« On peut considérer bitcoin comme une devise convertible non pas en or mais en un substitut virtuel de l’or, car la quantité de bitcoins est limitée asymptotiquement, dès la conception, à 21 millions de bitcoins.
Tout comme l’or, les bitcoins peuvent être assimilés à des obligations sans échéance. Mais à la différence de l’or, les bitcoins peuvent être divisés indéfiniment et n’impliquent aucun frais de stockage. D’après les estimations de GFMS, fin 2010, le stock d’or extrait se chiffre à hauteur de 166 600 tonnes, ce qui, au prix moyen de l’année 2010, représente 6500 milliards de dollars dont environ 2400 milliards constituent des réserves privées ou officielles, sous forme de pièces ou de lingots. Le stock total moins les 30 000 tonnes correspondant aux réserves officielles mondiales en août 2011, nous donne une estimation de 1230 milliards de dollars pour le marché de l’or, en tant que réserve de valeur. Si l’on devait calculer un taux de change du bitcoin avec le dollar sur la base de ces chiffres, on obtiendrait un taux de change de 600$ pour 1 BTC, si les bitcoins représentaient 1% du marché privé de l’or comme instrument de couverture.
Dans le même esprit, si l’économie bitcoin devait croître à hauteur de 5% du PIB des Etats-Unis (c’est-à-dire 725 milliards de dollars) et en supposant une vélocité monétaire du bitcoin égale à 50, équivalente au dollar pour les petits montants, un bitcoin représenterait l’équivalent de 700$.
Cela équivaudrait à une valeur projetée de 15 milliards de dollars pour le réseau bitcoin. C’est un ordre de grandeur cohérent avec la capitalisation boursière de Visa, Inc. (55 milliards de dollars) ou de MasterCard (39 milliards de dollars). Acheter des bitcoins aujourd’hui, c’est acheter des actions pour un nouveau réseau mondial de transactions électroniques. À 10$ en août 2011, soit une valorisation du réseau bitcoin établie à 210 millions de dollars, les bitcoins sont clairement sous-évalués même en admettant que d’autres devises universelles pourraient entrer en lice.
On pourrait imaginer qu’une telle évaluation pousserait un investisseur à se procurer l’ordinateur le plus puissant au monde (le “K-computer” au Japon, en juin 2011) pour prendre le contrôle du réseau bitcoin. Cependant, une telle manœuvre ne réussirait qu’à faire fuir temporairement les participants de base – les “mineurs” – et réduirait fortement la liquidité des bitcoins aussi longtemps que durerait l’attaque. Le superordinateur resterait à l’arrêt, en dissuadant tout vendeur potentiel et en repoussant les intrus. En d’autres termes, pour atténuer les risques, ce nouvel acteur devra lui-même acquérir une quantité suffisante de bitcoins afin de maintenir l’économie bitcoin à flot après le hold-up, en espérant toutefois que les acheteurs reviendraient, après cette transition quelque peu chaotique…
De plus, au moment même où l’attaque serait prête, il n’est pas dit qu’un tel superordinateur serait à la hauteur de la puissance de hachage des nœuds actuels, dont la puissance cumulée croît jour par jour. Au vu de l’incertitude entourant l’issue d’une telle manœuvre d’agression, il est beaucoup plus raisonnable pour un investisseur rationnel de simplement acheter des bitcoins, exactement de la même manière dont il achèterait les actions d’une start-up.
Une autre forme d’attaque, encore plus naïve, consisterait à acheter des “pools” de mineurs au sein du réseau bitcoin. En rejoignant un pool, un mineur reçoit une fraction du flux de bitcoins générés par le pool, en échange de la puissance de hachage combinée de l’équipe. La part d’un mineur est calculée sur la base de sa contribution à la puissance de calcul du pool.
Un mineur, seul, peut subir une longue traversée du désert, avant de gagner la récompense de 50 bitcoins associée au calcul d’un nouveau bloc intégré à la chaîne de transactions bitcoin. Statistiquement, l’espérance de gain est la même, seulement, la rémunération est plus régulière lorsqu’on fait partie d’un pool. De ce fait, un mineur n’a aucun intérêt à rester au sein d’un pool dirigé par un investisseur hostile. Le mineur changerait tout simplement de pool ou commencerait le minage en solo.
Cette analyse reste vraie même après que tous les bitcoins ont été « frappés ». En fait, l’incitation à miner des blocs de transactions, c’est-à-dire participer à leur validation par le réseau, sera maintenue par l’accroissement du nombre des transactions combiné à la hausse de la valeur des bitcoins : bitcoin est un système autonome car autorégulé et doté d’un système d’incitation pérenne. »
Auteur : Pierre Noizat
Source : paristechreview.com