Dans une tribune publiée hier dans le journal Le Monde, Sébastien Gouspillou, cofondateur et Président de BigBlock Datacenter, revient sur deux études publiées dans les revues Nature Climate Change le 29 octobre et dans Nature Sustainability le 5 novembre. La première annonce que les émissions de gaz à effet provoqué par le minage de bitcoins pourraient à elles seules pousser le réchauffement climatique au-dessus de 2 ° C, la seconde compare l’empreinte écologique de « l’extraction » de bitcoins à celle de l’or.
Extraits de l’article :
« La première étude […] détermine une consommation par transaction à un moment T et estime que si le nombre de ces transactions se multiplie, la consommation électrique du réseau augmentera en proportion. Cela revient à dire que la consommation de l’éclairage d’une route sur laquelle passent 100 voitures par heure va être multipliée par 10 si ce sont 1000 voitures par heure qui passent demain. L’hypothèse de départ étant erronée, la conclusion de l’étude est fausse, sans surprise.
La seconde étude tente de démentir une évidence : l’extraction de l’or consomme 130 térawattheure (TWh), le bitcoin moins de 50 TWh. Et l’extraction de l’or a des conséquences autres que sa seule consommation électrique : acides, mercure, esclavage, guerre, destruction des paysages […].
Il est clair que cette consommation, considérable, peut apparaître comme un gaspillage flagrant si le bitcoin ne sert à rien. Certes, pour nous, la finalité du bitcoin est difficile à appréhender : nous avons des moyens de paiement satisfaisants, des monnaies solides et des institutions démocratiques qui ont notre confiance. Mais nous ne représentons qu’une petite partie de la population mondiale. Pour comprendre l’intérêt du bitcoin, Il faut savoir que près de 40 % des adultes de cette planète n’ont tout simplement pas de banque, pas de moyen de paiement, aucune possibilité d’entrer dans une mondialisation dont ils ne perçoivent que les effets néfastes […]. 33 % de la population mondiale vit sous la coupe d’un dictateur et de sa monnaie, manipulable, gonflable à l’infini et surtout, confiscable […] Pour tous ces gens sans banque, ou hors démocratie, pour ceux qui voient leur monnaie se déprécier jour après jour, le bitcoin a du sens, le bitcoin ne sert pas à rien.
Pour aller plus loin, il faut admettre que si la « preuve de travail » – c’est-à-dire l’utilisation par les « mineurs » d’une forte puissance de calcul pour sécuriser les transactions – est énergivore […]. [Mais] la consommation n’évoluera pas en proportion de l’adoption, le bitcoin ne fera pas rôtir la planète. Ce qui a fait augmenter la puissance de calcul du réseau jusqu’alors, c’est le cours du bitcoin, pas le nombre de transactions, même si historiquement les deux sont indirectement liées. Voilà ce que l’on observe jusqu’alors : le cours augmente, la récompense des mineurs augmente, ils ont les moyens d’investir dans plus de puissance de calcul pour accroître leur chiffre d’affaires. Donc, la puissance électrique du réseau augmente.
Cette mécanique nous est présentée comme un principe immuable alors qu’elle n’a pas vocation à être éternelle, puisqu’elle se heurte à une réalité physique : la disponibilité de l’électricité pour le bitcoin n’est pas extensible à l’infini. Le bitcoin n’impose pas son besoin d’électricité au monde, il demande aux compagnies productrices, souvent d’Etat, de pouvoir utiliser des kilowattheures (kWh) disponibles, voire perdus, donc bon marché. Ces compagnies déterminent ce qu’il est raisonnable d’attribuer à ce gros acheteur de courant à prix “discount”, interdisant de fait tout développement quand la limite est atteinte : on assiste à ce phénomène au Québec ou en Géorgie. [Aujourd’hui] pour augmenter la puissance de calcul en proportion d’une forte augmentation des cours, il faudra recourir à l’amélioration de l’efficacité énergétique des machines et à la création de nouvelles sources de production électriques partagées et cofinancées par le mining (minage).
Cette activité permet d’ores et déjà d’apporter une source de rentabilité à des projets de production électrique durable, en assurant sur site, où qu’il soit et quelle que soit sa taille, un “talon” – un socle minimal de consommation garantie ; aucune autre industrie ne peut faire cela, le “mining” se positionne donc comme un moteur de la transition énergétique, à l’inverse de l’image destructrice qu’on lui prête. »