Au-delà de la blockchain, le bitcoin

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« La maîtrise technologique de “l’infrastructure ouverte” que constitue le réseau Bitcoin est un enjeu majeur pour un développement de l’économie numérique en France. » – Pierre Noizat.

Cofondateur de Paymium, Pierre Noizat est intervenu lors de la réunion du Club Parlementaire de la Nouvelle Révolution Industrielle [1] organisée le 28 juin 2016 autour de la “révolution Blockchain”, ses applications, ses perspectives et ses implications sur la règlementation.


Extrait :

« Le concept de blockchain est généralement corrélé à la présence d’un consortium de banques, désireuses de vous persuader des avantages d’une utilisation en mode propriétaire fermé, présentées comme la garantie d’une meilleure prise en charge du client. Elles vous présenteront a contrario le réseau ouvert comme l’obstacle insurmontable à la sécurisation de certaines activités.

Il y a encore quelques années de cela les banquiers attiraient notre attention sur les dangers de la banque en ligne en matière de sécurisation. La banque en ligne est pourtant devenue une réalité ancrée dans notre société, rendue possible grâce à l’invention de la signature électronique en 1977, qui garantit aujourd’hui la sécurisation de la banque en ligne et du e-commerce.

En 2008, la publication du “white paper” Bitcoin correspond à l’invention de la signature collective, une nouvelle forme de signature qui, à la différence de la signature inventée en 1977, émane d’un groupe informel, c’est à dire un groupe que l’on peut rejoindre ou quitter sans la permission d’un organisateur. Ce mécanisme nouveau de signature collective crée ainsi un réseau ouvert avec une communauté d’utilisateurs qui s’affranchit de la nécessité d’approuver les signataires de cette communauté.

Le réseau bitcoin va donc permettre d’expérimenter cette technologie de manière très intéressante en développant différents services. Nous avons précédemment évoqué la certification des diplômes permise par la blockchain et par cette infrastructure de sécurité ouverte et quasi gratuite (que j’appellerai une infrastructure à haute disponibilité et à bas coûts).

Avant l’avènement du réseau bitcoin, la mise en place d’une infrastructure de sécurité (communément appelée PKI) se révélait particulièrement coûteuse. L’infrastructure de sécurité qu’est la blockchain Bitcoin est donc aujourd’hui utilisée pour réaliser des paiements. L’idée initiale de cette infrastructure était d’ailleurs, je le rappelle, de développer un réseau où les paiements ne pourraient être censurés.

Cette idée de “paiements non-censurés” nous parait quelque peu difficile à appréhender pour nous autres Français évoluant dans un état de droit démocratique. Quelle raison pourrait en effet motiver la censure d’un paiement ? Prenons l’exemple d’un individu qui aurait recours à sa carte bancaire pour s’abonner à un journal d’opposition dans un pays non-démocratique. Ce dernier risquerait de voir son abonnement révélé publiquement et serait alors exposé à des ennuis avec le régime en place. La notion de « réseau de paiement non-censurable » mondial prend alors tout son sens. Elle introduit par ailleurs la possibilité de faire des transferts d’argent internationaux dans des conditions économiques bien plus intéressantes que celles offertes par des sociétés américaines telles que Western Union.

La maîtrise technologique de “l’infrastructure ouverte” que constitue le réseau Bitcoin est un enjeu majeur pour un développement de l’économie numérique en France. Il existe aujourd’hui principalement trois réseaux ouverts (le web, le réseau courrier électronique et le réseau Bitcoin) et il nous incombe de saisir les opportunités offertes par ces derniers. Les Américains et les Chinois se sont déjà emparés de ces réseaux de manière extrêmement déterminée. Les Chinois en minant, puisque la plupart des mineurs sont aujourd’hui en Chine, et les Américains en finançant les start-up bitcoin. Pour vous donner un ordre de grandeur des différences existant entre les Etats-Unis et la France en matière de financement, nous avons levé 1 million de dollars l’année dernière, alors que plusieurs de nos concurrents américains ont réalisé chacun des levées de fonds supérieures à 100 millions.

Cela est assez révélateur de la détermination des Américains à s’emparer de cette technologie. Ces derniers ont bien saisi l’enjeu de la blockchain en matière de transition numérique.

Voici les principaux éléments que je souhaitais partager avec vous ce soir. Il est par ailleurs important de réaliser les avantages, en matière d’indépendance et de coûts, d’une approche fondée sur les logiciels libres (comme Bitcoin) de préférence à une mosaïque de technologies privatisées par de grandes sociétés, le plus souvent américaines. Au 21e siècle, les logiciels vont encore gagner en complexité et prendre du pouvoir : les logiciels libres que nous pouvons contrôler seront sans doute préférables aux logiciels propriétaires qui peuvent prendre le contrôle d’un marché. »  – Pierre Noizat.


[1] Le Club Nouvelle Révolution Industrielle, co-présidé par Olivier FAURE, Député de Seine-et-Marne, et Laure de la RAUDIERE, Députée d’Eure-et-Loir, se présente comme « une plateforme active de rencontre et de dialogue visant à rapprocher les acteurs professionnels de l’industrie, tous secteurs confondus, et les représentants des pouvoirs publics décisionnaires autour des thématiques ayant trait à l’innovation industrielle, l’adaptation de nos organisations à l’économie numérique et à la transition énergétique et l’impact de ces bouleversements sur le tissu économique, l’emploi, la fiscalité et l’investissement. » Le club est ouvert aux parlementaires de toutes tendances.