Le Salvador, un modèle qui (les) dérange

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Réaction au documentaire d’ARTE Salvador : un modèle qui dérange, diffusé le 2 mai dernier et toujours disponible sur le site de la chaine.


À voir. De très belles images. Il s’agit de critiquer le régime d’exception qui est appliqué depuis trois ans au Salvador, ce qui est pour le moins légitime, voire salutaire.

Ça part bien, on rencontre Blanca de l’OLOR de MAR à El Tunco qui est satisfaite : Il y a des touristes, avant elle avait très peur, maintenant plus du tout.

Une écervelée sans doute, qui ne voit pas le risque. Car, si « Les Salvadoriens ne craignent plus la criminalité, c’est un autre danger qui les menace ». Ça alors. Juste quand je migre dans le pays, il y a un nouveau danger et on ne m’a rien dit ? Les volcans, actifs peut-être ?
Non, le danger nouveau, c’est ça : « les habitants sont en sécurité mais avec parfois la crainte de disparaître dans une des prisons du pays ». Blanca n’a pas l’air d’avoir cette crainte, l’inconsciente. 90% des Salvadoriens sont favorables à Bukele, ont-ils « parfois la crainte » de disparaitre ? Je m’interroge, et j’imagine :
– Ça va Pedro ce matin ?
– Pas terrible amigo, j’ai ma crainte de disparaître dans une des nombreuses prisons du pays qui me travaille, ça me fait ça parfois.

Je sens poindre un possible biais dans ce docu, mais poursuivons.

On visite le Cecot. Horrible prison pour horribles criminels. 40 000 places. Un modèle dénoncé par des ONG mais qui plait à « l’extrême droite européenne » nous dit-on.

Puis un autre centre de détention, immense, l’Esperenza. Réinsertion à marche forcée, réductions de peine contre engagement. Mais voilà « Au détour d’une conversation dans un atelier, on comprend que certains ne savent même pas pourquoi ils sont là ». Des prisonniers qui se revendiquent innocents, incroyable, inédit !

C’est qu’on apprend que El Salvador a le plus fort taux d’incarcération au monde (c’est pas faux) avec 2% de la population ! Dingue ! 20 fois plus qu’en France ! Sauf que là, c’est faux, ultra pipeau.

Mettre 70000 pandilleras en prison ça fait du monde, le taux d’incarcération est donc très élevé : 1,09% ; pas du tout les 2% annoncés, quoi.

Passons sur cette marge d’erreur de facteur 2, n’y voyons pas le signe d’une démonstration à charge, certainement une erreur comptable. Alors on va voir Mario, clairement victime de l’arbitraire et d’ultra violences policières, amputé des deux jambes en prison puis libéré mais spolié. Le cauchemar.

C’est que, « après avoir goûté aux plaisirs de la sécurité les salvadoriens découvrent que leur démocratie est éclipsée par l’absence de l’état de droit. Toute critique du pouvoir est devenue dangereuse. La peur qui s’est instillée à tous les niveaux de la société est l’arme la plus efficace du pouvoir ; à celle de mourir sous les balles des gangs, il a substitué le silence, les disparitions, les rumeurs ». Description bien tournée d’un cauchemar à la RDA, que la voix off nous sort le plus sérieusement du monde. Si je ne connaissais pas le pays, bien sûr qu’avec une telle description, je n’y mettrais pas un orteil.

La réalité que je constate, moi, la peur qui subsiste chez les gens, c’est le retour des Maras ; que Bukele n’aille pas assez loin dans sa lutte, et qu’il oublie quelques membres de gangs, qui feraient renaitre de ses cendres la violence passée du pays.

Une jeune activiste, sincère et engagée nous décrit un enfer carcéral, les tortures, la surpopulation, etc. Elle affirme que cette période de paix relative dépend d’une trêve, ce qui met sérieusement en doute la qualité de son témoignage. Car la trêve est un fantasme d’opposant, une tentative pour salir Bukele ; jamais il n’y a eu de trêve entre le Salvador et les chefs des gangs sous Nayib. Si la paix dépendait de cette trêve, qui la ferait respecter côté gangs, vu que tous les chefs mafieux sont au CECOT ? Le biais se précise.

On va voir le redac-chef d’El Faro, le Ouest-France du coin. Ce journaliste est en danger, le gouvernement lui veut du mal, tellement qu’il ne veut pas qu’on dévoile où il réside ; bon, il est sous surveillance permanente de la police apprend-on plus loin, mais le narratif « on se cache des autorités » est vendeur, ça donne un peu de consistance à cette ambiance lourde que crée la dictature Bukele. Car c’est une dictature d’après ce hérault de la presse libre de Soros ; il l’affirme ici, comme il a soutenu dans sa feuille de choux toutes les calomnies contre l’administration du pays ; pour lui, d’ici dix ans, tout ça finira dans un bain de sang. Puis la voix off de nous conclure ce grand moment d’impartialité télévisuelle : « Pour le moment il n’est pas prévu que l’état d’urgence soit levé au Salvador ».

Encore une fois, ce documentaire mérite d’être vu, notamment pour les interview du ministre de la justice du Salvador. Mais son objectif est clairement de montrer aux spectateurs Français et Allemands que la sécurité, c’est pas mal, mais c’est dangereux. La ficelle « Ne votez pas pour un populiste, attention au revers de la médaille » est visible sous les couches de chiffres bidonnés et d’anecdotes plus ou moins probantes. 

Evidemment que l’état d’urgence a vocation à être provisoire, qu’il est prévu qu’il soit levé. Ce sont les Salvadoriens qui décident de la reconduite du dispositif ; leurs représentants élus votent la prolongation tous les mois, s’appuyant sur les sondages, incontestables, qui montrent un soutien selon les sources de 82 à 90% au régime d’exception.

L’intention de ce documentaire, diaboliser un régime qui met les criminels en prison, est claire et assumée. Cependant, on peut regretter qu’au passage, il considère le peuple Salvadorien comme irresponsable, incapable de voir son intérêt à moyen terme.

Pour lui, ce peuple ne vit pas juste son droit à la sécurité, non, « il goute aux plaisirs de la sécurité », l’inconscient. D’ailleurs, cette sécurité doit être toute relative, vu qu’on ne constate pas une éradication de la violence, mais « une accalmie« , selon Arte.

Ce mépris de classe néo-colonialiste, qui voit le bobo français dénoncer une surpopulation carcérale supposée est savoureuse quand on sait l’état de notre système pénitentiaire ; tout est à l’avenant, à part la sécurité retrouvée, rien n’est mis à l’actif de Bukele, pas un mot sur la croissance, la politique Bitcoin, la construction à marche forcée des infrastructures, l’ouverture au monde, l’élan incroyable qui anime tout un peuple enthousiaste et confiant en un avenir meilleur. Arte ici est le représentant parfait d’une Europe déclinante donneuse de leçons qui se croit encore le phare d’un monde qui l’ignore superbement. 

Et Bukele se marre.


A propos de l’auteur

Sébastien Gouspillou est cofondateur et Président de BigBlock Datacenter et de BBGS, sociétés qui conçoivent et gèrent à travers le monde des unités dédiées au minage de bitcoins exploitant des énergies renouvelables et fatales.