Ethereum, l’éthique et la morale

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A l’heure où les apprentis sorciers de slock.it remercient la foule comme s’ils avaient gagné un Oscar et se félicitent de la réussite du « hard fork » d’Ethereum, présenté par certains comme le triomphe du droit sur le code ou par d’autres comme une victoire morale de la communauté, il me semble important mettre en garde contre les conclusions simplistes de quelques enthousiastes qui se coiffent, me semble-t-il, un peu trop hâtivement des lauriers de l’éthique et de la morale.

A les croire l’événement du « hard fork«  serait la preuve éclatante de la haute valeur morale de la communauté d’Ethereum, infiniment plus responsable, solidaire et éthique celle de Bitcoin, composée essentiellement d’affreux libertariens égoïstes et mangeurs d’enfants (achetés sur le darknet).

Je pense que cette conclusion est un peu précipitée.

Non, le hard fork d’Ethereum n’a rien à voir avec la morale ou l’éthique, mais bien avec les intérêts particuliers de tous ceux qui ont investi dans TheDAO et jamais, que je sache, cette même communauté n’a manifesté la moindre volonté d’enrayer de la même façon les multiples pyramides de Ponzi qui exploitent d’ores et déjà les propriétés étonnantes et bien réelles d’Ethereum. Je ne suis pas certain, en outre, que cette sainte communauté manifestera le même empressement quand il s’agira d’annuler les premières organisations mafieuses autonomes décentralisées qui ne manqueront pas d’émerger – à moins, bien sûr, que les intérêts de ses membres, en particulier des plus influents, ne soient directement affectés.

Qu’on me comprenne bien, je conçois tout à fait que des individus qui ont parfois risqué et perdu des dizaines milliers d’euros usent de tous les moyens possibles pour récupérer leurs fonds, mais je supporte assez mal qu’on puisse transformer ce coup de force purement égoïste (bien que légitime) en acte de « responsabilité sociale ».

Je précise par ailleurs que j’étais, au final, favorable à ce « hard fork », comme je suis favorable à tout ce qui permettra de distinguer Ethereum de Bitcoin : l’émission non capée des tokens, l’autorité consentie d’un leader qui montre la voie à la communauté, la primauté du consensus sur le code, peut-être un jour le proof-of-stake… autant de choses dont je ne voudrais pas pour Bitcoin [1].

Sur ce, il se fait tard, j’ai faim et tous ces débats m’ont fatigué… Je croque un enfant et je vais me coucher.


 [1] Pas de malice dans ce positionnement, je suis réellement convaincu que toutes ces différences et ces spécialisations contribueront à distinguer des « niches écologiques » bien séparées pour le bénéfice de chacun des deux systèmes. Ne voyez donc pas dans ce billet d’humeur une attaque contre Ethereum que je continue à percevoir comme un formidable laboratoire pour des expériences inédites et fascinantes.