et des Opérations, Banque de France) les balayerait d’un revers de main, en nous expliquant que Bitcoin c’est pour [2]:

« la spéculation », alors qu’il est bien connu que les marchés financiers ne spéculent pas avec des monnaies comme l’Euro ou le Dollar,

« les envois de fonds à l’étranger, mais la volatilité de Bitcoin limite l’intérêt de cet usage », alors que, quand je paye 2,04€ de frais à ma banque pour un règlement CB de 42,92 $ ou quand Western Union prend 20% de commission pour envoyer du cash à l’étranger, Bitcoin ne perd pas 20% entre le moment où vous envoyez les fonds et le moment où la personne les reçoit, soit environ 10 à 20 minutes sur la blockchain Bitcoin et instantanément par le réseau Lightning,

« les paiements sous pseudonyme finançant les transactions illicites », alors que tous les utilisateurs de Bitcoin avec quelques connaissances du fonctionnement savent qu’il vaut mieux utiliser des dollars ou des euros pour des activités criminelles à cause de la traçabilité des bitcoins [3] et que la grande majorité des fonds liés à la criminalité est constituée de monnaies fiduciaires.

En résumé, pour M. PFISTER, Bitcoin est une « pseudo-monnaie » qui, je cite : « ne remplit pas, ou très imparfaitement, les trois fonctions dévolues à la monnaie (Banque de France, 2018) » :
– « Ce n’est ni une unité de compte (il ne sert pas ou très peu à libeller le prix de biens ou de services, en particulier pas ceux du travail ou du capital), […] ».
Cet homme est pourtant bien placé pour savoir que la monnaie qui a cours légal est l’Euro et qu’il ne tient qu’à une décision politique de changer cela comme au Japon [4],
« […] ni un instrument de transaction (très peu d’achats de biens et services sont réglés en bitcoins) ». Ce n’est pas évident de régler des biens et services en bitcoin quand la banque bloque vos virements vers des plateformes d’échange de cryptomonnaies ou vous donne deux semaines pour clôturer votre compte bancaire après un virement vers une de ces plateformes.[5]
« […] ni une réserve de valeur (son cours contre les monnaies légales, donc sa valeur en fait de biens et services, est bien trop volatil pour cela) », et pourtant en cas de crise, comme à Chypre en 2013 [6] ou en ce moment, les gens utilisent Bitcoin comme réserve de valeur [6].

Nous avons tendance à croire que nos sociétés modernes sont tellement avancées économiquement et technologiquement que plus rien ne peut nous atteindre et nous perturber profondément.

La crise sanitaire du Covid-19 nous rappelle avec force notre impuissance et nos moyens limités par des événements naturels et cycliques vieux comme le monde.

La crise économique et sociale que l’on voit venir va certainement remettre en cause des croyances établies comme le fameux « Too big to fail ».

La plupart des élèves français étudient la philosophie une année seulement. Certains trouvent cela insuffisant pour inciter ces futurs adultes et citoyens à réfléchir sur la condition humaine, à remettre en cause les idées reçues ou systèmes établis. Alors que dire de l’économie ! A moins de suivre un cursus spécialisé, aucun cours d’économie n’est enseigné à nos élèves. Je me rappelle bien qu’une de mes professeurs de collège (il me semble d’éducation civique) nous avait dit que l’argent n’était plus basé uniquement sur les réserves d’or mais rien de plus, une petite phrase perdue dans un cours. Pourtant, avec la philosophie, ce sont des sujets extrêmement importants pour notre maturité et notre indépendance intellectuelle. Pourquoi un tel désert éducatif ? Peut-être pour politiser le moins possible les cours car oui, la monnaie est intrinsèquement liée à la politique économique et monétaire.

Dans mon enfance, on me disait « l’argent ne pousse pas dans les arbres » ou « l’argent ne tombe pas du ciel » et pourtant on en est si proche. Si l’on m’avait dit que l’argent était créé lors d’un pari sur la capacité de remboursement d’un prêt, j’aurais surement eu plus confiance en un concept d’arbre qui produit de l’argent plutôt qu’en des « joueurs » professionnels, parfois « joueurs compulsifs ». La maxime devrait plutôt être « l’argent est difficile à gagner quand on n’est pas banquier ». Nous avons tous la tête dans la guillotine, avec comme couperet la dette d’Etat qui, un jour, devra faire l’objet d’une vraie prise de décision : annuler ou payer (bien que certains disent qu’elle ne peut pas être payée). Dans les deux cas, ça fera mal !

