L’archaïsme bancaire et administratif face au confinement et à la révolution Bitcoin

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En ce temps de confinement, les faiblesses des systèmes apparaissent de manière flagrante dans bien des domaines. Pour ma part, j’en fais l’expérience ces derniers jours dans la création d’entreprise.

Sans m’étendre sur toute la difficulté de pouvoir ouvrir un compte bancaire pour une entreprise active dans le secteur émergeant des cryptomonnaies, même lorsque l’activité est saine et transparente, mon expérience met en valeur certaines faiblesses du système dans la création d’entreprise et la liberté d’entreprendre.

En 2017, je fonde IndéNodes Sàrl, une entreprise active dans le minage de cryptomonnaies, particulièrement sur le réseau Komodo. Nous avons été les premiers en Suisse à fonder une entreprise avec un apport en bitcoins.

Techniquement, de mon point de vue, la démarche semblait simple, rapide, sécurisée, décentralisée et totalement transparente :
– Je génère une adresse Bitcoin.
– Les fondateurs versent leurs bitcoins sur cette adresse.
– Je crée une preuve cryptographique que le compte est bel et bien sous mon contrôle.

Toutes ces actions peuvent se faire depuis mon ordinateur personnel en quelques minutes, 24h/24, 7/7 et sans demander l’autorisation à qui que ce soit. Cerise sur le gâteau, c’est quasiment gratuit !

C’est la magie derrière la révolution économique et administrative initiée par Bitcoin.

Malgré l’excellent travail préparatoire de l’avocat Vincent Mignon et l’ouverture d’esprit du notaire et du registre du commerce de Neuchâtel, cette simplicité a été gâchée par la nécessité de faire appel à un expert comptable pour « évaluer » l’apport en nature, à savoir les 3 BTC de l’adresse de consignation. Résultat, on m’a demandé une capture d’écran (falsifiable) de mon compte Bitcoin, qui je le rappelle est un registre PUBLIC infalsifiable. J’ai refusé cette mascarade et j’ai proposé à la place une petite « marche à suivre » de trois lignes pour faire les choses dans les règles de l’art : signatures cryptographiques et contrôle sur la blockchain publique, aucune fraude possible. Bien entendu, le poids de l’habitude et l’ignorance a été plus fort. Je vous passe tous les autres archaïsmes que la procédure a demandés (notamment un certificat auprès de Bity pour établir le prix du BTC, valeur que l’on peut trouver sur tous les moteurs de recherches ou sur le site de l’administration fédérale des contributions). Au final, la société a été créée et l’expérience a été riche en enseignements. Mais j’ai constaté que ce que je croyais facile s’est révélé plus complexe, car inadapté au cadre administratif rigide et conservateur. Cela m’a coûté plus cher qu’une création classique et demandé plus d’attention. J’ai pu le comparer, car j’ai créé deux autres sociétés de manière plus classique un mois auparavant.

IndéNodes Sàrl prospère depuis plus de deux ans à présent. Nous n’avons pas de compte bancaire, car aucune banque ne veut nous en accorder un (les cryptomonnaies sont sans nuance motif d’exclusion bancaire, même en Suisse). Nous sommes une entreprise débancarisée tant par choix que par la force des choses. Cela ne nous empêche pas de poursuivre nos activités avec succès.

Aujourd’hui, avril 2020, je m’apprête à fonder deux nouvelles sociétés avec de nouveaux associés : Condensat Group SA (une holding, tout ce qu’il y a de plus classique) et Condensat Technologies SA (une société fille de la première qui se concentre sur le développement informatique), rien de très exotique sur le papier. Suite à mon expérience de 2017, à l’envie de se simplifier la vie et de créer rapidement les deux personnes morales, nous optons pour la solution classique : créer un compte de consignation, notaire et basta.

Je ne vais pas revenir sur ma difficulté de bancariser des entreprises qui touchent de près ou de loin à Bitcoin, mais un problème bien plus général : la difficulté d’ouvrir un compte bancaire durant le confinement.

