« La croissance de Bitcoin est terminée »… vraiment ?

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« Faute de s’intéresser à l’usage réel de Bitcoin et des cybermonnaies en général, les spéculations sur leur avenir passent sous silence une réalité lourde de conséquences : depuis février 2018, le système Bitcoin fonctionne à sa limite pratique de capacité. Le nombre de transactions en bitcoins ne dépassera jamais sa valeur actuelle. La croissance de Bitcoin est terminée. »

 

> Article de Gérard Dréan à lire sur contrepoints.org 


Quelques observations à propos de cet article :

– « Depuis février 2018, le système Bitcoin fonctionne à sa limite pratique de capacité »
Ce n’est pas exact, les blocs étaient « pleins » de novembre 2017 à janvier 2018 approximativement. Depuis février, justement, on peut à nouveau réaliser des transactions en bitcoins pour un coût très faible.

– « En théorie, Lightning permet un traitement extrêmement rapide des petites transactions »
Pour ceux qui utilisent Lightning, ce n’est pas de la théorie, le Lightning Network permet effectivement de réaliser instantanément des petites transactions presque instantanément. C’est assez bluffant.

– « Mais par construction, ces avantages ne se réalisent que pour de nombreuses transactions de faible montant entre les deux mêmes comptes, un cas d’usage peu fréquent. »
Entre deux mêmes comptes ? Je ne comprends pas ce que ça veut dire. Les transactions sont évidemment réalisées entre des comptes différents. Pour le reste Lightning a à peine un an et déjà des solutions permettant d’envoyer des montants substantiels sont envisagées. L’idée à l’étude c’est de fractionner les « grosses » transactions en de nombreuses micro-transactions pour ne pas être limité par la taille des canaux. Comme les transactions sont extrêmement rapides, ce sera invisible pour l’usager.

– « On ne trouve pas de mesures de son utilisation réelle, qui semble très faible malgré le grand nombre de « canaux » ouverts »
C’est paradoxal… comment peut on affirmer que ça semble « très faible » alors qu’on « ne trouve pas de mesures » ? Peut-être que c’est très faible mais, puisqu’on est dans les impressions plus que dans les faits, « il me semble » à moi que le développement des transactions Lightning est très rapide, même si ça reste très expérimental (comme tout le reste d’ailleurs).

– « Une transaction est analogue d’un simple échange par mail de messages du type « je te verse tant », sans beaucoup plus de sécurité ».
Cette phrase laisse penser que Lightning n’est pas « trustless » et repose sur la bonne foi des parties ce qui est faux. Evidemment comme le Lightning Network est tout neuf des dysfonctionnements sont encore possibles. On notera que pour l’instant il n’y a pas eu de problème majeur.

– « Il est probable que beaucoup d’utilisateurs préféreront faire confiance à des systèmes utilisant une chaîne de blocs, tels que Litecoin, Dogecoin ou Dash… »
Si ces systèmes alternatifs étaient vraiment sollicités ils souffriraient des mêmes « limitations » que Bitcoin. Evidemment, mêmes sans aucune limite de taille de bloc, une « blockchain » fonctionnera toujours très bien si elle est très peu utilisée.

– « …ou des systèmes de paiement plus « traditionnels » comme les paiements par smartphone (Apple pay, etc) en monnaie traditionnelle. »
Certes les systèmes engraissant des tiers « accrédités » assis sur une rente de situation (banques commerciales, PayPal, Visa, MastercardApple pay, et bientôt Facebook Pay…), soumis à la censure et à l’extraterritorialité du droit américain, ont encore de beaux jours devant eux. Mais pour tous ceux qui ont de bonnes raisons de ne pas les utiliser, parce qu’ils ne sont pas bancarisés, parce qu’ils vivent sous la botte d’un dictateur, parce que leur monnaie perd la moitié de sa valeur chaque mois depuis des années, parce qu’ils fuient la guerre (Bitcoin c’est très pratique pour traverser la Libye sans être dévalisé), parce qu’un embargo décidé unilatéralement les empêche d’accéder au commerce international, ou simplement parce qu’ils ne veulent pas confier leurs secrets à des sociétés privées, Bitcoin et le Lightning Network peuvent avoir du sens au-delà de la dimension spéculative.

– « L’activité de minage de bitcoins cessera d’être rentable. »
Cette activité était rentable quand le bitcoin valait un euro. La puissance de calcul s’ajuste aux gains réalisés par les mineurs. Même sans compter les frais de transactions (qui, il est vrai, augmenteront à nouveau si Bitcoin est vraiment très sollicité) et sans compter également les gains de performance (notamment l’éventuel recyclage de la chaleur produite), la dépense consacrée au minage aura tendance à se maintenir si le cours double tous les quatre ans. Au-delà ou en deçà, elle se réajuste.

– « La demande insatisfaite se tournera vers d’autres systèmes et monnaies plutôt que de solliciter Bitcoin en proposant des commissions plus élevées. »
Ou alors, tout simplement, les paiements « off-chain » prendront tout leur sens et se propageront plus largement.

– « À plus long terme […] les systèmes à preuve d’enjeu seront suffisamment éprouvés pour prendre la relève des systèmes à preuve de travail, mais seront à leur tour concurrencés par des systèmes innovants du type DAG (graphe orienté acyclique) qui n’utilisent pas la notion de bloc et se passent de mineurs et de commissions en intégrant l’activité de validation des transactions existantes dans l’activité de soumission de nouvelles transactions. Bitcoin deviendra au mieux une valeur refuge réservée à une élite, au pire une vénérable relique. »
Je ne me prononce pas sur la validité technique des solutions évoquées en fin d’article. Les « DAG » et le « PoS » sont effectivement des pistes à explorer, mais aucune de ces solutions n’a jamais été confrontée à des niveaux d’utilisation semblables à Bitcoin. Par ailleurs si Bitcoin devient réellement un jour une « valeur refuge » (pure hypothèse) qu’est-ce qui l’empêcherait dès lors de devenir également une unité de compte et un moyen d’échange à grande échelle ?