Terrorisme, blanchiment, trafic : le bitcoin se défend

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Un article de Numérama m’a donné l’envie de faire une petite mise au point sur ces calomnies.

En effet, on commence à entendre parler ici et là du bitcoin. Cependant, outre ses classiques tribulations que sont les accusations de blanchiment d’argent ou de trafic de drogues qui lui sont infligées, ce qu’on entend sur les monnaies numériques est bien souvent négatif et devient de plus en plus aberrant. Normal, vous me direz, toutes les technologies disruptives sont tout d’abord sujettes au doute et à l’examen. Ainsi dans l’ambiance actuelle de paranoïa et de renforcement du traçage d’internet on commence à ressortir que le bitcoin sert à financer le terrorisme. Voyons comment notre invité se débrouille à la barre :

– Monsieur B., vous êtes actuellement accusé de blanchiment d’argent, de facilitation de la vente de produits illicites sur internet et même désormais de terrorisme, qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

– Je voudrais d’abord apporter quelques précisions concernant le contexte de mon apparition, Monsieur le juge, si vous me le permettez.

– Permission accordée.

– En effet, il me semble que toutes ces accusations que l’on porte contre moi ne sont pas le fruit de ma création. Le blanchiment d’argent existe depuis bien longtemps dans les paradis fiscaux et dans les casinos. La vente de produits illicites fonctionne depuis toujours de manière globale, c’est parfois la faute des administrations, parfois celles des magnats, aussi celles des barons et j’irai même jusqu’à dire que les lois devraient elles aussi être remises en question. L’interdiction de la drogue a-t-elle encore un sens moral ou n’est-elle pas tombée dans le domaine de la lucrativité ? En ce qui concerne les armes nous y reviendrons plus tard si vous le permettez. Et enfin, le terrorisme n’est-il pas avant tout un produit de l’endoctrinement, n’est-il pas avant tout facilité par la globalisation des communications ? Celle qui nous donne cette merveilleuse liberté ? Éduquons avant de me faire porter le chapeau. Mais surtout ne censurons pas.

– Vous n’êtes pas là pour nous dire ce que nous devons faire Monsieur, cependant vos remarques semblent pour le moment pertinentes, veuillez continuer s’il vous plait.

– Je faisais donc tout d’abord état du contexte. Et l’on peut aisément constater que je suis né dans un monde où tous les trafics et l’interconnexion mondiale existent déjà. Il faut donc que je développe quelque peu mon propos. Le blanchiment d’argent existe depuis des siècles grâce à l’argent liquide et même, dans certains cas, grâce au secret bancaire. La majeure partie des transferts d’argent sale dans ce monde est faite à l’aide du sacro-saint Cash. On me prête souvent cette image de cash numérique. Mais il y a une différence fondamentale entre le cash et moi-même : la traçabilité…

– À ce propos monsieur, vous êtes aussi accusé de permettre l’anonymat dans les transferts d’argent. Veuillez nous en dire plus sur le sujet.

– Cet anonymat que l’on me prête est la plupart du temps une chimère. Je suis avant tout transparent. Tout ce qui se passe en mon sein est visible par l’intégralité des utilisateurs et il est non-falsifiable. Que voulez-vous de plus ? Même les banques ne peuvent se targuer de posséder un système aussi efficace que la Blockchain et elles commencent à m’étudier tout autour du monde pour tenter d’adapter mon modèle au leur, sans trop perdre de pouvoir cependant. Je veux bien accepter le fait que je suis dérangeant mais pas que je permets l’intraçabilité. Des observateurs chevronnés pourront remonter des transactions et même réussir à identifier des transactions mixées. Donc en surface, oui, je donne un anonymat relatif, mais absolument pas un anonymat total. Vu que la majorité des coins sont acquis par l’échange et non par le minage on peut facilement se douter qu’à un moment ou un autre on a une trace de la transaction qui a servi à l’obtention de coins. Vous ne trouvez pas mon père car il a avant tout miné et pas acheté. Mais miner une telle quantité n’est pas possible aujourd’hui. Je m’autorise donc à dire qu’encore une fois, les coins intraçables sont ceux issus du troc ou d’un échange vigilant en cash. Et encore une fois le problème principal demeure le cash, je ne lui jette pas la pierre à mon cher ancêtre, il a de beaux jours devant lui et doit perdurer, mais il reste le plus discret.

– Et pour les armes, que dites-vous ?

– Pour les armes, en ce qui concerne l’identification, je serais tenté de dire la même chose. Toutefois, pour ce qui est de ces engins destructeurs, le cash n’est pas l’unique responsable. En effet, ces états-mêmes qui doutent de mon utilisation dans l’achat et la revente d’armes sont avant tout ces producteurs d’armes. Quitte à réguler, ils devraient choisir la bonne cible. Les marchands d’armes devraient autant être soumis à la régulation que moi.