Et oui, nous essayons de créer une entreprise pendant cette crise sanitaire mondiale. Quelle idée, alors que les entreprises déjà existantes ont bien du mal à y survivre. Ma foi, on a été surpris par la crise et ses conséquences comme tout le monde. Et bien figurez vous qu’il est extrêmement difficile aujourd’hui d’ouvrir un compte pour une nouvelle entreprise, il est même compliqué d’obtenir un correspondant auprès des banques. Les raisons sont simples : elles doivent s’adapter au télétravail et, surtout, elles doivent traiter tous les dossiers des demandes de crédit aux entreprises. Autant dire que nous sommes coincés et devrons prendre notre mal en patience. Une banque a néanmoins accordé un compte compte de consignation pour Condensat Group SA (mais pas de compte bancaire courant, M. Jeannerat, vous travaillez dans les cryptos, il faudrait traiter votre dossier plus en profondeur, mais on n’en a pas le temps. Vous comprenez ?). Si nous n’obtenons finalement pas de compte bancaire, il deviendrait impossible de débloquer le capital de fondation de notre entreprise. Sorry for your loss : not your bank, not your FIAT. Vous la voyez l’épée de Damoclès ?

En résumé, nous sommes bloqués par un intermédiaire souvent négligé dans le processus de création d’une entreprise. Un intermédiaire inutile selon l’expérience d’IndéNodes Sàrl, il est parfaitement possible de se passer des banques au prix d’une lourdeur administrative et des frais supplémentaires pénalisants. J’ai l’impression d’être pris en otage entre un système administratif qui a « privatisé » la consignation du capital et des banques fragiles dépassées par les événements (la pandémie, mais aussi fermeture d’esprit face à la révolution Bitcoin). J’ignore comment évoluera notre système suite à la pandémie, mais j’espère sincèrement que la population prendra conscience de l’importance de récupérer son autonomie économique grâce aux outils offerts par la révolution Bitcoin. J’espère que l’administration et les lois accompagneront cette émancipation grâce au Peer-to-Peer. Cela ira dans le bon sens, car en temps de crise, on constate que la simplification et l’autonomie des individus résistent mieux aux défis qui nous sont imposés.

Je conclurai par mon credo depuis 2013 lorsque j’ai réalisé le changement de paradigme que représente Bitcoin : n’achetez pas bêtement des jetons cryptographiques, utilisez plutôt les fonctionnalités des protocoles P2P pour récupérer votre indépendance économique et expérimenter une totale liberté d’entreprendre. Vivez l’expérience grisante de ne plus dépendre d’un système bancaire aux abois, anachronique. Vous pourrez compter sur mes sociétés (et plein d’autres) pour vous y aider, car le projet de Condensat est justement de faire profiter à tous de la révolution Bitcoin, pour plus de transparence, d’indépendance, de liberté et de respect de la vie privée.

D’ailleurs voici une petite liste non-exaustives d’entreprises francophones qui utilisent les puissants outils issus de la révolution Bitcoin :

  • Bity (Suisse) : qui offre la possibilité sur leur site et par un réseau de distributeurs physiques, d’acheter et vendre des bitcoins, outil de change indispensable.
  • Woleet (France) : spécialisé dans la signatures dématérialisées sécurisées, un outil fantastique pour signer des documents depuis chez soi.
  • Ledger (France) : fabricant et développeur de hardware pour sécuriser de manière autonome vos clés privées, on ne les présente plus.
  • Bitconseil (France) : des vrais spécialistes qui comprennent la technologie et connaissent l’écosystème depuis plus de 6 ans, il ne s’agit pas de clowns qui déclarent spécialistes après trois mois d’expérience (attention aux charlatans).

Vous pourrez retrouver une partie de ces entreprises novatrices même pendant le confinement lors de la prochaine Table ronde virtuelle du Cercle du Coin. L’occasion d’en apprendre plus sur tous les potentialités techniques qu’offrent la révolution Bitcoin.


A propos de l’auteur

Administrateur du Cercle du Coin, entrepreneur et éditeur, Lionel Jeannerat a récemment publié Objective Thune, essai satirique de Jacques Favier et Philippe Ratte, illustré par Pamina Calisti (éditions Plaisir & Valeur d’Histoire).