Craig Wright, fin du spectacle

10
446

Dans un message publié aujourd’hui sur son blog, Craig Wright déclare qu’il renonce à publier la preuve qu’il est Satoshi Nakamoto : « Je suis désolé. Je croyais que je pouvais le faire. Je croyais que je pouvais mettre les années d’anonymat et de dissimulation derrière moi. Mais, à mesure que les événements de la semaine se sont déroulés et alors que je me préparais à publier la preuve que j’avais accès aux premières clés, j’ai flanché. Je n’ai pas le courage. Je ne peux pas.

Lorsque les rumeurs ont commencé, mes qualifications et ma personnalité ont été attaqués. Quand toutes les allégations furent réfutées, de nouvelles accusations ont aussitôt commencé. Je sais maintenant que je ne suis pas assez fort pour cela.

Je sais que cette faiblesse va causer de grands dommages à ceux qui m’ont soutenu, et en particulier à Jon Matonis et Gavin Andresen. Je ne peux qu’espérer que leur honneur et leur crédibilité ne seront pas irrémédiablement entachés par mes actions. Ils ne se trompaient pas, mais je sais que le monde ne croira jamais cela maintenant. Je peux seulement dire que je suis désolé.

Et au revoir. » [1]


Extrait d’un article de 01net.com

Ce message met fin à plusieurs jours d’intense polémique. Lundi 2 mai, plusieurs médias influents, dont la BBC et The Economist, publient des interviews de Wright, et annoncent que  le créateur de Bitcoin a enfin décidé de sortir de l’ombre.

Craig Wright montre aux journalistes qu’il est en mesure de « signer » un message avec une clé cryptographique qui ne pouvait, selon lui, n’appartenir qu’à Satoshi. Et en fait aussi la démonstration à deux acteurs éminemment respectés du monde Bitcoin, Gavin Andresen et Jon Matonis, qui s’empressent de valider la nouvelle : oui, Wright est bel et bien Satoshi !

C’était sans compter sur les fins limiers du web. Car très vite, de nombreux experts contestent la démonstration effectuée par Wright. Ils montrent, tutoriels à l’appui, que l’australien n’a rien prouvé du tout : il a en fait réalisé un brillant tour de passe-passe en mesure de faire croire à des non-experts en cryptographie qu’il était bien Nakamoto.

Le 3 mai, devant les critiques grandissantes, Wright promet alors sur son blog qu’il va fournir une nouvelle « preuve extraordinaire » en transférant des Bitcoin avec une clé cryptographique que seul Satoshi pouvait détenir. Las ! La suppression de son blog et le message qu’il vient de publier viennent de doucher tous les espoirs de ceux qui y croyaient encore.

Andresen et Matonis, qui lui ont servi de caution, sont restés depuis bien discrets. Le premier a tout de même reconnu qu’il avait fait une erreur en écrivant que Wright était bel et bien Nakamoto avant d’en avoir la preuve formelle. Le second s’est fendu d’un tweet étrange en forme de demi-aveu, dans lequel il explique que Wright n’offrira pas la preuve promise… Mais qu’il n’y aurait jamais non plus « d’autre Satoshi ».


Extrait d’un article de sciencesetavenir.fr

« Craig Wright est un drôle d’entrepreneur. En délicatesse avec les autorités fiscales australiennes, l’Australian Tax Office (ATO), il a fait l’objet d’une perquisition de la police fédérale début décembre 2015 à deux de ses adresses, à Gordon et à Sydney. L’affaire, sans aucun lien avec le bitcoin, concerne des fonds de recherche et développement (R&D) versés à sa société DeMorgan Ltd en mai 2015. Soit 54 millions de dollars australiens qui devaient être consacrés à un projet ambitieux de calcul à haute performance (HPC). Surtout, ce genre d’allocation donne droit à des réductions d’impôts…

Fin 2014, Craig Wright avait en effet annoncé qu’il se lançait dans la conception de l’un des plus puissants supercalculateurs du monde, et le plus puissant d’Australie, via une filiale de DeMorgan Ltd, Cloudcroft. Il avait pour cela mis en avant un partenariat avec un fabricant de machines, Silicon Graphics Incorporated (SGI), allant jusqu’à publier un courrier à en-tête de ce partenaire où il était question d’une précédente collaboration sur un autre superordinateur.

Or, comme le raconte ZDnet, SGI a publiquement démenti début décembre 2015 avoir eu, à quelque moment que ce soit, le moindre lien commercial et professionnel avec les sociétés de Craig Wright ! Et quand l’ATO a commencé à demander des comptes, l’entrepreneur a été bien en peine de prouver ses investissements en R&D, d’où les perquisitions. Dans le même temps, Forbes racontait que le personnage avait passablement enjolivé son rôle de maître de conférences en supercalculateurs à l’université australienne Charles-Sturt (CSU). De son côté, l’établissement a nié l’affirmation de Craig Wright selon laquelle il serait titulaire d’un doctorat en informatique, bien qu’il soit bien diplômé de la CSU.

Et histoire d’en rajouter, l’autoproclamé inventeur du bitcoin est bien connu des milieux judiciaires australiens pour avoir conduit son ancien employeur à la banqueroute suite à une série de dépenses dont il aurait été responsable. En 2003, un accord avait conduit à ce que Craig Wright soit interdit de prendre contact avec des clients de cet employeur pour lancer sa propre société… Ordre qu’il n’a pas respecté. D’où une condamnation en 2004 pour outrage à la cour et vingt-huit jours de prison, convertis en travaux d’intérêt généraux. Sans doute que la communauté bitcoin se serait bien passée d’un tel personnage. »


[1] Texte original :

I’m Sorry,

I believed that I could do this. I believed that I could put the years of anonymity and hiding behind me. But, as the events of this week unfolded and I prepared to publish the proof of access to the earliest keys, I broke. I do not have the courage. I cannot.

When the rumors began, my qualifications and character were attacked. When those allegations were proven false, new allegations have already begun. I know now that I am not strong enough for this.

I know that this weakness will cause great damage to those that have supported me, and particularly to Jon Matonis and Gavin Andresen. I can only hope that their honour and credibility is not irreparably tainted by my actions. They were not deceived, but I know that the world will never believe that now. I can only say I’m sorry.

And goodbye.


Source : drcraigwright.net