Pour une fiscalité raisonnable du bitcoin

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Les appels à une plus grande régulation du Bitcoin se multiplient à mesure que le cours de la cryptomonnaie atteint des sommets […]. L’idée de freiner la spéculation en taxant de plus en plus les transactions fait son chemin. « Est-il intelligent de faire une crise de nerfs, alors que le bitcoin est à 15.000 dollars ? », fait mine de s’interroger Jacques Favier. « Si on régule le système de manière hystérique, les Français qui ont acheté des bitcoins vont partir à Genève, Malte, Andorre… Et si d’aventure il monte à 500.000 dollars, on les suppliera de revenir pour aider à bâtir la start-up nation.

La fiscalité doit être simplifiée avec un accord raisonnable, car il est anormal d’avoir 30% de taxe dès le premier bitcoin cédé. Il serait tellement simple de l’aligner sur celle de l’or ! »

 

> Article de Thibaud Le Meneec à lire sur europe1.fr 


Commentaire de Jacques Favier sur bitcoin.fr :

« Mon propos, sur lequel – évidemment – je reviendrai est le suivant : Il n’y a pas de fiscalité “naturelle” à telle ou telle activité, chose ou personne. Ce sont des construits sociaux. Il y a (pardon, je prêche toujours pour ma paroisse) une “histoire de la fiscalité”. 

Un bon impôt doit être :

– simple. Il n’y a pas de plus-value sur les billets $ que je dépense à New York parce que ce serait matériellement impossible. De même si je dépense du bitcoin au restaurant, il ne saurait être question de gérer son coût moyen, d’inscrire la chose sur un tableur Excel (même pas : il faut désormais un logiciel spécifique…), etc.

– comparable d’homme à homme. 30% dès le premier euro (oubliez le chiffre précis) ça veut dire 30% de taux moyen (pas marginal !) sur un revenu. Pour être à 30% de taux moyen sur le revenu, il faut un revenu déjà vraiment important. Est-il « juste » de taxer au même taux moyen un gros revenu et le gain d’un jeune qui a craqué un peu de bitcoin pour continuer à financer sa vie de développeur impécunieux, ou de conférencier sollicité gratuitement par des banquiers bien nourris ?

– comparable chose à chose. Si je vis en liquidant l’or de pépé, je paye 11% (je crois). Alors certes je n’ai pas fait x16 dans l’année. Mais comme vous le savez, les français ont la seconde réserve d’or privée au monde ce qui n’empêche pas que les notaires ne le voient jamais passer dans les successions (sauf quand il y a un mauvais con dans la famille). Donc l’or de pépé, c’est celui du pépé de pépé, et il est là depuis avant 71, donc il est tout brillant de plus value et tout étincelant de dissimulations successorales. Si on pouvait faire l’histoire de certains lingots, m’est avis qu’on pourrait taxer à 90%. Or on estime qu’une taxe à 11% suffit. Evidemment, c’est 0% en Belgique. Pourquoi le Bitcoin (à 0% en Belgique lui aussi) devrait-il être taxé à 30% (et plus ! ) ?

– profitable à la Nation. Le but d’un impôt n’est pas de punir : il y a les amendes pour cela. Je répète ce que j’ai dit ailleurs le même jour. Quand on aura fichu tout le monde dehors (c’est en cours) on sera bien avancés. Et le plus tragique c’est que si d’aventure le bitcoin va taper les 500k (qui peut jurer que ça n’arrivera pas ?) les ministres feront des courbettes aux riches expatriés (en attendant leurs obsèques solennelles, lol), viendront inaugurer leurs incubateurs en vantant l’excellence française etc. Je me souviens d’avoir entendu l’actuel ministre de l’économie, mon camarade Bruno Le Maire, nous expliquer durant la pré-campagne (il concourait à la primaire de la droite, alors) qu’il venait de monter lui-même une start-up politique et qu’il comprenait l’esprit d’aventure des jeunes entrepreneurs. Bon… Mais alors pourquoi aujourd’hui ne parler de ceux qui ont du bitcoin que comme des spéculateurs et des joueurs de casino ?

Au fait, les joueurs ce sont ceux qui achètent aujourd’hui (et n’ont donc pas – ou pas encore – de plus-value). Ceux qui ont des plus-values, ils ont acquis leurs bitcoin de longue date, ou du moins avant la tornade médiatique, et devraient être appelés à conseiller le ministre avant de songer à leur faire remplir ses caisses ! »


Sur le même sujet, voilà un extrait des Nouvelles de l’éco diffusé aujoud’hui sur France Culture :