J’entends souvent dire que le coût de la vie augmente, d’année en année, et que cela serait la faute des politiciens qui ne sauraient pas prendre les bonnes décisions pour le pays. Mais le fonctionnement de nos économies est basé dessus, basé sur la création d’argent en continu et en augmentation pour maintenir son fonctionnement. Sans un changement radical de la politique monétaire, la stabilité avenir de nos économies semble plutôt sombre.

Depuis 2013, lorsque je demande à des personnes si elles savent comment la monnaie est créée, les réponses sont parfois surprenantes mais les plus courantes sont : « non », « la planche à billet » ou encore « on comptabilise les stocks d’or et le PIB du ou des pays concernés pour imprimer des billets ».

Ce n’est pourtant pas un secret. Je ne leur jette pas la pierre car moi-même, je ne le savais pas avant de m’intéresser aux crypto-monnaies. C’est pourtant une question essentielle dont la réponse va influer directement sur nos porte-monnaie et déterminera nos libertés d’action.

Les dettes d’Etats, d’entreprises et de particuliers engendrent une création monétaire à partir de la seule promesse de remboursement.

L’époque des 30 glorieuses, synonyme de forte croissance industrielle facilitée par un accès à l’énergie à bas coût, est passée. Nous entrons dans une période de transition énergétique, de révolution verte ; or nos modèles économiques sont adaptés à des périodes de croissance par la consommation sans se soucier des effets de bord.

Maintenant, c’est aux enfants de dire à leurs pères que « l’argent ne pousse pas dans les arbres », c’est maintenant aux nouvelles générations de payer pour la croissance économique de leurs parents en plus de leur propre avenir.

Ne serait-il pas temps de revenir à des monnaies basées sur une valeur tangible et non sur des promesses voire des mensonges ? Aujourd’hui, beaucoup militent pour le développement des monnaies complémentaires, pour une économie plus écologique, soutenable et durable dans une optique d’économie libre.

La monnaie a pris de nombreuses formes dans l’Histoire. Aujourd’hui, Bitcoin apporte une solution technique à ce genre d’économie. Bitcoin permet de transformer de l’énergie électrique produite mais non consommée [7] en monnaie échangeable en toute sécurité et décentralisée, rendant la censure extrêmement difficile voire impossible.

Cette monnaie sera ou ne sera peut-être pas la monnaie du futur, mais elle a le mérite de faire réfléchir des personnes de tous horizons sur nos politiques monétaires et jusqu’à présent, elle tient ses promesses malgré les attaques de tout type et de tout bord.

Sources :

[1] https://journalducoin.com/blockchain/actualites-blockchain/la-banque-de-france-pousse-la-tokenisation-au-niveau-des-instances-europeennes/
www.ecb.europa.eu/press/key/date/2019/html/ecb.sp191126~5230672c11.en.html
https://cryptonaute.fr/christine-lagarde-bce-crypto-monnaies-privees/
https://investir.lesechos.fr/marches/bitcoin-cryptomonnaies/la-chine-teste-son-crypto-yuan-1904696.php

[2] https://publications.banque-france.fr/monnaies-digitales-du-mythe-aux-projets-innovants

[3] https://journalducoin.com/actualites/financer-terrorisme-bitcoin-tres-mauvaise-idee-al-quaida-etat-islamique-hamas-pieges-usa/

[4] www.lepoint.fr/economie/le-marche-du-bitcoin-fait-fureur-au-japon-05-01-2018-2184166_28.php
https://bitcoin.fr/un-statut-legal-pour-bitcoin-au-japon/

[5] https://bitcoin.fr/bitcoin-et-les-banques-classement-daout-2020/

[6] www.france24.com/fr/20130402-bitcoin-monnaie-alternatif-chypre-crise-confiance-banque-taxe-economie-europe-change
www.capital.fr/entreprises-marches/bitcoin-une-nouvelle-valeur-refuge-dans-les-pas-de-lor-1359345
https://journalducoin.com/bitcoin/actualites-bitcoin/bitcoin-contre-la-finance-analyse-intermarche-cac40-or-nasdaq/

[7] Univers Bitcoin Podcast #13 : Minage et écologie, incompatible ? Avec Sébastien Gouspillou : https://www.youtube.com/watch?v=HaiD4BJ1B5M


A propos de l’auteur

Edwige Morency, architecte systèmes et réseaux, est spécialisé dans les blockchains et les cryptomonnaies.

https://www.linkedin.com/in/edwige-morency-76842217