Les « cryptoactifs » dans le rapport sénatorial sur la souveraineté numérique

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Présidée par Franck Montaugé, la commission d’enquête sénatoriale sur la souveraineté numérique a rendu son rapport le 1er octobre 2019. Parmi les sujets abordés dans ce document : le défi des « cryptoactifs ».

Extraits du rapport :

« Les cryptoactifs se définissent par leur caractère privé, totalement virtuel et par leur absence d’adossement physique ou financier. Il en existerait près de 1 600 aujourd’hui pour une capitalisation estimée à près de 270 milliards de dollars. Votre rapporteur a pu constater qu’il existait une forte ambivalence sur les cryptoactifs : une attirance forte pour les innovations proposées mais un souci constant de protéger les investisseurs, les consommateurs et la stabilité du système financier.

Face à leur développement et pour répondre à leur potentiel, la loi Pacte encadre de manière plus explicite les intermédiaires en actifs numériques, avec deux volets de régulation.

Le premier volet est optionnel : les intermédiaires, comme les plateformes d’échanges de cryptoactifs, pourront solliciter un agrément auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui est un gage de fiabilité et de sérieux.

Le second volet est contraignant. Il prévoit un enregistrement obligatoire de toutes les plateformes de change entre cryptoactifs et monnaies conventionnelles, au titre de la lutte contre le blanchiment d’argent. Dans son rapport d’activité pour l’année 2018, Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) notait en effet que des marges de progression existent en termes de volume de déclaration chez tous les professionnels des cryptoactifs, alors même que le nombre de déclarations a déjà plus que doublé entre 2017 et 2018 (250 contre 528). Il reste bien sûr à voir si les pouvoirs publics disposeront des capacités nécessaires pour dresser une liste exhaustive de ces plateformes et pour les contrôler.

Votre rapporteur ne peut qu’enjoindre les pouvoirs publics à ne pas relâcher leurs efforts et à ne pas réduire les moyens alloués à la régulation de ces cryptoactifs, en particulier alors que les acteurs du numérique, à l’instar de Facebook, se montrent de plus en plus intéressés par leurs potentialités […].

Comme toute innovation, les cryptoactifs peuvent s’avérer, dans l’usage qui en est fait, positifs et menaçants, en particulier si l’État souverain ne s’en empare pas au bon moment et de la bonne façon. Il risque alors de se voir concurrencé et finalement dépassé par des acteurs privés, sur lesquels la force de sa régulation pourrait se trouver amoindrie.

Les banques centrales et autorités financières considèrent aujourd’hui que les cryptoactifs ne constituent pas une menace pour la stabilité financière mondiale, en raison de leur volume limité et de leur faible acceptabilité. Toutefois, les pays du G20 rappellent constamment que les États doivent, par leurs réglementations, s’assurer que ces actifs numériques ne sont pas utilisés pour des actions de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, étant entendu qu’ils peuvent garantir un quasi-anonymat à leurs détenteurs. La Banque centrale européenne (BCE) a par exemple créé en mai 2018 un groupe de travail informel pour accroître sa connaissance des enjeux soulevés par les cryptoactifs et pour en surveiller les potentiels effets négatifs.

Jusqu’ici, les autorités de supervision, nationales, européennes ou internationales, considéraient plutôt les cryptoactifs comme des actifs risqués, réservés aux investisseurs les plus avertis. La plupart des États ont ainsi adopté l’approche dite du “bac à sable”, en allégeant les obligations pesant sur ces acteurs pour qu’ils puissent tester leurs technologies et se lancer plus facilement sur le marché. Le régulateur est ensuite conduit à évaluer les changements induits par ces produits et, éventuellement, à renforcer les obligations à l’encontre des acteurs concernés. En outre, tous les cryptoactifs ne portent pas l’ambition de devenir de véritables “monnaies privées”, certains sont avant tout des actifs financiers ou des moyens de paiement et n’ont pas vocation à concurrencer les banques, mais bien à proposer un nouveau service financier […].

Il est intéressant de noter que le bitcoin, le plus célèbre des cryptoactifs, est apparu en 2009, au moment où le système financier traversait l’une des plus graves crises de son histoire. Les promesses des cryptoactifs, notamment en termes de transparence et de décentralisation, seraient autant d’atouts dont pourraient se saisir nos banques centrales nationales et la BCE. La naissance d’une cryptomonnaie banque centrale (central bank digital currency – CBDC) pourrait ainsi soutenir les levées de fonds en jetons et le financement des innovations numériques, les investisseurs pouvant alors faire appel à cet actif garanti, sans risque de subir les incertitudes liées à la volatilité des cryptoactifs privés. Plaide également en faveur d’une CBDC la diminution de l’utilisation de l’argent liquide en France. »

Les préconisations des rapporteurs concernant les « cryptoactifs » :

– Imposer à tous les acteurs impliqués dans l’émission et l’échange des cryptoactifs les réglementations auxquelles sont aujourd’hui soumises les institutions financières traditionnelles (licence bancaire, lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, accompagnement des investisseurs…).

– Encourager les banques centrales nationales et la Banque centrale européenne à accélérer leurs efforts de recherche sur le déploiement d’une cryptomonnaie banque centrale, qui présenterait tous les avantages des cryptoactifs privés, tout en étant garantie par la puissance publique.

Source : senat.fr