Les questions environnementales liées aux crypto-monnaies en général et au bitcoin en particulier font partie des plus controversées. Si le sujet est moins abordé que l’arrivée de la fameuse bulle, la valeur du BTC et sa spéculation ou encore sa fiscalité, il est pourtant essentiel. Certes, vous n’entendrez jamais le banquier de HSBC ou Jamie Dimon s’égosiller sur la prétendue pollution engendrée par le système bitcoin. Ceux-là se contenteront plutôt de défendre leurs produits ou de se dégager de la responsabilité des dernières crises financières qu’ils ont pourtant provoquées. Mais c’est un autre sujet…
En matière environnementale, le bitcoin est accusé de tous les maux. Il est rare de trouver des études claires, précises et surtout objectives sur le sujet. Alors que l’intérêt et la valeur des crypto-monnaies fait débat, l’unanimité semble l’emporter quant à la catastrophe environnementale provoquée par le bitcoin. Qu’en est-il vraiment ? Est-ce une vérité bien étable ? Certaines informations sont-elles cachées ou peu communiquées ? Quelques réponses dans cet article.
La vérité ! Le bitcoin, ça pollue ?
Tel Serge Benamou dans La Vérité Si Je Mens, la vérité pour beaucoup est que la technologie blockchain derrière le protocole bitcoin est polluante. Toutefois, le terme de pollution est mal choisi. Le bitcoin est objectivement une technologie qui a besoin d’une quantité monstrueuse d’énergie pour fonctionner. Ceci est malheureusement la vérité.
Le terme monstrueux n’est pas usurpé. Selon le (a priori) très sérieux site Digiconomist, le protocole bitcoin a consommé, en 2017, l’équivalent de la consommation annuelle et totale de la… Bulgarie. Environ 36 TWh ! Si le bitcoin était un Etat, il serait le 59ème en terme de consommation énergétique. Une consommation d’électricité astronomique ! Une transaction bitcoin nécessite 304 KWh… soit la consommation de 10 foyers américains chaque jour ! (34 KWh par jour pour un foyer américain est d’ailleurs un chiffre énorme…).
Comment expliquer une telle dépense d’énergie ? Par le système de validation appelé proof-of-work (preuve de travail). Pour résumer simplement, le proof-of-work consiste, pour un ordinateur, à résoudre une équation mathématique complexe afin de valider une transaction en bitcoin. Une fois validée, la transaction est confirmée par l’ensemble des ordinateurs du réseau et un nouveau bloc est ajouté à la blockchain. Ok, très bien… mais ça n’explique par la consommation ! En fait, les ordinateurs font la course entre eux et le premier qui valide est récompensé en bitcoin. Un gain important pour le mineur. Cette course explique la consommation folle car la puissance demandée est très importante. Vous le constaterez si vous essayez de miner chez vous. Vos factures EDF seront votre cauchemar !
Au passage, l’ethereum n’est pas bien mieux selon Digiconomist, en étant classé 97ème. Toutefois, pour ce dernier, le nombre de transactions est bien supérieur. La blockchain Ethereum n’est pas, contrairement au bitcoin, cantonnée à une simple crypto-monnaie, en l’occurence l’ether. Ce sont surtout les fameux cryptokitties qui font exploser le nombre de transactions… Cette donnée nous permet toutefois d’affirmer que l’énergie nécessaire pour valider une transaction qui n’est pas un échange de crypto-monnaie semble bien plus raisonnable. Et c’est un point très positif pour l’ensemble des applications possibles grâce à la technologie blockchain.
Mais ce qui est le plus important, et essentiel sur cette question du bitcoin et de l’environnement, c’est comment l’électricité nécessaire est produite. Or, vous trouverez bien peu d’articles faisant la distinction entre la consommation d’électricité et la production de cette dernière.
Une bonne partie du mining s’effectue en Chine. Selon le site Digiconomist, la raison principale serait que le faible coût de l’électricité sur place. En Chine, l’électricité est majoritairement produite avec des mines de charbon (ce qui est vrai). Pourtant, rien ne prouve que l’électricité consommée pour les mines à bitcoin sont effectivement produites avec du charbon.
En conséquence, si la consommation électrique pour une simple transaction est effectivement colossale et trop élevée, la production de cette électricité est bien plus nuancée qu’il n’y paraît.
Le mensonge : non, le bitcoin n’est pas aussi sale qu’il en a l’air
Tout d’abord, sans même discuter de la source d’énergie, la consommation n’est pas aussi folle qu’on croit. CNBC vient de récemment remettre en cause les chiffres de Digiconomist, qui ne sont que des estimations. Ces dernières sont notamment fondées sur des investissements très importants, probablement bien plus que la réalité. Ainsi, si la consommation par transaction n’est pas à remettre en cause, ce sont plutôt les estimations annuelles et futures qui le sont.
En outre, Digiconomist ne tient compte que des transactions dites on-chain en occultant les off-chains. Qu’est qu’une transaction off-chain ? Il s’agit d’une transaction qui n’apparaît pas sur la blockchain publique. C’est notamment le cas lorsque que Coinbase ou une autre plateforme devient un tiers de confiance dans les échanges. Les bitcoins sont transférés d’une adresse à une autre, sous le contrôle d’un tiers de confiance qui garantit la transaction. Votre clé privée est conservée par ce dernier. On peut grossièrement comparer cet aspect avec le système bancaire qui contrôle votre monnaie scripturale, à savoir les dépôts sur votre compte bancaire.
