Une thèse sur la gouvernance de Bitcoin

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La thèse que Maël Rolland, désormais Docteur en Economie et Sciences Sociales, a soutenue le 13 décembre 2024 est désormais accessible en ligne.

Titre : Au-delà des codes : infrastructure et gouvernance discrète et polycentrique des cryptomonnaies Bitcoin et Ethereum dévoilées par leurs crises

Résumé : Cette thèse étudie les cryptomonnaies (CM) Bitcoin et Ethereum et leur gouvernance, en interrogeant les prétentions libérales-technicistes qui les présentent comme des monnaies acéphales, décentralisées, autonomes, neutres et apolitiques du fait de leur nature technique.

Ces prétentions reposent sur un « technologisme » dissociant technique et société, un premier écueil à dépasser, dominant dans la littérature axée sur les caractéristiques techniques des CM. Le second écueil est le « sociologisme » inverse, réduisant toute nature socio-politique à leur origine libertarienne. Au-delà, les CM sont des infrastructures composites et négociées où technique et monde social s’influencent mutuellement dans un va-et-vient politique.

Notre approche croise l’institutionnalisme monétaire, l’ethnographie économique et la sociologie des sciences et techniques, et repose sur des matériaux quantitatifs et qualitatifs tirés d’une enquête multiniveau (en ligne et hors ligne) alliant analyses documentaires, immersions participantes, observations participantes et entretiens. La gouvernance des CM est examinée au travers de deux crises : Bitcoin CVE 2018 et le Hard Fork d’Ethereum suite à « The DAO ».

La conception de Bitcoin et Ethereum, notamment le consensus PoW et l’émission monétaire des UCN, résulte de négociation hybride idéelle et matérielle. Un protocole ne devient CM qu’en tant qu’infrastructure, confronté à des usages, à d’autres arrangements pour s’y connecter, à une maintenance et des évolutions qui en renégocient formes, contenus et normativité. Réductible ni aux desseins de Nakamoto, ni à ses frontières protocolaires, Bitcoin est « sans couture » à l’aune d’un développement carnavalesque en trois phases (preuve de concept, péché et maturation). La comparaison avec Ethereum met en lumière sa propre normativité ainsi que celle de Bitcoin, dont elle vise à s’émanciper. Dans la controverse sur le statut monétaire des CM, nous affirmons que celles-ci sont des monnaies. Nous rejetons les perspectives monétaires orthodoxes – en termes d’exclusivité et d’homogénéité – les reléguant au statut d’actifs financiers, depuis un institutionnalisme monétaire intéressé aux usages. Empiriquement, les CM donnent lieu à des usages en compte et en paiement et sont des monnaies communautaires. Leur singularité monétaire réside dans une logique fiduciaire à consensus distribué : leur valeur et pouvoir d’achat sont garantis par des institutions et des acteurs sociaux dans le cadre d’une gouvernance polycentrique. Le phénomène de crise permet d’identifier deux types de crises de CM – les crises de vulnérabilité et les crises d’évolution – et une gouvernance de crise à deux volets : de huis clos, routinière à consensus local, ou publique, conflictuelle et à consensus global. La première est encadrée par des spécialistes (Core Devs) tandis que, en cas de dissensus, la seconde mobilise largement les parties prenantes pour rechercher une légitimité communautaire à travers des débats et des mesures de consensus. Dans tous les cas, la gouvernance polycentrique permet la formation d’un consensus tout en garantissant traçabilité, vérification et participation aux décisions. Finalement, nous démontrons que le consensus social (espace de la discrétion) prime toujours face aux codes irrespectueux de l’esprit communautaire (espace de la règle).

Lien : https://drive.google.com/file/d/1Y_S2qePNDcVLhBHiwZVnHJTQn9XpRp6_/view