Un regard sur les tendances des conférences Bitcoin en Europe et leur impact sur l’avenir de la communauté
Dès les premiers jours de Bitcoin, la communauté a été son principal moteur. Plus encore : elle en était le seul.
Sans marketing ni communication centralisé, c’est la communauté qui a aidé à transformer un livre blanc anonyme de neuf pages d’une mailliste obscure de cypherpunk en un logiciel Bitcoin que nous utilisons aujourd’hui. C’est la communauté qui a porté Bitcoin à travers le monde, diffusant les connaissances et engageant toutes sortes de personnes et d’entreprises qui reconnaissaient le besoin d’une meilleure monnaie.
Bitcoin est aujourd’hui un phénomène mondial, mais ce pilier communautaire est toujours la force motrice qui favorise le développement et l’adoption de la technologie. Il représente également quelque chose d’autre : une qualité insaisissable, mais précieuse, qui lie des personnes très différentes de tous horizons, préférences politiques, âges, professions…
En effet, les Bitcoiners partagent non seulement l’amour des mêmes, mais aussi un mélange unique de principes libertariens, d’esprit entrepreneurial et de volonté de changer le monde.
Les événements Bitcoin ont joué un rôle crucial dans ce brassage des valeurs et dans l’expansion de la communauté à travers le monde. Pour analyser cette sauce magique qui unit ces gens, nous avons recueilli les témoignages de plusieurs personnes ayant participé à huit rassemblements européens exclusivement consacrés à Bitcoin, grands et petits.
Des centres de conférences du Bitcoin Amsterdam (10 000 personnes) aux tentes forestières du BEF (100 personnes) en Bretagne, ces expériences n’auraient pas pu être plus différentes. Cependant, elles étaient aussi similaires, et parfois même complémentaires.
Les grands
BTC Prague et Bitcoin Amsterdam sont les plus grands événements Bitcoin d’Europe, attirant des milliers de participants, de grandes entreprises liées à Bitcoin et, bien sûr, une liste impressionnante des intervenants. Ces derniers peuvent également inclure des personnes en dehors du cercle strict du Bitcoin, comme des défenseurs des libertés ou des entreprises opérant dans le spectre plus large des cryptos.
À plus petite échelle, avec des centaines de participants, Surfing Bitcoin à Biarritz partageait la même philosophie, bien que l’édition de cette année ait été marquée par un certain nombre de problèmes.
Pour les maxis plus fervents, Baltic Honeybadger à Riga est probablement l’événement Bitcoin le plus OG, défendant farouchement sa position Bitcoin-only.
La majorité des personnes qui participent à de tels événements ont déjà été orange-pillés et connaissent bien les subtilités du Bitcoin. On y croise des mineurs, des cypherpunks, des développeurs, des économistes, des libertariens, des investisseurs, et un grand nombre d’influenceurs de toutes sortes.
Ces événements représentent une opportunité de promouvoir un wallet, une plateforme de minage, une solution de paiement, une association… ou soi-même. Cette dimension commerciale, même si elle n’est pas explicitement mise en avant, est certainement l’un des aspects importants des grandes conférences Bitcoin, au même titre que les nombreuses possibilités de réseautage.
Les intimistes
Dans le registre opposé, de nombreux événements Bitcoin de petite taille, voire intimistes, voient le jour dans le monde entier. Toutefois, ne vous laissez pas tromper par leur taille. Ne dépassant souvent pas plus d’une centaine de personnes, ces rassemblements peuvent compter parmi leurs participants les acteurs les plus actifs de l’univers Bitcoin, qu’ils soient connus ou non du grand public.
Ces événements font rarement l’objet de publicité et interdisent souvent tout enregistrement sur place afin de protéger la vie privée des participants. La règle de Chatham House est appliquée, ce qui signifie que toute personne assistant à une réunion est libre d’utiliser les informations issues de la discussion, mais n’est pas autorisée à révéler qui a fait tel ou tel commentaire.
Au-delà de la taille, des règles de confidentialité et de l’abondance de bière, ces événements comprennent souvent un logement collectif et/ou des expériences uniques.
BTC Açores proposait des randonnées pittoresques à travers ce magnifique archipel portugais. L’événement a également été marqué par l’absence d’ordre du jour préétabli : les participants ont créé eux-mêmes le programme, en soumettant les sujets qu’ils souhaitaient aborder.
Le BEF (Bitcoin Economic Forum) a réuni les Bitcoiners français dans une forêt profonde de Bretagne pour une série de discussions, d’entretiens et de barbecues.
Le prochain B-Only dans la région d’Annecy en France se déroulera dans un cadre alpin majestueux, encourageant les conversations au coin du feu autour d’une tartiflette. Prévu du 3 au 5 novembre, il s’agira de l’un des derniers ajouts à ce type de rencontres Bitcoin, et aussi de l’un des derniers de l’année.
