Bitcoin au service des droits humains et des libertés individuelles

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Transcription d’une vidéo réalisée par Alex Gladstein, directeur stratégie de l’organisation à but non lucratif Human Rights Foundation (HRF). Texte traduit par Sébastien Gouspillou, CEO de BigBlock DataCenter.

Bitcoin a conquis certains des milliardaires les plus connus d’Amérique, et les institutions du monde entier le considèrent comme un actif financier sérieux. Mais la hausse du prix du bitcoin n’est qu’un aspect de l’histoire. Qu’ils le sachent ou non, les gens qui achètent du bitcoin renforcent un outil de protection des droits humains. Cette forme encore relativement nouvelle de monnaie électronique est résistante à la censure, aux saisies, elle est sans frontières, sans permission, pseudonyme, programmable et de pair à pair.

Avec bitcoin, les transactions ne passent pas par des banques ou des intermédiaires financiers, elles transitent directement d’une personne à une autre. Le traitement des paiements n’est pas effectué par une société réglementée telle que Visa ou Mastercard, mais par un réseau logiciel mondial décentralisé. Le stockage n’est pas géré par une banque mais par les utilisateurs eux-mêmes. L’émission de Bitcoin n’est pas déterminée par les banquiers centraux. Le créateur de la monnaie, Satoshi Nakamoto, l’a fixée à une limite ultime de 21 millions. Personne ne peut imprimer plus. Les transactions Bitcoin ne peuvent pas être stoppées et vous n’avez pas à renseigner votre nom, votre adresse ou votre numéro de téléphone pour participer. Vous avez juste besoin d’un accès Internet.

Paul Krugman

En 2017, l’économiste Paul Krugman a décrit bitcoin comme « une technologie sophistiquée que personne ne comprend vraiment. Il n’y a pas encore de démonstration qu’il soit réellement utile dans la conduite de transactions économiques. Il n’y a pas d’ancrage pour sa valeur. »

Krugman vit dans un environnement protégé, au sein d’une démocratie libérale avec ses contrepouvoirs constitutionnels. Sa monnaie est globalement dominante et relativement stable. Il est facile pour lui d’ouvrir un compte bancaire, d’utiliser une application mobile pour payer ses factures ou de faire fructifier sa fortune en investissant dans l’immobilier ou les actions. Mais tout le monde n’a pas ce niveau de privilège. Environ 4,2 milliards d’individus vivent sous domination de régimes autoritaires, régimes qui utilisent l’argent comme outil de surveillance et de contrôle d’état. Leur monnaie est souvent dégradée et ils sont, pour la plupart, coupés de ce système international qui profite à Krugman. Pour eux, épargner et effectuer des transactions en dehors de la compétence du gouvernement n’a rien d’un business louche. C’est une façon de préserver ses libertés.

Manifestation à Hong Kong

En Chine, si vous tapez ou prononcez un mauvais mot, le Parti communiste peut suspendre vos services financiers. Cette conséquence dévastatrice crée un effet dissuasif pour les dissidents et les créatifs, qui sont contraints d’utiliser l’économie numérique de plus en plus centralisée du pays. À Hong Kong ou en Russie, les donateurs d’organisations de défense des droits de l’homme peuvent voir leurs comptes bancaires suspendus et des fonds saisis. Au cours des derniers mois en Biélorussie et au Nigéria, des manifestations nationales ont éclaté contre la tyrannie et la corruption. Aux deux endroits, les militants collectant des fonds pour soutenir le mouvement démocratique ont vu leurs comptes bancaires gelés. Il y a quelques jours à peine, lors du dernier coup d’État en Birmanie, l’armée a fermé le système bancaire et les guichets automatiques.

Pour des militants subissant une répression d’Etat, le bitcoin est un moyen de protéger ses avoirs dans le cyberespace, enfermé par cryptage, à l’abri de la dévaluation, dans un réseau qui n’a jamais été piraté. Pour eux, c’est de l’argent et de l’or numériques réunis.