– Passons ces chamailleries, le sujet est délicat. Vous êtes vraiment un perturbateur Monsieur B. Parlez-nous de votre implications dans tous les trafics de biens illicites, nous verrons si vous saurez encore vous justifier !

– Ça c’est le premier argument que l’on m’oppose. Les gens sans même me connaître ne cessent de critiquer mes usages. Vous insultez les gens sans les connaître vous ? Encore une fois le cash joue un rôle prépondérant dans ces trafics. Je ne représente même pas 1% de tous ces trafics. Sinon mon prix serait bien plus élevé, vous en doutez. Le problème encore fois, vient avant tout du contexte. Dans un premier temps, tant que le monde ne sera pas un tantinet plus équitable – vous me direz que je ne suis pas un modèle sur ce point, je l’avoue, cependant ma démocratisation me diluera – mais j’en reviens à mes moutons, lorsque l’on voit que près de 50% des richesses de la planète sont détenues par moins d’1% des habitants de celle-ci et que l’on voit qu’une grande partie du monde n’a pas de travail, ou ne mange pas à sa faim, on peut comprendre le développement d’économies parallèles lucratives. Ce monde m’apprécie car je semble plus discret mais vous verrez qu’ils déchanteront hélas bientôt. Mes enfants de mon sang comme le Darkcoin ou mes enfants adoptifs comme le Monero me remplaceront bien vite dans ce rôle.

– Oui mais cela n’empêche pas, qu’actuellement, vous êtes prédominant sur les marchés noirs de la toile.

– Je vous répondrai simplement oui. Toutefois ce n’est qu’une question de temps, et je ne fais que remplacer ce bon vieux cash, je ne crée pas spécifiquement de nouveaux marchés. Je crée de nouvelles manières de fonctionner mais pas de nouveaux marchés. Les gens ne se mettent pas à acheter de la drogue parce qu’ils peuvent le faire sur internet, la plupart en achetaient avant. De plus l’utilisation des drogues doit être remise en question comme je le disais dans mon préambule.

– Ce point me semble clos, abordez désormais la question du terrorisme. Avec la montée de puissance de l’État Islamique, on vous accuse d’être une de leur source de financement.

– Cette accusation est bien la plus outrageuse mais également la plus comique. Ma seule trace ayant une connexion avec l’EI est un portefeuille daté dans lequel à peine 5 des miens sont entreposés. Vu mon actuelle valeur, cela correspond à peu près à 1000$. Autant dire que ce n’est rien comparé aux 800 millions de dollars de revenus pétroliers de l’EI. Mais je ne m’aventurerai pas dans ce débat. Je suis avant tout ici pour me défendre. Et, bien que les djihadistes semblent avoir apprivoisé l’outil internet, mon utilisation demande une certaine infrastructure à la base et de plus, comme nous l’avons vu, je suis dangereux pour ceux qui ne veulent pas être tracés.

– Vous voulez me faire croire que tout ce que l’on raconte sur vous Monsieur B. sont des accusations mensongères ?

– Pas le moins du monde. Certaines sont justifiées, à vrai dire elles demeurent toujours trop simples. Mais le problème est que l’on ne prend pas le temps de m’étudier correctement. On me range dans une case. Oui, je pense être un peu rebelle mais si vous regardez du côté de mes cousins éloignés comme OpenUDC ou Ucoin vous verrez que je suis finalement un tendre, en adéquation avec le monde actuel. Je suis perturbant car je suis inédit en mon genre. Mais cessons d’avoir peur de l’inconnu. Il faut rétablir la confiance qui est la base même de ma valeur et de mon fonctionnement. D’ailleurs, vous avez toute ma confiance monsieur le juge, je sais que vous ferez le bon choix.

– Bien… La séance est suspendue. J’ai besoin de mieux vous connaître. J’espère ne plus vous voir dans un tribunal, mais plutôt à l’assemblée.

– Pour sûr, j’y veillerai.

Adli

Pour approfondir le sujet :

L’article de numérama
La lutte contre le financement du terrorisme : beaucoup de bruit pour rien ? (2008)
L’histoire du prêt d’Amedy Coulibaly
La France et l’Europe s’attaque au financement du terrorisme
Bitcoin, menace terroriste potentielle
Bitcoin, monnaie du terrorisme ?


Source : le-coin-coin.fr/1972-terrorisme-blanchiment-trafic-le-bitcoin-se-defend

A PROPOS DE L’AUTEUR

Adli, rédacteur en chef du blog d’informations le-coin-coin.fr, se présente ainsi :

« Bonjour, je suis actuellement étudiant en lettres classiques après un cursus en classes préparatoires. Je suis depuis toujours passioné par l’art, la culture et la technologie. L’innovation et l’entrepreneuriat sont mon credo et mon gagne-pain. Il etait alors logique que je m’intéresse aux monnaies digitales et à tout ce qu’elles apportent ».

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