Avec le système Lightning Network qui est actuellement mis en place, le tiers de confiance ne sera même plus utile pour garantir l’effectivité des transactions off-chain. Mais que vient faire l’environnement avec ces transactions ? Elles n’apparaissent pas sur la blockchain publique et ne font pas partie des fameuses 7 transactions par seconde. Ces dernières ne seraient alors, à titre d’exemple, que des transactions de compensation entre adresses. En effet, leur confirmation est immédiate et ne nécessite pas le calcul informatique complexe évoqué plus haut. Elles sont donc bien moins gourmandes en énergie. Or, ces transactions off-chain seront bien supérieures aux transactions on-chain Lightning Network lorsque le système sera implanté un peu partout.
Lorsqu’il s’agit d’évoquer la source de production de cette électricité, les informations fiables sont bien plus rares. Dans son excellent ouvrage s’intitulant La Révolution Blockchain, Philippe Rodriguez évoque les mines de bitcoins installée près de Dalian en Chine générant environ 4 050 bitcoins par mois. Dans cette contrée rurale de l’Empire du Milieu, et ce malgré le faible coût de l’électricité, 80 000 $ par an sont nécessaires pour que les 3 000 mineurs puissent travailler convenablement. Pour faire face à ce coût et à la vétusté du matériel, les mineurs s’approvisionnent en énergies renouvelables (éolien, hydrolique, solaire) dont le Tibet voisin est un fer de lance. Outre leur impact environnemental estimé à zéro, mis à part la fabrication du panneau solaire ou de l’éolienne, leur coût est moins élevé que le charbon et leur rendement est supérieur. On est loin des mines de charbon, n’est-ce pas ?
Si les mines de bitcoins ou d’autres crypto-monnaies sont bien moins présentes en Europe, elles n’ont pas été installées n’importe où. En effet, les principales se trouvent en Islande et tournent grâce à de l’énergie verte. Le pays est connu pour ses ressources en géothermie et les mineurs en profitent. Et il se dit que les autres mineurs aimeraient suivre le chemin vertueux des mines islandaises.
Dans Blockchain : la révolution de la confiance, Laurent Leloup donne la parole à Pierre Noizat, fondateur Paymium, qui évoque la consommation énergétique du système bancaire. Entre les distributeurs, l’impression des billets, les agences physiques ou encore les data centers, la consommation du système bancaire est bien supérieure. Et nous ne comptons même pas les transactions effectuées par carte bancaire… La comparaison est intéressante mais elle souffre d’un problème de taille : la monnaie classique (fiat) a des centaines de longueurs d’avance sur les crypto-monnaies. On peut difficile vivre avec seulement des bitcoins aujourd’hui.
De belles perspectives soumises à une difficulté technique majeure
Il est donc difficile de se faire une véritable idée. Certes, les mines de bitcoins ou d’autres crypto-monnaies sont consommatrices d’énergie. La raison est le consensus en proof-of-work. Toutefois, la difficulté réside dans la confusion grave entre consommation électrique et production de ladite électricité. En effet, consommer 1 TWh produit grâce à de l’énergie solaire aura un impact moins négatif sur l’environnement qu’1 KWh produit au charbon. Affirmer que la seule consommation d’énergie de la blockchain bitcoin est un problème pour l’environnement est donc faux.
Tout le problème réside dans la source d’énergie des mines chinoises. L’information est difficile à trouver, notamment chez les premiers intéressés : les pools de minage comme Antpool. L’opacité règne et les avis divergent. On ne peut donc se fier qu’à des sources, comme Philippe Rodriguez qui ne font que citer des personnes travaillant effectivement dans les mines. J’ai même été contacté par une personne sur LinkedIn m’affirmant qu’il s’était rendu dans certaines mines chinoises. Ces dernières fonctionneraient non seulement grâce à de l’énergie verte mais auraient même électrifié les villages aux alentours !
Toujours est-il que les mineurs ont pris conscience du problème et que les sources d’énergie renouvelable sont recherchées. Certains (petits) pools, comme HydroMiner, en plus des Islandais, fonctionnent déjà à l’énergie verte. La solution existe et il faut donc être optimiste. En outre, les mines fonctionnant à l’énergie solaire pourraient devenir, à court terme, des business extrêmement rentables. Le coût de l’énergie solaire diminue d’année en année, au point devenir l’une des sources d’énergie les moins chères du marché.
La difficulté réside plutôt du côté technique. A ce jour, le consensus en proof-of-work est le seul à garantir une sécurité absolue du protocole. Le consensus en proof-of-stake, qui est déjà adopté par certains et va normalement l’être par Ethereum en 2018, consomme bien moins d’énergie mais la sécurité n’est pas absolue. Ainsi, s’il est essentiel de faire passer au vert les mines de bitcoins, il est tout aussi, si ce n’est plus, important que les développeurs trouvent une solution qui allie la sécurité de la proof-of-work et une moindre consommation d’énergie.