« Faut-il avoir peur du bitcoin ? »

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Jacques Favier, cofondateur du Cercle du Coin et coauteur de Bitcoin, la monnaie acéphale, répond aux questions de Jacques SAYAGH du quotidien Ouest-France

Extraits :

A quoi sert le bitcoin ?
Il revêt deux utilités : technique d’abord. Il permet de fluidifier les paiements. Aujourd’hui, les achats sur internet transitent par plusieurs intervenants : la banque de l’acheteur, celle du vendeur, la Banque de France au milieu, voire la Banque centrale européenne et quelques autres acteurs encore. Si bien qu’un paiement peut prendre plusieurs jours pour transiter d’un compte à l’autre. Avec le bitcoin, on supprime les intermédiaires : on traite de pair à pair. Le paiement est immédiat. [La seconde utilité] est politique. Aujourd’hui, quand vous achetez un lit à deux places avec votre carte bleue, tout internet sait que vous vous êtes mis en couple et on va vous proposer toute une série de produits… Les promoteurs du bitcoin, issus notamment du monde du logiciel libre, veulent éviter cette traçabilité. Sortir d’un système dans lequel le banquier, l’assureur, l’entreprise de marketing savent tout de vous.

Est-ce sécurisé ?
Le programme a été bâti pour éviter les fraudes. Au sein de la communauté bitcoin, 6 000 personnes, groupes ou sociétés sont chargées de valider les transactions. On les appelle les « mineurs ». Pour entériner les échanges, ils doivent faire tourner des algorithmes mathématiques complexes, donc très gourmands en énergie. Le système les indemnise en bitcoins. Pour financer le « coût d’extraction », les mineurs en revendent alors une partie. Ces bitcoins se retrouvent sur des plateformes sur internet, où chacun peut en acheter contre des devises.

Pourquoi Goldman Sachs envisage-t-il de spéculer en bitcoins ?
Le cours du bitcoin est très volatil. Il peut varier de 5 à 10% en une journée, quand une monnaie traditionnelle oscille d’un demi-pourcent. Les traders jouent sur ces écarts. Plus ils sont élevés, plus la perspective de gain est forte. Les banques, qui reprochaient au bitcoin d’être trop spéculatif, disent aujourd’hui, « nous aussi, on veut jouer ».

Le bitcoin dissimule-t-il des activités illégales ?
Toutes les technologies de rupture attirent des gens mal intentionnés. Selon nos estimations,  les activités illégales, le trafic de drogue essentiellement, ont pu peser jusqu’à 20% de l’économie du bitcoin jusqu’en 2013. Il y a eu des affaires retentissantes, comme la fermeture cette année-là par le FBI du site de vente de drogue Silk road, où les paiements se faisaient en bitcoins. Aujourd’hui, le phénomène est bien  plus limité. Des escrocs continuent de s’en servir pour bloquer les ordinateurs et demander une rançon en bitcoins. Mais le butin ne dépasse guère quelques dizaines de bitcoins. Et les gens se font pincer. Le bitcoin n’est pas complètement anonyme. Certes, les intitulés des comptes sont codés. Néanmoins, quand des mouvements suspects sont détectés, il n’est pas impossible de remonter à la source. Parmi les meilleurs connaisseurs du bitcoin en France, on trouve d’ailleurs les membres du Centre de lutte contre la cybercriminalité de la Gendarmerie nationale. C’est un service remarquable, qui emploie des docteurs en informatique. Pour eux, le bitcoin n’a pas de secret.

Source : ouest-france.fr