Banques vs Bitcoin : la bataille continue

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En Australie, 17 sociétés exerçant une activité dans le secteur du bitcoin viennent de voir clôturer leur compte bancaire sans explication. Dans une série d’articles, signés par Paul Smith, The Australian Financial Review indique que le Sénateur Canavan, alerté par les sociétés bitcoin, vient d’adresser un courrier à l’autorité australienne de la concurrence, l’Australian Competition and Consumer Commission (ACCC), lui demandant d’enquêter sur ces faits afin de voir si ces banques n’ont pas agi en infraction aux règles de la concurrence.

En effet, en août 2015, une commission sénatoriale (à laquelle appartenait le Sénateur) avait déclaré que le bitcoin et les autres cryptomonnaies devenaient « grand public » et devaient être considérées comme une devise ordinaire en ce qui concerne l’imposition sur les biens et services.

Peu après, les 17 sociétés bitcoin recevaient une lettre de leur banque leur annonçant la fermeture de leur compte (dont 13 étaient déjà fermés).

Tony Pearson, représentant de l’Association des banquiers australiens indiquait que les banques étaient obligées de fermer les comptes si elles ne pouvaient garantir que la traçabilité de paiements répondait à la règlementation anti-blanchissement et anti-terroriste.

Constatant que les banques australiennes explorent également de leur côté le bénéfice potentiel des monnaies virtuelles, le Sénateur Canavan s’inquiète que ces dernières mettent en péril la vitalité et le potentiel d’une industrie locale dynamique afin d’éviter toute concurrence.

L’apparente nature coordonnée des décisions prises par ces banques doit également faire l’objet d’une enquête selon le Sénateur.

Le président de l’ACCC a confirmé la réception de cette lettre et déclaré qu’il étudie cette demande.

L’affaire australienne nous rappelle le litige qui a opposé en 2011 le Crédit Industriel et Commercial (CIC) à la société Macaraja.

Cette dernière avait conclu un contrat d’intermédiaire de commerce avec la plateforme d’échange de bitcoins MtGox afin de recevoir sur son compte bancaire les fonds versés par les utilisateurs de cette plateforme en garantie des transactions entre les acheteurs et les vendeurs de bitcoins.

Le CIC, considérant que la société Macaraja effectuait des opérations (anormales relevant de la fourniture de services de paiement au profit de tiers) en violation du monopole des établissements de paiement et sans agrément, avait décidé de clôturer son compte bancaire.

Suite au refus des autres banques à lui ouvrir un compte, la société Macaraja avait invoqué son « droit au compte » (article L 312-1 du Code monétaire et financier) devant la Banque de France, qui avait désigné, à sa demande, le Crédit Industriel et Commercial pour lui ouvrir un nouveau compte.

Face à un nouveau refus de la banque, le Tribunal de Commerce de Créteil a par ordonnances de référé (en dates du 11 août 2011, confirmée en appel le 26 août 2011, et du 31 août 2011), enjoint sous astreinte le CIC à rouvrir un compte de dépôt à la société Macaraja dans l’attente d’un jugement au fonds.

Le 6 décembre 2011, le Tribunal de Commerce de Créteil statuant cette fois sur le fonds du litige a déclaré que l’activité de la société Macaraja s’analysait comme la fourniture de services de paiements pratiquée en dehors des règles de droit qui s’imposent à elle. Il a ensuite reconnu au CIC le droit de clôturer le compte de la société.

Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 26 septembre 2013 qui a précisé que l’activité de la société Macaraja était celle d’un intermédiaire financier soumis à l’agrément de l’Autorité de Contrôle Prudentiel qu’elle n’a pas demandé (CA de Paris, pôle 5, ch. 6, 26 septembre 2013, Macaraja c/ Crédit industriel et commercial).

Ainsi, on peut supposer que si la société Macaraja s’était soumise aux dispositions légales et avait notamment reçu l’agrément de l’Autorité de Contrôle Prudentiel, les décisions du Tribunal et de la Cour d’Appel auraient été différentes.

Sources : afr.com/technology/big-banks… – afr.com/technology/senate-committee… – afr.com/technology/accc…


A propos de l’auteur : Après avoir été collaboratrice de la Délégation des Barreaux de France à Bruxelles, Michelle Abraham a exercé près de quatorze ans dans des cabinets d’affaires parisiens. Elle travaille actuellement sur les bitcoins et le défi réglementaire que leur développement implique. Son regard en droit comparé apporte ainsi une réflexion sur les évolutions nécessaires des législations en vigueur.