Comment vendre légalement des bitcoins en France ?

  Mise à jour du 26 avril 2018 : Le Conseil d’État a décidé le 26 avril 2018 que les produits tirés par des particuliers de la cession de « bitcoins » relèvent désormais de la catégorie des plus-values de biens meubles. Les gains issus du « minage » restent cependant imposables au régime des Bénéfices industriels et commerciaux (BIC), ceux issus d’une activité commerciale sont imposables au régime des Bénéfices industriels et commerciaux (BIC). [En savoir plus]  

Par David Latapie – Source : bitcointalk.org


Voici ce que j’ai compris de la législation de la vente de bitcoins en France. Merci de confirmer et de préciser, ainsi que de m’indiquer les articles intéressants qui pourrait approfondir le sujet. Mes sources sont parfois discutables, j’aimerais pouvoir lister uniquement du solide, comme des textes de loi voir des références d’avocats.

Fiscalité
Au niveau fiscal, la vente de bitcoins s’apprécie de trois manières :
– cas 1 : vous êtes un particulier qui gagne peu
– cas 2 : vous êtes un particulier qui gagne beaucoup
– cas 3 : vous êtes un professionnel (quoi que vous gagniez)

« Peu » et « beaucoup » sont quantifiés pour le fisc. C’est « en moyenne 2 000 € par trimestre ou à concurrence de votre activité principale, selon ce qui est le plus bas. » (source). Autrement dit, c’est 666 €/mois maximum. Attention : c’est une tolérance fiscale, pas une loi ; donc si le fisc veut vous épingler pour 400 € ou moins, il peut le faire.

Dans le cas numéro 1, vous avez juste à déclarer vos revenus à la fin de l’année, dans la case BNC de votre feuille d’impôts sur le revenu (IR). Rappel : on parle bien de votre bénéfice net (ce qui arrive dans votre poche), pas de votre chiffre d’affaire (le montant des transactions). Ainsi, si vous vendez pour 3 000 euros de bitcoins que vous avez acheté à 2 900 euros, vous déclarez 100 euros, pas 3 000 euros. Notez cependant que même un particulier n’a pas le droit d’accepter des paiements de plus de 1 000 euros en espèces (quid de deux transactions à 5 minutes d’intervalle ? D’un paiement en plusieurs fois ? Sans compter le fait de venir à cinq et que chacun achète).

Dans le cas numéro 2, vous avez l’obligation de créer une structure professionnelle (et donc de passer dans le cas numéro 3) pour abriter votre activité ; ne pas le faire serait du travail dissimulé par dissimulation d’activité (articles L-8221-3 et L-8221-4 du code du travail), puni de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. Si vous êtes dans ce cas, je vous conseille de commencer petit, en passant auto-entrepreneur (et si vous voulez « tester à plusieurs », constituez une SEP d’auto-entrepreneurs plutôt qu’une société classique, c’est moins lourd).

Le cas numéro 3 est bien sûr celui qui importe le plus quand on veut être sérieux sur de la vente de bitcoins. En effet, tant que vous gagnez moins de 666 euros par mois, vous faites ce que voulez (du moment que vous payez vos impôts, bien sûr). Au-delà, c’est plus compliqué.

Go Pro
Avant tout, effectuons un bref rappel terminologique sur ce que veut dire « être un professionnel ». Être un professionnel, ça veut dire être soit une entreprise, soit un auto-entrepreneur, soit une autre personne morale. Par exemple, une association de promotion du bitcoin qui en vendrait pour ses frais de fonctionnement est un professionnel (dans le cadre cet article).

Dans tous les cas, vous déclarez vos revenus dans la case BIC (et non BNC, comme pour un particulier) de votre feuille d’impôts (IR), puisque ces revenus proviennent d’une activité professionnelle et non de ce qui est considéré comme une activité occasionnelle (le particulier qui gagne au mieux 666 € par mois en vendant du bitcoin).

Les obligations du professionnel
Un professionnel est tenu à de nombreuses autres obligations. Des obligations fiscales comme la tenue d’une comptabilité, des obligations « commerciale » comme l’émission de factures obéissant à un certain formalisme et des obligations bancaires (les plus compliquées) comme l’agrémentation et le redoutée KYC/AML.

Facturation
Vous devez être capable de fournir une facture à chaque client (la facture peut être électronique). Pour des sommes de moins de 25 € envers un particulier, vous pouvez ne la fournir que sur demande expresse de sa part. Cette facture obéit à un certain formalisme, encore plus grand quand il s’agit d’une entreprise (les particuliers n’ont pas à fournir leur adresse postale).

Ajout : à ma connaissance, un particulier qui vend à un professionnel (du « C2B ») n’est pas obligé de donner une facture (et même, il ne pourrait pas). Le professionnel cependant demandera probablement une « trace écrite » (une pseudo-facture).

