Le 22 octobre 2025, le groupe UDR à l’Assemblée nationale a déposé une proposition de résolution européenne visant explicitement à « adapter la France au nouvel ordre monétaire en embrassant le Bitcoin et les cryptomonnaies ». Signée par 13 députés, dont Éric Ciotti et Charles Alloncle, cette proposition est avant tout à voir comme une prise de position de ce groupe, plus que comme un réel projet qui a des chances d’aboutir.
Extrait :
Cette proposition de résolution européenne accompagne la proposition de loi visant à adapter la France au nouvel ordre monétaire en embrassant le Bitcoin et les cryptomonnaies.
Certaines des mesures requises pour une telle évolution sont du ressort de l’Union européenne et font donc l’objet d’un texte séparé de la proposition de loi déposée en parallèle par le groupe UDR et visant à « adapter la France au nouvel ordre monétaire en embrassant le Bitcoin et les cryptomonnaies »
En premier lieu, l’interdiction de l’euro numérique.
Les monnaies numériques de banque centrale ne sont qu’un avatar d’une monnaie produite par une banque centrale : le code est à la discrétion de l’organisme émetteur et les transactions peuvent être suivies en temps réel par ce dernier, ce qui fait peser des préoccupations quant à la confidentialité des données et la propriété privée : en effet, le code et le réseau étant gérés de manière centralisée, l’organisme émetteur garde tout pouvoir pour geler à n’importe quel moment les avoirs sur le réseau.
Le parti communiste chinois a été précurseur dans ce domaine avec l’introduction du yuan numérique dès 2019. Or, il a également introduit un système de « crédit social » dès 2002, qui est un système national de réputation des citoyens et des entreprises. L’existence d’une telle monnaie numérique avec un tel système de contrôle social est une grande menace pour les libertés individuelles fondamentales.
Le gouvernement américain a choisi résolument, avec le « Genius Act » de juillet 2025, de s’écarter d’une telle voie menaçante pour la démocratie et les droits des individus en posant un cadre stable à l’usage des stablecoins et en refusant les monnaies numériques de banque centrale.
La Banque centrale européenne, à l’inverse, souhaite le développement d’une telle monnaie. L’euro numérique est en phase de préparation jusqu’en octobre 2025 et pourrait être déployé à partir de 2029.
En parallèle, elle continue d’adopter une posture de régulation stricte vis‑à‑vis du développement des stablecoins libellés en euros, laissant la voie libre aux stablecoins en dollars.
Enfin, la mise en place d’une telle monnaie entraînerait une rupture fondamentale du système bancaire : le système monétaire actuel repose sur la distinction entre la monnaie de banque centrale et les monnaies de banque commerciale. En imposant l’euro numérique, la BCE mettra nécessairement en concurrence sa monnaie, réputée plus sûre, avec celles des banques commerciales. Les usagers auraient intérêt à retirer leur argent des banques pour le placer auprès de la BCE – ce qui pourrait engendrer un bank run. La BCE se transformerait alors elle‑même en banque commerciale, tenant en sa main à la fois la politique monétaire macroéconomique et les registres des clients, telle une banque de détail.
Une telle concentration des pouvoirs serait néfaste pour la liberté économique. Ce n’est pas le rôle de la BCE.
En deuxième lieu, l’encouragement à l’émission de stablecoins euros par des sociétés européennes plutôt qu’américaines.
Le règlement européen sur les crypto‑actifs (Markets in Crypto‑Assets – MiCA), entré en application cette année, a mis en place un cadre juridique pour les stablecoins. Ce cadre, trop strict, gagnerait à être assoupli en prenant exemple sur le « Genius Act » des États‑Unis, voté cet été, qui encourage le développement des stablecoins en dollar.
Aujourd’hui, l’immense majorité des monnaies stables échangées comme cryptoactifs sont des dollars : selon le Fonds monétaire international, au printemps 2025, la capitalisation totale des stablecoins était de 230 milliards de dollars, un montant encore assez faible mais en forte augmentation.
Au sein de cet agrégat, les dollars émis par l’entreprise américaine Tether – USDT – atteignent 150 milliards, et les dollars émis par l’entreprise américaine Circle – USDC- 60 milliards, soit 91 % du total.
Ces entreprises, implantées aux États‑Unis, obéissent aux lois américaines et peuvent bloquer les transactions des jetons qu’ils émettent.
Le DAI, dollar décentralisé n’appartenant pas à une entreprise, atteint la capitalisation de 5,3 milliards de dollars en septembre 2025.
La valorisation du premier stablecoin en euro, appartenant également à l’entreprise américaine Circle, n’atteint que 259 millions de dollars de capitalisation.
La disproportion est encore plus grande en ce qui concerne le volume d’échanges : le dollar écrase la concurrence et les dollars échangés dépendent d’entreprises situés aux États‑Unis : selon la même étude du FMI, il y eut 23 000 milliards de dollars d’échanges en USDT et en USDC en 2024 et, selon une autre étude seulement 36 milliards environ en stablecoins euros, soit un rapport de 1 à 638.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, s’en est ému en ouverture du forum « Fintech » de Paris le 9 octobre : notre inaction pourrait conduire à « une dépendance grandissante vis‑à‑vis d’acteurs non européens et non régulés ». Il affirme encore : « Que des banques européennes s’intéressent au marché du stablecoin en dollars, pourquoi pas, puisque c’est là qu’est aujourd’hui le marché. Mais qu’elles s’intéressent tout autant à leur marché naturel de demain que sont les stablecoins en euros ».
Il revient donc à la Commission européenne de modifier sa réglementation afin de permettre à l’Europe de disposer d’une véritable réponse à l’hégémonie du dollar sur le marché des stablecoins, en permettant aux établissements financiers européens d’en émettre de manière plus souple et facile.
En dernier lieu, le nantissement de cryptoactifs est un outil déjà utilisé largement par le monde. En France, la loi du 30 avril 2025 prévoit l’autorisation de tels nantissements. Cependant, les règles prudentielles du comité de Bâle sont trop rigides, en ce qu’elles peuvent avoir pour conséquence de devoir garantir ces prêts à des ratios de risque pouvant aller jusqu’à 1250 %, rendant de facto ces prêts inintéressants pour les établissements bancaires. Une coalition d’établissements bancaires s’est émue de cette situation courant août, par le biais d’une lettre ouverte.
Cette proposition de résolution européenne invite donc le Gouvernement à défendre que le futur cadre prudentiel européen spécifique aux expositions sur cryptoactifs puisse s’écarter de façon ciblée du standard bâlois de 2022 pour faciliter le nantissement de cryptoactifs, tout en gardant pour objectif une refonte substantielle de ces règles au sein du Comité de Bâle. »
Source : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/PNREANR5L17B1984.html



