Un lecteur de bitcoin.fr possédant des litecoins et souhaitant les vendre, a adressé en septembre dernier une demande de rescrit fiscal à la Direction Départementale des Finances Publique de la Loire afin de connaitre son taux d’imposition. Résultat : dans sa situation particulière et si la doctrine fiscale ne change pas, il pourrait bien avoir à payer au final plus de 50% d’impôts sur la plus-value réalisée : 45% d’impôt sur les revenus supérieurs à 153 783 €, et 15,5% de prélèvement sociaux. [Texte modifié le 29.12 sur les conseils d’Alexis Toulet]
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Pour la part d’impôt sur le revenu il faudra bien sûr choisir le barème qui correspond à la situation de chacun (45% sur les revenus supérieurs à 153 783 € dans le cas de ce contribuable s’il décide au final d’effectuer cette vente plutôt que de l’étaler sur plusieurs années) :
– Jusqu’à 9 807 € : 0% – De 9 807 à 27 086 € : 14% – De 27 086 à 72 617 € : 30% – De 72 617 à 153 783 € : 41% – Au-delà de 153 783 € : 45% |
Nous avons retranscrit ci-dessous la réponse de l’administration :
Objet : Votre demande de rescrit concernant l’imposition des « litecoins ».
Monsieur,
Par un courrier électronique reçu le 19 septembre 2017, vous avez saisi la Direction départementale des Finances publiques de la Loire d’une demande de rescrit formulée au titre de l’article L 80 N 1° du livre des procédures fiscale [LPF), concernant le régime d’imposition des litecoins.
1. Vous m’avez communiqué les éléments suivants à l’appui de votre demande.
Vous exercez l’activité de […]. En 2013, vous avez acquis des unités de compte de monnaies virtuelles : litecoin, semblables aux bitcoins. Vous souhaitez aujourd’hui les revendre.
2. Votre demande :
Vous souhaitez avoir une réponse de l’administration fiscale afin de connaître les modalités de déclaration d’éventuels gains provenant de la revente de litecoins, ainsi que le taux d’imposition de ces gains éventuels. Vous souhaitez également avoir une réponse concernant la distinction entre une activité exercée à titre habituel ou à titre occasionnel.
3. La situation décrite met en jeu les dispositions suivantes :
Tout d’abord, selon les commentaire figurant au BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40-10160203 (§ 1080) :
« Le bitcoin est une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et services sans recourir à une monnaie ayant cours légal. Les bitcoins sont acquis soit gratuitement en contrepartie d’une participation au fonctionnement du système, soit à titre onéreux sur des plates-formes internet créées afin de permettre l’achat et la vente de bitcoins contre de la monnaie ayant cours légal. L’émission du nombre de bitcoins étant limitée et déterminée, leur acquisition en vue de leur revente procède d’une intention spéculative. Les produits tirés de cette activité, lorsqu’elle est exercée à titre occasionnel, sont des revenus relevant des prévisions de l’article 92 du CGI. Il est précisé que les gains sont imposables, quelle que soit la nature des biens ou valeurs contre lesquels les bitcoins sont échangés (échange des bitcoins contre des euros, mais aussi achats de biens de toute nature réglés par des bitcoins : dans ce cas, le gain doit être déterminé par référence à la valeur en euros du bien acquis. (…)
Si l’activité est exercée à titre habituel, elle relève du régime des bénéfices industriels et commerciaux (cf. précision BOI-BIC-CHAMP-60-50 au XXIX §730 et suivants). Les critères d’exercice habituel ou occasionnel de l’activité résultent de l’examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations d’achat et de revente sont réalisées (les délais séparant les dates d’achat et de revente, le nombre de bitcoins vendus, les conditions de leur acquisition…) ».
La doctrine administrative précise (BOI-BIC-CHAMP-60-50-20140711) que : « l’achat-revente de bitcoins exercé à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont à déclarer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) en application de l’article 34 du CGI. En revanche, les produit tirés de cette activité à titre occasionnel sont des revenus relevant des prévisions de l’article 92 du CGI ».
L’article 92 du CGI est relatif aux bénéfices non commerciaux et dispose que : « sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professiosn libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfice ou de revenus ».
