Comme une offre publique initiale ou l’entreprise vend ses titres de capital sur un marché financier, une ICO (Initial Coin Offering) permet à une entreprise de collecter des capitaux à partir de sources multiples. Mais plutôt que d’émettre des actions ou des titres financiers, la société vend des tokens [1] (jetons cryptographiques) créés grâce à un smart contract sur une Blockchain afin de recueillir des fonds pour un nouveau projet en distribuant un pourcentage de l’approvisionnement initial en cryptomonnaies sur le marché digital.
Ces start-ups qui utilisent cette nouvelle stratégie pour lever des fonds se passent de tout intermédiaire et donc suivent un modèle se rapprochant plus du crowdfunding que d’un modèle d’introduction en bourse, révolu, mal vu et délaissé par la génération 2.0. Même les Venture Capitalists (Capital Risqueurs) se sentent menacés par ce nouvel acteur. Effectivement, depuis le début de l’année, 327 millions de dollars ont été levés grâce à des ICO, contre 295 millions de dollars auprès des Venture Capitalists.
Graphique montrant l’évolution des sources financement des projets liés à la Blockchain (Venture Capitalist en gris / ICO en bleu) :
Comment fonctionne une ICO ?
– Une entreprise crée une ICO en utilisant une plate-forme logicielle compatible avec une Blockchain (Ethereum par exemple).
– La plate-forme est alimentée par des tokens basés sur la cryptographie appelés aussi jetons cryptographiques.
– L’entreprise rédige ensuite un livre blanc pour décrire son projet et idéalement en mettant en valeur un prototype pour bien montrer son business model.
– L’entreprise organise par la suite un événement de vente de ces tokens cryptographiques où une partie de son capital de jetons est échangée contre des cryptomonnaies (Ether, BTC..) et de l’argent ($, €..).
– Grâce aux fonds levés, l’entreprise qui atteint son objectif de financement commence à développer son projet. Si le token a vraiment une utilité autre que la levée de fonds – s’il donne, par exemple, un droit d’usage sur un réseau particulier – les investisseurs, peuvent espérer un retour sur investissement si ce token répond à une demande et prend de la valeur.
Historique et repères :
L’une des premières ICO était celle de Mastercoin, un méta-protocole sur le Blockchain Bitcoin. Cette opération a eu lieu en 2013 et Mastercoin (MSC) a réussi à lever plus de 5000 bitcoins (BTC) ce qui équivaut aujourd’hui à plus de 13 millions de dollars.
L’ICO la plus célèbre reste néanmoins celle de l’Ethereum, qui a recueilli 18 millions de dollars en 2014 en vendant des tokens. Ceci a permis d’ouvrir la voie à cette nouvelle méthode et de la faire connaître au public, certes très restreint car aujourd’hui ce modèle n’est connu que par les initiés et la communauté des utilisateurs des cryptomonnaies, mais vu le succès grandissant de ce dernier, cela fera écho auprès du grand public et dans les médias incessamment.
Certaines start-ups et cryptomonnaies populaires ont suivi ce modèle et ont réussi à se financer en adoptant cette stratégie, en contournant le « système » dit traditionnel et en évitant d’avoir recours aux Banques, aux Venture Capitalists etc.. On peut citer de nombreux projets tels que : Brave, Gnosis, Bitshares, NXT, Augur, ANT, Tezos, Bancor, Factom, Monaco, iDice, TenX, etc…
A titre d’exemple, lorsque Brave, un projet de navigateur Internet protégeant la vie privée, a décidé de recueillir des fonds en mai de cette année, la start-up aurait pu choisir une voie traditionnelle en empruntant de l’argent aux banques, ou en vendant des actions sur le marché. Mais au lieu de cela, elle a préféré se tourner vers une ICO, et grâce à cela elle a pu recueillir plus de 35 millions de dollars auprès d’environ 130 investisseurs, en une trentaine de secondes ! Oui, 35 millions en moins d’une minute, une incroyable performance de rapidité en terme de temps et de capitalisation en terme de financement.
Gnosis a réussi quant à elle à lever 12,5 millions en l’espace de 10 minutes, Aragon a récolté 25 millions en moins de 15 minutes, et le 12 Juin de cette année Bancor a empoché près de 150 millions en deux heures, néanmoins Tezos reste jusqu’ici la plus grosse ICO, avec un pactole de 160 millions raflé en 32 heures (à l’heure où j’ai écrit cet article, l’ICO de Tezos est toujours active et continue de récoler des fonds) […].
Même les entreprises dites « mainstream », ou qui ne sont pas liées à la Blockchain entrent en scène. En effet, le service de messagerie Kik, fondé en 2009, prévoit de mener une ICO cette année, dans l’espoir que les tokens stimuleront la récolte des fonds pour sa plate-forme.
La start-up asiatique spécialisée dans la Fintech, Omise, a aussi annoncé récemment une ICO visant à amasser 19 millions de dollars, en vendant des OmiseGO tokens.
Les limites de cette approche :
Bien que l’ICO soit un outil novateur à l’ère numérique, les investisseurs doivent rester prudents et bien se renseigner sur leurs choix en investissement car certaines campagnes ICO sont frauduleuses. Etant donné que ces collectes de fonds ne sont pas réglementées par les autorités financières et que cela se passe dans un environnement tout à fait décentralisé, les fonds perdus à cause d’entités frauduleuses ne peuvent jamais être récupérés. Donc prudence est mère de sûreté.
D’une autre part, la Blockchain Ethereum qui est dans une période précoce de son cycle d’activité rencontre naturellement quelques difficultés quant aux transactions du fait de la forte demande durant les ICO, ce qui a donné lieu récemment à une congestion du réseau, mais les développeurs de la plateforme ainsi que le créateur de de l’Ethereum, Vitalik Buterin travaillent d’arrache pied afin de corriger ces défauts, d’améliorer la situation et faire que le réseau puisse suivre le nombre grandissant des transactions.
A propos de l’auteur
Etudiant en économie et management des entreprises à l’université Lille 1, Nassim Belouar a été membre puis président du Think Tank économique algérien IFAW. Membre d’Amnesty international et co-fondateur et ex-président du club de débat UMMTO Debate Club qui a pour but d’instaurer la culture du débat au sein de l’université, il a participé à la création de l’école des réfugiés qui enseigne aux réfugiés subsahariens des compétences de communication pour leur permettre de mieux s’intégrer. C’est également un ardent défenseur des crypto-monnaies et des nouvelles alternatives monétaires et financières.