La révolution Bitcoin et la régression Blockchain… ou l’illusion d’une décentralisation financière sans jetons natifs.

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Il est toujours compliqué de résumer dans un petit article toutes les leçons que j’ai pu tirer de mon expérience de près de 7 ans d’activité sur Bitcoin et d’autres protocoles alternatifs d’échange économique. C’est un ras-le-bol qui aujourd’hui me pousse à tenter l’exercice.

Pourquoi un tel ras-le-bol ? Simplement parce que j’en ai marre de m’entendre dire que « la technologie Blockchain » c’est l’avenir, que Bitcoin c’est de la spéculation. J’en ai aussi marre d’être le pestiféré des banques qui feraient mieux de soigner leur schizophrénie : elles ne veulent pas ouvrir de compte en banque à des sociétés actives dans les cryptomonnaies, mais par contre elles ne crachent pas sur la gestion de fortunes issues de plus-values sur ces mêmes cryptomonnaies. À les entendre, elles investissent massivement dans « la technologie blockchain », mais pas dans Bitcoin ni dans aucune cryptomonnaie. Pour eux, la révolution Bitcoin n’a aucune valeur, ce qui compte c’est la « technologie ». C’est toujours amusant de voir des banquiers affirmer devant moi qu’ils ont tout compris en lisant le journal, alors qu’il m’a fallu des années pour véritablement comprendre toutes les perspectives qu’offre la révolution Bitcoin.

Détournement de Tintin et le Lotus bleu et le sceptre d’Ottokar. https://www.facebook.com/Le-trésor-du-jour-daprès-110534533942391

Je ne vais pas m’étendre sur le succès du mot creux de « technologie Blockchain ». Il a sans doute été inventé par des spécialistes du marketing plus soucieux de siphonner de l’argent aux départements R&D et aux investisseurs mal informés, que de comprendre exactement ce qu’il y avait véritablement de disrupteur (moi aussi je peux utiliser des mots à la mode) avec Bitcoin et les cryptomonnaies.

La révolution Bitcoin n’est pas une technologie révolutionnaire

Bitcoin n’est pas le bolide de course que vendent les marchands de « technologie Blockchain ». C’est l’agencement très intelligent de techniques cryptographiques qui ne sont pas particulièrement nouvelles (ce qui est souvent une bonne chose dans la cryptographie). Bitcoin est un protocole plutôt lent, basé sur un consensus très conservateur. On est loin de l’image d’Épinal d’une révolution technologique qui rime souvent avec vitesse et hyperadaptabilité à un monde numérique en changement constant. De plus, le fonctionnement de Bitcoin coûte globalement bien plus cher que n’importe quel gestionnaire de données centralisé ou distribué déjà existant. Il est tout de même ironique de constater que cette lenteur, ce conservatisme et ce coût élevé se cristallisent justement dans sa blockchain, le mot tiroir que tout le monde a à la bouche. Une blockchain n’est donc pas un fichier particulièrement efficace pour gérer et stocker des données.

Et bien, la révolution Bitcoin est contre-intuitive. La lenteur et le conservatisme sont sa force pour servir le projet que le protocole rend possible : la possibilité de construire un système financier public et ouvert sur un socle d’une solidité à toute épreuve.

Il m’a fallu des années à comprendre toute la valeur de ce socle inébranlable. Celui-ci ne se fonde pas sur une technologie comme pourrait l’être le moteur de recherche de Google, un algorithme révolutionnaire ou un objet aussi pratique qu’un smartphone.

Bitcoin est un ensemble de choses : une infrastructure informatique mondiale, publique et ouverte qu’aucun acteur privé ou étatique ne pourra jamais rêver mettre en place seul (coucou Libra, coucou les banques centrales), un consensus incroyable qui rend possible les échanges de valeur sur internet sans nécessité de tiers de confiance (coucou tous les projets de blockchain non publics), un registre de jetons que l’on ne peut imprimer selon les intérêts des uns ou des autres.

Et c’est aussi un code open source et libre que chacun peut copier… Mais c’est bien là seule chose que l’on peut emprunter à Bitcoin.

Bitcoin est une infrastructure qui s’est organiquement construite depuis plus de 10 ans. C’est un bien commun. Il se rapproche bien plus d’un réseau routier que d’une technologie.

Le jeton natif et « spéculatif » n’est pas une option

Après avoir mieux défini en quoi le réseau-protocole Bitcoin initie une révolution et en quoi spéculer sur une technologie Blockchain n’a pas de sens, je vais m’attaquer à une autre illusion de la « technologie Blockchain » et du soi-disant problème de Bitcoin : les jetons bitcoins (BTC).