Par ailleurs, selon les précision du BOI-ENR-DMTG-10-10-20-10-20140711, les transmissions à titre gratuit d’unité de compte virtuelles stockées sur un support électronique sont également, en vertu des dispositions de l’article 750 ter du CGI, soumises aux droit de mutation à titre gratuit, sous réserve de l’application des conventions internationales.
De plus, le BOI-PAT-ISF-30-20-10-20140711) précise que les unité de compte stockées sur un support électronique composent le patrimoine du redevable, et entrent donc dans l’assiette de l’impôt de solidarité (ISF) définie par l’article 885 € du CGI. Elles doivent donc figurer dans la déclaration annuelle d’ISF des redevables qui en possèdent.
Le communiqué de presse de Michel Sapin du 11 juilet 2014 relatif à la régulation des monnaies virtuelle résume cela : « Les plus-values seront imposables au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC), selon que l’activité d’achat et de revente est effectuée ou non de façon habituelle. Par ailleurs, les bitcoins et autres monnaies virtuelles faisant partie du patrimoine de leur propriétaire, devront être déclarés au titre de l’ISF. Enfin, la France soutiendra au niveau européen un non-assujettissement de ces monnaies virtuelles à la TVA en raison notamment des risques de fraude liés au caractère remboursable de la TVA sur des actifs immatériels, comme l’a montré l’expérience des quotas carbone ».
4. Au vu des éléments portés à ma connaissance :
Les éventuelles plus-values réalisées sur la cession de litecoin seront imposables dans la catégorie des BIC (bénéfices industriels et commerciaux) ou des BNC (bénéfices non commerciaux), selon le caractère de l’activité d’achat-revente (habituel ou occasionnel) ; les caractère habituel ou occasionnel de l’activité s’appréciant au cas par cas, selon des circonstances de fait.
Concernant votre situation, il ressort des éléments communiqués que vous avez acquis des litecoins en 2013. Vous souhaiteriez les revendre en 2017. Il semblerait donc que cette activité ait un caractère occasionnel. Il en serait autrement si vous veniez à procéder à des opérations d’achat-revente de manière plus régulière.
Concerant le taux d’imposition, lorsque les gains sont occasionnels, ils sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfice non commerciaux (BNC). Autrement dit ces gains s’ajoutent aux autres revenues du contribuable et sont imposé au barème progressif de l’impôt sur le revenu en fonction de sa tranche marginale d’imposition et il est calculé automatiquement en fonctio nde votre revenu.
Par ailleurs, il faut ajouter à l’impôt les contributions sociales. En effet, si le gain est considéré comme imposable au titre des BNC, il sera soumis aux prélèvements sociaux sur revenus du patrimoine au taux actuel de 15,5%. En effet, l’article L.136-3, I-f du Code de la sécurité sociale prévoit l’imposition des revenus imposables à l’impôt sur le revenu et non soumis à cotisations sociales (d’un point de vue déclaratif, le montant imposable devra être reporté en case 5HY du formulaire n°2042-Cpro).
Enfin, je vous rappelle que les unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique entrent dans l’assiette de l’impôt de solidarité (ISF) défini par l’article 885 E du code général des impôts (CGI) et doivent ainsi figurer dans la déclaration annuelle d’ISF des redevables qui en possèdent.
5. J’appelle votre attention sur le fait que cette réponse ne pourra pas être invoqué :
– dès lors que les éléments portés à ma connaissance seraient incomplets ou inexacts ;
– ou en cas de modification ultérieure de la situation présentée dans votre demande ;
– ou en cas de modification de la doctrine ;
– dans le cadre d’une autre situation, même analogue, ou par un autre contribuable non visé dans la demande.
Si vous entendez contester le sens ou la portée de cette réponse, vous disposez d’un délai de deux mois à compter de la réception de ce courrier pour m’informer de votre intention de solliciter un second examen de votre demande initiale dans les conditions prévues à l’article L 80 CB du LPF.
Dans cette hypothèse, je vous saurais gré de me faire savoir si vous souhaitez, vous-même ou par l’intermédiaire de votre conseil, être entendu par le collège compétent pour former un avis sur votre demande de second examen […].
> A lire également sur le sujet : l’étude de cas d’Alexis Toulet