Et à Cuba, au Nigéria, en Chine, au Pakistan, au Venezuela, en Russie, en Turquie, en Argentine, en Palestine, au Zimbabwe et ailleurs, le bitcoin se répand et aide les gens à échapper à la tyrannie et à l’effondrement de la monnaie. Au cours des derniers mois, des militants biélorusses ont utilisé le bitcoin pour défier le régime en envoyant l’équivalent de 3 millions de dollars de cet argent insaisissable directement aux grévistes, qui le convertissent alors localement en roubles sur les marchés en pair à pair, pour nourrir leurs familles alors qu’ils protestent contre la dictature du pays. En octobre, une coalition féministe au Nigéria a collecté l’équivalent de dizaines de milliers de dollars en bitcoins pour acheter des masques à gaz et du matériel de manifestation étant donné que les comptes bancaires des activistes subissaient des fermetures répétées.

Alexei Navalny

En Russie, l’opposant politique Alexei Navalny a levé des millions de bitcoins malgré un contrôle strict du système financier traditionnel par Vladimir Poutine. Poutine peut faire beaucoup de choses, mais il ne peut pas geler un compte Bitcoin. En Iran, en Palestine et à Cuba, les populations subissent des sanctions et autres embargos visant à contrarier leurs dirigeants corrompus. Bitcoin leur donne une bouée de sauvetage en leur permettant de percevoir un revenu ou de recevoir des fonds de l’étranger. Certains Vénézuéliens, après avoir vu la monnaie de leur pays s’évaporer en raison de l’hyperinflation, convertissent leurs ressources en jetons numériques bitcoin, puis s’échappent. Avec leurs économies sécurisées par un mot de passe, stocké sur une clé USB, un téléphone ou même mémorisé, ils peuvent commencer une nouvelle vie dans d’autres pays, profitant d’une technologie dont les réfugiés à travers l’histoire ne pouvaient que rêver.

Les citoyens des démocraties sont également confrontés à des contrôles financiers, à un état d’épuisement et à un état de surveillance en constante expansion. Mais ceux qui ont la chance de vivre dans des sociétés ouvertes peuvent voter, poursuivre en justice, protester et écrire, et cela peut aider à protéger leur liberté financière et leur vie privée. Les milliards de personnes qui vivent sous le joug de gouvernements autoritaires n’ont pas le mêmes options.

Contrairement à la démocratie, le bitcoin est universellement disponible. Vous n’avez pas besoin d’un passeport, d’une carte bancaire ou d’une carte d’électeur pour l’utiliser. Aucun gouvernement ne peut désactiver votre bitcoin s’il est menacé par vos idées. Nous sommes au cœur d’une grande transformation numérique, dans un moment où le cash, l’un des derniers bastions de la vie privée et de la liberté, est en train de disparaître. Les gens comptent de plus en plus sur des applications faciles à surveiller comme Apple Pay et AliPay – et, peut-être bientôt, sur les devises numériques émises par la banque centrale comme principal moyen d’échange. Bitcoin offre une alternative à notre système financier de plus en plus centralisé. Cela donne à tout activiste ou journaliste un moyen de collecter des fonds sans censure, à chacun un moyen d’épargner malgré l’impact corrosif d’une impression d’argent excessive et de téléporter de la valeur sans autorisation.

Bitcoin n’était pas aussi puissant il y a cinq ans, avant d’avoir une liquidité mondiale. Mais aujourd’hui, partout des plateformes d’échange ont fait leur apparition , le volume quotidien des transactions dépasse celui d’Apple ou autres et les marchés pair à pair tels que Paxful et LocalBitcoins se sont étendus, permettant aux utilisateurs de changer des bitcoins en monnaie locale presque partout dans le monde.

Peut-être que vous n’avez pas besoin de Bitcoin. Peut-être que vous ne comprenez pas bitcoin. Peut-être que PayPal, Venmo ou votre compte bancaire vous conviennent parfaitement. Mais ne limitez pas pour autant Bitcoin à un simple véhicule de spéculation financière. Pour des millions de personnes dans le monde, c’est une trappe de secours contre la tyrannie – rien de moins que la monnaie de la liberté.