Blockchains publiques : l’inquiétude des notaires

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Avec leurs registres publics, universels et irrévocables, Bitcoin et Ethereum pourraient considérablement simplifier le travail des notaires et peut-être diminuer substantiellement le coût de leur médiation. Pas étonnant donc que l’idée de reconnaître comme « actes authentiques » les opérations enregistrées sur de tels livres provoque la colère de la profession. Mais que les notaires se rassurent, il n’en sera rien.

Soucieux de ne pas ouvrir un nouveau front de contestation, le gouvernement, par l’intermédiaire de son garde des Sceaux, a signalé qu’il s’opposera à tout amendement allant dans ce sens, particulièrement celui de Laure de La Raudière qui propose que « Les opérations effectuées au sein d’un système organisé selon un registre décentralisé permanent et infalsifiable de chaine de blocs de transactions » puissent constituer des « actes authentiques ».

Envoyé au front le 6 juin dernier devant un parterre de notaires échaudés par une loi Macron qui tente timidement d’introduire un peu de concurrence dans leur profession, Jean-Jacques Urvoas, nouveau ministre de la Justice, n’a pas hésité un instant à sacrifier les blockchains [1] sur l’autel de la paix publique :

« Parce que l’acte authentique n’est pas qu’une procédure, la blockchain ne pourra pas se substituer à lui. Cette technologie de stockage numérique et de transmission à coût minime n’est qu’une technique et ce n’est pas cela qui fait l’acte authentique. C’est l’intervention du détenteur d’une parcelle d’autorité publique. Et ceux que l’on appelle les mineurs, ouvriers de la blockchain, n’en sont pas pourvus.

J’en profite pour confirmer que dans le cadre du projet de loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, le gouvernement s’opposera à tout amendement qui sacrifierait sur l’autel du numérique toute la puissance publique et par voie de conséquence, les délégations des officiers publics et ministériels. J’ai en effet, observé une volonté d’une parlementaire de l’opposition de “permettre à la France de prendre une avance juridique en ce qui concerne la reconnaissance des effets juridiques de l’utilisation de la blockchain dans les opérations sur instruments financiers et devises”.

Son amendement porte en réalité un bouleversement non contrôlé de notre système de droit, en visant spécifiquement votre profession. » – Extrait du discours de Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice à la séance solennelle d’ouverture du 112ème Congrès des Notaires de France à Nantes le lundi 6 juin 2016.

 

Source : justice.gouv.fr


[1] L’allusion aux mineurs pourrait laisser penser que le ministre vise les blockchains publiques fonctionnant avec un algorithme de consensus en Proof-of-work, autrement dit Bitcoin en premier lieu. L’hypothèse qu’il ignore tout de ces subtilités n’est cependant pas à écarter.