La justice va se prononcer sur le statut du Bitcoin

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Le Bitcoin est-il une monnaie virtuelle ? La réponse peut sembler évidente pour ses nombreux utilisateurs mais ne tombe pas sous le sens au regard du droit français. Dans le cadre d’un litige qui oppose la banque CIC à l’un de ses clients dans le Val-de-Marne, la justice française devra dans les prochaines semaines se pencher sur cette épineuse question.

Depuis quelques mois, le Bitcoin, une monnaie virtuelle créée en 2009, affole l’Internet et les marchés financiers. Le système, qui fonctionne grâce à un logiciel gratuit de peer-to-peer, permet d’effectuer des transactions entre ses différents utilisateurs sans intermédiaire bancaire ou étatique, donc sans frais ni taxes et dans le plus parfait anonymat (voir vidéo en anglais http://www.youtube.com/watch?v=Um63OQz3bjo).

Convertir les bitcoins en quinze monnaies officielles
Devant le succès rencontré par cette monnaie, plusieurs centaines de commerces en ligne acceptent désormais ce moyen de paiement, tout comme certaines associations activistes, telles que Wikileaks ou les Anonymous. Mais ce qui a suscité un véritable emballement, c’est l’apparition de sites spécialisés dans l’échange de Bitcoins en devises officielles. Depuis le début du mois,Mt.Gox, leader mondial en la matière, propose de convertir les bitcoins en quinze monnaies officielles, du dollar à l’euro mais aussi en roubles ou en yuans chinois, percevant au passage des frais de transaction défiant toute concurrence.

Dans la zone euro, le site Mt.Gox, filiale de la société Tibanne, basée à Tokyo, travaille avec un intermédiaire basé en région parisienne, la SAS Macaraja. Elle enregistrait, jusqu’à ce que le CIC ne clotûre son compte, « environ 500 transactions par jour » selon son président, qui souhaite rester anonyme. Le CIC a alors fermé une première fois son compte en juillet dernier, estimant que celle-ci exerçait une activité bancaire et d’agent de change sans en détenir l’autorisation. Lors du solde, le compte de Macaraja était crédité de plus d’un million d’euros, correspondant aux dépôts des clients Bitcoins de la société. Le gérant de la société se tourne alors vers six autres banques (Barclays, Bred, Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale et HSBC) pour y ouvrir un compte, sans succès. Macaraja étant dans l’impossibilité d’exercer son activité sans compte bancaire, elle a fait un recours devant la Banque de France, qui lui reconnait un « droit au compte » et enjoint le CIC de l’héberger.

Déjà de la spéculation
Après plusieurs jugements depuis le mois de juillet, le CIC a systématiquement perdu. Le dernier jugement en référé, rendu le 31 août dernier, laisse le soin au juge du fond d’estimer si le bitcoin est ou non une monnaie virtuelle. Devant le tribunal, le patron de Macaraja assure que le bitcoin est un simple « bien immatériel créé gratuitement à partir d’un logiciel gratuit, ne constituant pas un titre de créance et n’ayant pas de contrepartie ». Ce qui est cocasse, dans la mesure où le site officiel de Bitcoin le décrit comme une « monnaie virtuelle P2P » et que le succès de Mt.Gox et d’autres sites d’échange de Bitcoins est fondé sur la spéculation du Bitcoin, dont la valeur s’est envolée ces derniers mois, passant de quelques centimes pour un bitcoin à un pic de 23 € pour finalement redescendre jusqu’à environ 5 € actuellement.

« En l’état actuel de la loi, je suis gagnant », estime le patron de Macaraja. Dans l’Union européenne, qui fait autorité en matière de législation monétaire, le bitcoin ne correspond à aucune définition juridique. Le seul risque pour Macaraja serait que le juge s’appuie sur « l’esprit de la loi », auquel cas son dirigeant prévoit de faire appel. Le CIC n’a pas souhaité faire de commentaires. L’affaire sera jugée par le tribunal de commerce de Créteil le 18 octobre à 10 heures.