J’entends dire « C’est juste de la spéculation. La valeur du BTC fluctue sans cesse, impossible de construire un système de payement stable. » Alors oui, le prix du BTC est de la spéculation, mais comme toutes les matières premières (on a bien vu dernièrement le pétrole atteindre des prix négatifs), le BTC est un objet incongru. Je partage l’avis de certains qui le définissent comme une nouvelle classe d’actifs.

Mais le BTC est au cœur de la révolution Bitcoin. C’est parce qu’il n’est adossé à aucune valeur externe que Bitcoin construit sa neutralité et sa décentralisation. C’est grâce aux BTC minés que Bitcoin possède une inégalable sécurité, malgré sa décentralisation et son ouverture publique. Il est fantastique de voir une infrastructure libre de cette ampleur s’autofinancer sans dépendre de financements publics ou de dons.

Avec son jeton natif, Bitcoin peut se concentrer sur une tâche unique, mais fondatrice : sécuriser et transférer une valeur qui ne dépend que de lui-même.

Lorsque vous entendez « Blockchain sans cryptomonnaie », « Blockchain basée sur un stable coin », fuyez, pauvres fous ! Ces projets passent forcément à côté d’une révolution qui n’a de sens que par son indépendance et sa neutralité.

Il n’y a qu’une seule révolution Bitcoin

Je me suis concentré jusqu’à présent sur Bitcoin, mais je considère toutes les tentatives d’alternatives de protocoles d’échanges libres et publics comme des descendants de Bitcoin. Certes, je considère aujourd’hui que Bitcoin est irremplaçable, mais je sais reconnaître que l’expérimentation sur d’autres protocoles sont de précieuses expériences sociales et techniques qui profiteront in fine à la révolution Bitcoin.

Bitcoin est stable, sécurisé et fonctionnel. Je ne comprends plus la nécessité de vouloir le remplacer par un système soi-disant plus rapide, moins spéculateur, plus ou moins truc ou machin. Bitcoin est un bien commun sans frontières qui évoluera si nécessaire selon le consensus de ses contributeurs.

Et surtout, il est possible de poursuivre cette révolution avec le protocole Bitcoin, sans demander l’autorisation à personne, sans craindre pour la sécurité, sans devoir reconstruire toute l’infrastructure.

Mais pour cela, il faut faire un deuil : celui de croire que la révolution fait fausse route parce qu’elle ne sert pas uniquement mes intérêts.

Je ne prétends pas que Bitcoin est parfait. Je dis juste que l’énergie et l’argent que l’on dépense parfois à le remplacer seraient peut-être mieux investis dans son développement.

Bitcoin n’est pas un ennemi, c’est une opportunité

Telle est ma conclusion. Les banques, les États et bien d’autres tentent (consciemment ou inconsciemment) de stopper la révolution Bitcoin : en refusant des comptes bancaires à des entreprises, en interdisant son utilisation, en gaspillant de l’argent dans des projets « technologie blockchain » censés juguler la révolution. Mais il me semble vain de lutter, car la révolution Bitcoin est en marche et elle est sans frontières, acéphale et publique. Tout comme le partage de fichiers sur internet, ce n’est ni des HADOPIs ni des spots antipiratage sur les DVD qui ont freiné l’accès simplifié de la culture par internet.

Au contraire, les États démocratiques et les entreprises visionnaires devraient y voir l’opportunité que Bitcoin représente pour automatiser, rendre transparent et sécuriser des processus administratifs et comptables. Il y a des économies substantielles et des améliorations inédites à réaliser. Pas besoin de spéculer sur le BTC pour utiliser Bitcoin, il suffit d’accepter son protocole et payer, lorsque c’est nécessaire, des frais ridicules pour le niveau de service que le protocole propose. C’est là tout l’intérêt de développer des surcouches, privées ou publiques, sur le protocole qui est le socle le plus solide sur lequel on peut construire l’administration automatisée de demain.

C’est cette vision qui m’a motivé à monter à bord de Condensat Group qui va créer des solutions de gestion bancaire qui s’inscrivent dans la révolution Bitcoin. C’est pour cette raison que j’utilise et soutiens les projets de certification de Woleet. Les entreprises qui ont pris le train sont nombreuses.

C’est pour cette raison que je me réjouis de pouvoir réutiliser lightning pour payer une tournée quand le confinement m’en redonnera l’occasion. Et je me réjouis de découvrir toutes les innovations que me réserve cette révolution Bitcoin.

Ne spéculez pas sur les bitcoins (les jetons), utilisez Bitcoin (le protocole).


A propos de l’auteur

Administrateur du Cercle du Coin, entrepreneur et éditeur, Lionel Jeannerat a récemment publié Objective Thune, essai satirique de Jacques Favier et Philippe Ratte, illustré par Pamina Calisti (éditions Plaisir & Valeur d’Histoire).