Christine Lagarde : La BCE devrait suivre de près l’évolution des « crypto-actifs »

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Christine Lagarde, candidate au poste de Présidente de la Banque centrale européenne, répondra le 4 septembre aux questions de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen (ECON). En préparation de cette audition l’ECON a publié jeudi un rapport préliminaire dans lequel Christine Largarde répond notamment à une question sur le développement de Bitcoin et des « monnaies virtuelles » en général.

Question : Quels sont les risques pour la stabilité monétaire liés au développement de monnaies virtuelles comme Bitcoin ? Selon vous, quel rôle devrait jouer la BCE dans le traitement des monnaies virtuelles ? Quelle est votre opinion sur les projets de Facebook concernant la nouvelle monnaie numérique Libra ? Que considéreriez-vous comme cadre réglementaire approprié pour les monnaies virtuelles ?

Réponse de Christine Lagarde : Jusqu’à présent, les monnaies virtuelles existantes comme le bitcoin – également appelées crypto-actifs – n’ont eu aucune incidence tangible sur la politique monétaire et la stabilité financière. Cela s’explique par la petite taille des marchés de crypto-actifs par rapport au système financier et par leur faible interconnexion avec l’économie ou avec le secteur financier réglementé. Le total de la capitalisation des actifs cryptographiques dans le monde s’élève actuellement à environ 7% du marché capitalisation des FAANG (Facebook, Apple, Amazon, Netflix et Google), ou 2% du PIB de la zone euro et 3% / 2% de M1 / ​​M3 * respectivement. Cela pourrait changer selon l’évolution du marché et des actifs cryptographiques eux-mêmes. La BCE et les banques centrales en général devrait clairement suivre de près ces évolutions et contribuer aux travaux internationaux en cours sur les réponses politiques à apporter.

Les nouveaux projets de stablecoins, par exemple Libra de Facebook, sont des tentatives privées pour améliorer les services financiers existants qui pourraient apporter des avantages sur l’efficacité paiements transfrontaliers et l’inclusion financière. De tels projets, ou plus précisément leurs technologies sous-jacentes comme la blockchain ou les registres distribués, peuvent faciliter les usages et améliorer l’efficacité et la sécurité, en particulier dans les pays où il n’existe actuellement aucune infrastructure de marché efficace […]. Il convient cependant de garder à l’esprit que leur large utilisation pourrait également présenter des risques pour la politique monétaire, la stabilité financière et la confiance du public dans l’ensemble du système monétaire. J’attends avec impatience le rapport final du Groupe de travail des ministres et des gouverneurs du G7 sur les stablecoins, auquel le FMI, en tant que membre, contribue également. Ils procèdent à une analyse des avantages et des risques des stablecoins en coordination avec le G20, le Conseil de stabilité financière et tous les organismes de normalisation concernés.

En ce qui concerne le cadre réglementaire, il est clair qu’il faut trouver un équilibre : protéger la stabilité financière tout en permettant l’innovation. Les leçons qu’on peut tirer de la règlementation actuelle c’est que si l’activité est intrinsèquement identique et que le risque est le même, alors la réglementation doit être la même. [Il s’agit d’éviter] que l’innovation cherche simplement à contourner la règlementation sans apporter de nouveaux types de services. Lorsqu’on envisage des approches réglementaires sur des initiatives complexes de stablecoin, il est essentiel de regarder au-delà de tel ou tel projet et d’évaluer l’ensemble de ce que certains appellent “l’Écosystème”.

Source : europarl.europa.eu


* M1: Masse monétaire de l’ensemble des pièces et les billets en circulation, et des dépôts en compte-chèques.

M2 : Au premier agrégat M1 s’ajoutent les comptes sur livrets des résidents de la zone euro.

M3 : On obtient M3 en y ajoutant à M2 les OPCVM monétaires (SICAV, FCP) et les instruments du marché monétaire, ainsi que les titres de créance d’une durée maximale égale à deux ans.