Agrément
Si vous souhaitez juste faire de l’achat/vente (exemple : site d’achat par carte bancaire, présence sur localbitcoins), vous n’avez pas besoin d’agrément particulier. En revanche, si vous souhaitez conserver les fonds des clients sur un site (comme une bourse d’échange telle que Paymium le fait avec les euros des clients), il semble qu’il faille être :
– soit agréé établissement de paiement (moins cher)
– soit agréé établissement de monnaie électronique (plus flexible)
– soit d’obtenir un mandat d’agent (on n’est pas agrée, on passe par une structure qui l’est)

La troisième solution est la plus fréquemment employée. Même Paymium, la plus grande place de marché française, n’est que mandataire (son mandant est Lemon Way). Obtenir un mandat d’agent n’est pas facile (mais reste plus accessible que d’obtenir l’agrémentation).

Note : je pense que l’option de séquestre de localbitcoin devrait demander un agrément – mais localbitcoin n’est pas de droit français, à voir si dans leur juridiction, ils sont dans la légalité.

KYC/AML
Derrière ce terme barbare se cachent deux acronymes anglais : Know Your Customer (connaissez votre client) et Anti-Money Laundering (anti-blanchiment d’argent).

Pour ce que j’en ai compris, adhérer à ces deux « politiques » (policies) est obligatoire quand on manipule de l’argent. Bitcoin n’est certes pas juridiquement une monnaie (c’est une « une unité de compte virtuelle qui peut être valorisée et utilisée comme outil spéculatif » (BOFIP), mais quand vous vendez du bitcoin, vous le faites contre de l’argent (si vous vendez, ou plutôt échangez du bitcoin pour du monero, on reste entre cryptos et donc KYC/AML ne s’applique pas – de même si vous vendez/échangez du bitcoin contre de l’or ou du blé, quoique je ne suis pas sûr que les matières premières ne tombent pas elles aussi sous le coup de KYC/AML).

Tant que vous ne stockez pas l’argent des clients, la responsabilité du KYC/AML appartient l’organisme expéditeur : la banque. C’est pour ça que vous n’avez pas à prouver votre identité quand vous payez par carte ou par virement, c’est déjà fait en amont, lorsque vous avez ouvert un compte bancaire (c’est pour ça que Gonzague Grandval met en exergue la différence fondamentale entre le prélèvement par carte bancaire et le push payment en bitcoin ou en espèces)

Le paiement en espèces
Pour simplifier, je vais utiliser les abréviations de B2B (entre professionnels), B2C (un pro vend à un particulier, cas le plus fréquent dans le commerce) et C2C (entre particuliers).

Pièce d’identité
C2C : je n’ai trouvé nulle part d’obligation de demander une pièce d’identité quand vous recevez des espèces.
B2C : pareil
B2B : non applicable

Montant
C2C : illimité, mais obligation de trace écrite (pseudo-facture) à partir de 1 500 € (source discutable)
B2C : 1 000 € par transaction
B2B : 1 000 € par transaction

Voilà où j’en suis rendu de la question de la vente légale de bitcoin.

Donc, pour résumer : tant que vous gagnez au plus 666 €/mois de bitcoin (sur localbitcoin ou ailleurs), vous n’avez pas à vous inquiéter de la légalité (du moment que vous remplissez correctement votre feuille d’impôt). Au-delà, c’est encore jouable tant que vous ne stockez pas l’argent des clients (vous aurez probablement à gérer la problématique des achats frauduleux par PayPal ou carte bleue, le fameux cashback mais ce n’est pas une question de légalité).
Si vous vous mettez à stocker l’argent des clients, ça devient vite compliqué.

Particulier Professionnel
Déclaration des bénéfices BNC BIC
Bénéfices maximum 666 €/mois[1] Illimité[2]
Facturation Facultative[3] Obligatoire[4]
Comptabilité Facultative Obligatoire
Contrôle d’identité (KYC) Non Non[5]
Contrôle des transactions (AML) Non Non[6]
Montant maximum des transactions Illimité en C2C 1 000 € (10 000 € si client étranger)
TVA 20 % Non Selon régime fiscal
Activité Achat/vente Achat/vente et entreposage de fonds (si agrémenté)

 

1. Le montant de 666 €/mois est une simple tolérance fiscale, qui n’a pas de valeur légale. Le montant exact est « environ 2000 € par trimestre, ou autant que votre activité principale, selon ce qui arrive en premier.
2. Même si les bénéfices sont illimités pour un professionnel, un auto-entrepreneur est limité à environ 80 000 euros de chiffre d’affaire annuel, ce qui limite forcément son bénéfice. Mettons 35 000 euros d’achat et par définition autant de vente, calculez le restant pour faire sa marge… 10 000 euros par an, ça ne peut être qu’une activité complémentaire.
3. Trace écrite obligatoire pour les transactions de 1500 €.
4. Le professionnel n’a pas à spontanément présenter une facture pour une transaction de 25 € TTC maximum — cependant, si le client l’exige, il devra lui fournir.
5. Le contrôle d’identité n’est à faire que dans une activité réglementée (entreposage des fonds)
6. Le contrôle des transactions n’est à faire que dans une activité réglementée (entreposage des fonds).