A moins d’avoir vécu dans une grotte le dernier mois, vous devez être au courant que Facebook s’apprête à sortir un « Global Coin » qui n’a pas seulement vocation à devenir un moyen de paiement à la PayPal (permettant de dépenser des dollars ou des euros), mais une véritable monnaie, un stable coin, indexé sur un panier de devises. L’existence d’une monnaie qui dépasserait les frontières d’un Etat n’est évidemment pas une nouveauté en soi, et la première de toutes, aussi contestée soit-elle dans cette fonction de monnaie universelle, est pourtant la monnaie d’un Etat.
Le dollar américain – monnaie d’une banque centrale – est toujours aujourd’hui la principale monnaie de réserve utilisée dans le monde et la devise la plus utilisée dans le commerce international. C’est aussi la monnaie du pays qui possède les marchés financiers les plus importants et la principale devise traitée sur le marché des changes. Une sorte de « Global Coin » donc, incontestablement, mais au service exclusif d’un seul pays qui continue de s’imposer un peu partout avec une brutalité aujourd’hui de moins en moins dissimulée.
Beaucoup plus récent, le second modèle de « Global Coin » est à l’heure actuelle un nain économique : de petites monnaies publiques décentralisées reposant sur des protocoles informatiques. Des tentatives de monnaies d’un nouveau genre qui ne s’imposent à personne et sont ouvertes à tout le monde, des monnaies programmables dont on commence à peine à explorer les possibilités. Bitcoin, la première entre elles, est une réserve de valeur (ou plutôt un espoir de valeur future) décorrélée des monnaies des banques centrales. C’est aussi une monnaie sans chef, résiliente et résistante à la censure, une monnaie de dissident.
Le troisième modèle sera donc celui d’une monnaie privée propriété d’un géant du numérique – Facebook demain mais rien ne dit que d’autres ne suivront pas – l’aboutissement d’un long processus de transfert des monnaies de banques centrales vers des monnaies scripturales entre les mains d’acteurs privés (Visa, Mastercard, Paypal, Apple Pay et toutes les banques commerciales). Un basculement jusqu’ici réalisé avec la complicité des Etats – particulièrement, mais pas exclusivement, celle des plus totalitaires – qui ont découvert avec enthousiasme dans la seconde partie du XXème siècle la quatrième fonction de la monnaie : un outil de contrôle et de surveillance des populations.
La monnaie de Facebook reposera vraisemblablement sur une blockchain consortiale d’une centaine de noeuds (prix d’entrée 10 millions de dollars) et bénéficiera d’un vaste réseau (Facebook, Messenger, Instagram et WhatsApp), mais, à l’exception des pays dont la monnaie est vraiment défaillante, ne sera pas utilisée par les particuliers comme support d’investissement, puisqu’elle promet d’être stable, et n’aura sans doute aucune des caractéristiques de confidentialité, de résistance à la censure et à la confiscation que certains attendent d’une cryptomonnaie (voir sur le sujet cette vidéo d’Andreas Antonopoulos). Le Global Coin ne sera donc pas un concurrent de Bitcoin.
Reste à savoir si les régulateurs laisseront faire (pas sûr), si le Facebook Global Coin rencontrera le succès et parviendra à rogner l’hégémonie d’autres acteurs et, le cas échéant, comment ces derniers réagiront… Il parait que PayPal, Stripe, Visa et Mastercard ont déjà signé.
Pop-corn pour les bitcoiners.