Ces événements à petite échelle ressemblent davantage à une retraite entre amis ou en famille qu’à une conférence professionnelle, et d’une certaine manière, c’est le cas. Les liens humains se renforcent grâce aux nouvelles expériences, aux tables communes et à la vie partagée. Le Bitcoin est toujours au cœur de l’événement, mais l’ambiance et les objectifs changent sensiblement par rapport aux conférences traditionnelles. Les gens sont beaucoup plus accessibles et les discussions plus inclusives, ce qui est particulièrement propice au brainstorming et à l’introduction de nouvelles idées.
Les institutionnalisés
Il existe un autre type d’événement Bitcoin – celui qui se concentre sur son intégration dans l’environnement local.
Ce concept n’est pas possible partout dans le monde. Dans la plupart des pays, Bitcoin se heurte encore à la résistance des autorités et de nombreuses entreprises se méfient toujours de son image négative soigneusement fabriquée par les médias grand public.
La Suisse se distingue à cet égard comme l’un des pays les plus crypto-friendly, et cela se voit dans ses conférences Bitcoin, qui sont plus institutionnalisées qu’ailleurs.
Paradigme Bitcoin, un événement organisé dans le canton suisse de Neuchâtel, met un point d’honneur à inviter non seulement des Bitcoiners, mais aussi des municipalités et des représentants du business. Ensemble, ils discutent des moyens d’utiliser Bitcoin dans l’industrie horlogère de la région, dans les programmes d’études universitaires et dans d’autres initiatives locales.
Le Plan B est une autre initiative remarquable. Depuis quelques années déjà, la ville de Lugano, dans le canton suisse du Tessin, sensibilise et encourage les commerçants de la ville à accepter les paiements en bitcoin. La conférence Plan B s’inscrit dans cet effort, mais dans la meilleure tradition suisse, l’ensemble habituel de partisans de Bitcoin a été complété par des banquiers, des fonctionnaires, des avocats et des régulateurs financiers de différentes parties du monde. Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une conférence Bitcoin-only, le Plan B permet à Lugano de partager son expérience avec des milliers de participants.
Les tendances
Des îles portugaises des Açores à la capitale lettone de Riga, les événements européens consacrés au Bitcoin sont aussi variés que l’Europe elle-même. D’une tente au cœur d’une forêt française à la rive d’un lac suisse, ils peuvent créer des ambiences très différentes, mais au fond, ils sont les mêmes.
En fait, ils sont même complémentaires. Nous avons été témoin de cas où une nouvelle solution technologique a été conçue et a fait l’objet d’un brainstorming à BTC Açores, puis a trouvé un financement et un soutien à BTC Prague.
En examinant de plus près ces événements, nous pouvons également discerner les tendances qui marquent la communauté.
Tout d’abord, l’absence des discussions de type « to the moon ». En fait, le prix du BTC, qui est l’un des sujets liés au Bitcoin les plus populaires dans la plupart des médias, n’est presque jamais mentionné. Et pour cause : la valeur du bitcoin en dollars et en euros est secondaire par rapport à son rôle de monnaie indépendante.
La liberté personnelle reste un sujet important, et Nostr est désormais régulièrement mis en avant lors de ces événements. Bien qu’il ne s’agisse pas exactement d’une technologie Bitcoin, sa mission de décentralisation et de résistance à la censure s’aligne parfaitement sur la vision du monde des Bitcoiners, ce qui le rend de plus en plus populaire au sein de la communauté.
Sur le plan technologique, cette année a été marquée par des débats passionnés entre les partisans des Ordinals et ceux d’une approche plus conservatrice du Bitcoin.
Enfin, la famille est mise en avant, au sens propre comme au sens figuré. Alors que « fam » est déjà devenu un terme courant pour s’adresser l’un à l’autre, la véritable famille est de plus en plus présente dans les conférences, ou les participants amènent leurs proches. Il y avait notamment des enfants à Honeybadger et à BTC Prague, cette dernière ayant été aussi animée par une Bitcoineuse de 12 ans. La nouvelle génération est là, et elle connait bien sa monnaie.
Dans l’ensemble, si les grandes conférences Bitcoin restent indispensables pour développer les affaires et le réseau, on peut dire que la communauté devient également plus forte en décentralisant ses événements et en établissant des liens plus étroits avec les communautés locales.
Nous remercions Aurore Galves Orjol de Leonod, Franck Pralas de D.Center et Cyrille Coppéré de B-only pour leurs témoignages.
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Cet article a été initialement publié en anglais dans Bitcoin Magazine.
A propos de l’auteur
Marie Poteriaieva est cofondatrice de D.Center (@DCenter_Explore), un organisme de formation B2B et une source d’information sur Bitcoin et la blockchain.